jeudi 21 novembre 2024

Procès du putsch manqué de septembre 2015 : le film de l’ouverture

Proces putsch 2015Comme annoncé, la première page du dossier « ministère public et général Gilbert DIENDERE et 83 autres », s’est ouverte ce mardi 27 février 2018. La salle des banquets de Ouaga 2000, située dans le quartier huppé de la ville a été le lieu choisi par les autorités judiciaires, pour tenir ce procès qui s’avère être un test sur la vitalité de la justice et de la démocratie burkinabè. Toutefois, dès l’entame de l’audience, les avocats de la défense ont remis en cause l’existence du tribunal qui devait statuer sur le sort des accusés.

 

Le procès du putsch manqué a effectivement ouvert ses portes ce mardi matin. La salle des banquets de Ouaga 2000 où le procès a été délocalisé était archi comble. Toutes les composantes de la société n’ont pas voulu se faire compter l’évènement. « Je n’ai pas dormi. A minuit, je suis passé pour voir l’ambiance qui prévalait à la salle des banquets de Ouaga 2000, mais tout était calme. Ce matin,  j’étais là avant 6h », a confié un citoyen.

Ce sont quatre vingt quatre (84) accusés dont soixante six (66) militaires et dix-huit (18) civiles qui sont appelés à comparaitre devant la juridiction du magistrat Seydou OUEDRAOGO. Les présumés cerveaux de l’affaire sont le général Gilbert DIENDERE, accusé d’attentat à la sureté de l’Etat, de meurtre, de trahison, d’incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la discipline et de coups et blessures, et le général Djibril BASSOLE, accusé de meurtre, de trahison, de coups et blessures volontaires, et de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat. Tous les deux se sont loué les services d’une batterie d’avocats.

diendéré et Djibrill BASSOLEA 8h, les généraux Gilbert DIENDERE et Djibril BASSOLE faisaient leur entrée dans la salle d’audience sous les ovations de leurs partisans. Ce qui du coup a mis en colère les victimes et les parents des victimes. « Nos cœurs saignent à voir des gens ovationner ceux qui ont fait du tort au peuple burkinabè, alors que des gens vont vivre à jamais avec les séquelles de ce qui s’est passé pendant la résistance au putsch », a déclaré Victor POUAHOULABOU, président de l’Union des familles des martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 (UFMIP).

9h 20 mn, c’était au tour des juges de faire leur entrée dans la salle d’audience. Le procès a débuté avec la lecture de l’ordonnance n°002/2018 du 25 janvier 2018 portant délocalisation de l’audience.

A l’appel des accusés, quatre (4) étaient absents. Il s’agit du colonel D K Mamadi (dont on dit avoir perdu les traces), d’Abdoul Karim COMPAORE (au mali et qui doit rentrer le 27 février à Ouagadougou), de Léonce SOW (qui avait bénéficié d’un non-lieu) et de Samuel COULIBALY (dont on n’a pas de ses nouvelles). Les fugitifs sont au nombre de neuf (9) dont Fatou DIENDERE.

A l’entame de ce procès historique, Me Mathieu SOME, un des avocats du général Gilbert DIENDERE a insisté pour poser une question préliminaire (avant que les choses ne puissent véritablement commencer). En effet, il a tenu à observer que le procès ne pouvait s’ouvrir aujourd’hui, car la juridiction devant le tenir est inexistante et que les juges nommés étaient dans l’irrégularité en siégeant à ce procès. Pour lui, la loi modificative de juillet 2017 a supprimé la chambre de jugement pour en faire une chambre de première instance. Pourtant, les accusés ont été cités à comparaitre devant la défunte chambre de jugement. Par conséquent, selon la défense, la juridiction qui siège est inexistante et irrégulière.

 L’autre grief mentionné par la défense dès l’ouverture du procès, c’est la légalité et la légitimité des membres du tribunal militaire qui ont été nommés par le décret n°006 du 23 janvier 2018 et publié au Journal officiel (JO) le 22 février 2018. Ce qui fait que selon les avocats de la défense, le président du tribunal, le magistrat Seydou OUEDRAOGO, n’est pas habilité à tenir ce procès, car selon la loi, il sera vêtu de pleins pouvoirs, seulement huit (8) jours francs après la publication du décret de nomination dans le JO.

Une thèse battue du revers de la main par les avocats de la partie civile et le ministère public qui invoque l’article 14. En effet, pour Me Guy Hervé KAM et ses camarades, le décret nominatif est un acte individuel et non un acte réglementaire. Par conséquent, Seydou OUEDRAOGO est bel et bien habilité à siéger à ce procès. Quant au ministère public, il a expliqué qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre ces deux juridictions, qui puisse remettre en cause la légitimité de la première instance. Il a par ailleurs invité a laissé le procès se dérouler normalement et d’aller pourvoir en cassation, si besoin y avait.

On a donc procédé par tirage au sort, conformément à l’article 15, pour trouver les trois juges accesseurs qui doivent siéger avec les deux magistrats nommés par le président du Faso. Selon la loi, les trois juges accesseurs doivent avoir au moins le grade du plus gradé des prévenus ou avoir une ancienneté dans le corps. Pour le cas présent, il faut des généraux, eu égard aux grades de Gilbert DIENDERE et de Djibril BASSOLE.

Me Bayala

Selon le principe qui stipule qu’on ne peut pas être à la fois juge et témoin, les généraux Brice BAYALA, Ibrahim TRAORE et Ali TRAORE, figurant sur la liste des témoins de DIENDERE, ont été récusés tant par la défense que par le ministère public. Ce que les avocats de la partie civile ont réfuté, car ils n’ont pas encore été entendus en tant que témoins dans l’affaire. Pour Me Guy Hervé KAM, « ils ne sont que des témoins souhaités par un des accusés ». Par conséquent, ils pouvaient siéger en tant que juges. Le général de division Lougué KOUAME, lui a été récusé par la défense et par le tribunal, pour suspicions. Il a même été qualifié de putschiste par la défense.

Seul le général de division Tenga Robert GUIGUEMDE a été l’unique juge accesseur retenu pour ce premier jour du procès.

Dans ce cas de figure, la loi permet de faire fi à l’article 15, pour ne tenir compte que de l’article 16 qui stipule que le président de la chambre doit prendre une ordonnance qui puisse permettre de désigner des juges militaires de grade inférieurs que les prévenus.

C’est là que les choses vont commencer à aller à vau-l’eau. En effet, les avocats de la défense sont restés campés sur leur position. « Le tribunal est hors la loi, donc il n’est pas habilité à juger des accusés selon la loi », a déclaré Me Rodrigue BAYALA, un des avocats du général Gilbert DIENDERE pendant les différentes tractations. Après moult tractations et deux suspensions, ils ont tout simplement opté pour le siège vide. «  La loi qui fait du président et des membres de son tribunal, n’est pas encore en vigueur pour ce procès. Si nous participons à un procès qui ne respecte pas les règles en vigueur, nous manquerions à notre devoir. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous ne participerons pas à cette audience. Nous demandons seulement au tribunal de constater que le procès ne peut pas se tenir aujourd’hui », a déclaré Me SOME. « Nous nous retirons parce que la juridiction devant juger cette affaire n’est pas légale », a ajouté Me Michel TRAORE, avocat de l’ancien chef d’état-major Boureima KERE. « Compte tenu de l’absence des avocats, l’audience est suspendue », a donc déclaré le président du tribunal, Seydou OUEDRAOGO, à 14h30mn.

La séance qui devra en principe voir la constitution du tribunal est prévue selon des sources judiciaires se tenir le 14 mars prochain.

 

Candys Solange PILABRE/ YARO

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