Chez les Dagara, pendant les obsèques le défunt est exposé durant des jours selon son sexe, son âge et la localité dont il est originaire. A Kpopéri, un village de département de Disshin, les funérailles se déroulent sur une durée de trois jours. Cela se fait pour des raisons diverses qui découlent d’une histoire très ancienne.
Pour le chef du village de Kpopéri, Jean René Somé Birfouolè, l’exposition du corps est une pratique inspirée des êtres surnaturels que sont les génies. Selon lui, des chasseurs auraient observé des génies organiser les funérailles de leur défunt de cette façon. Selon cette légende, l’origine de l’exposition du cadavre qu’ont adoptée les Dagara pendant les funérailles viendrait de là. Selon lui, les génies exposaient leur cadavre dans l’espoir que les jours qui suivent il se réveille. Cette pratique des génies, les chasseurs l’ont transposée chez les Dagara comme plusieurs autres pratiques d’ailleurs.
Dans les temps anciens, explique le chef, étant donné que l’énigme de la mort n’était pas maîtrisée par les humains d'autant plus qu’il n’y avait pas assez de médecins dans la localité pour constater le décès, le corps des Dagara était exposé pendant trois jours sur un catafalque. Cette pratique visait plusieurs objectifs : d’abord s’assurer, à l’issue des trois jours, que la personne est réellement décédée. A ce sujet, Pascal Somda Kpièlè témoigne avoir déjà vécu un cas où une personne dont on célébrait les funérailles a ouvert les yeux et ayant constaté cela, lui il en a informé les anciens à l’époque qui ont ordonné d’arrêter de pleurer. Il a ensuite fait un signe pour qu’on vienne le faire entrer étant toujours malade. Une fois dans la maison, l’intéressé a demandé de l’eau à boire et s’est couché. Et c’est bien plus tard qu’il est décédé de la même maladie. Ensuite les funérailles étant communautaires, cela permet aux membres de la famille du défunt et à ceux des familles alliées, où qu’ils soient, d’effectuer le déplacement et de faire eux-mêmes le constat. Car, explique-t-il, beaucoup sont souvent en aventure au Ghana et en Côte d’Ivoire et cela leur permet de revenir célébrer avec les autres membres de la communauté les funérailles. Il précise qu’il arrive que l’on retarde l’enterrement afin d’attendre l’arrivée d’un proche du défunt. Pour Richard Somda, joueur de balafon, cela permet aux membres de la communauté de faire le procès du défunt. Trois jours durant, joueurs de balafon et chansonniers se succèdent devant le défunt sur un site d’exposition propre à chaque clan. Ces moments sont des occasions pour ceux-ci, soit de faire les éloges du défunt et des membres de sa famille ou de le condamner en exposant au grand jour ses bonnes ou mauvaises pratiques de son vivant, explique-t-il. A en croire Modeste Somé, de nos jours quand le cadavre n’est pas exposé, la mobilisation des gens n’est pas assez importante et ceux qui viennent, hormis les proches du défunt, pleurent moins le mort. L’enterrement étant en principe la dernière grande étape des funérailles, quand le corps est enterré ailleurs, les gens estiment que l’essentiel est fait et que le reste n’est plus important.
De plus, le chef du village de Kpopéri indique que l’orientation du visage du cadavre est fonction de son sexe. Quand c’est un homme, il est orienté vers l’est. Cela a pour symbolique de montrer que l’homme a comme indicateur de ses tâches quotidiennes la matinée. Quand c’est une femme, c’est vers l’ouest, pour signifier que c’est au coucher du soleil que démarrent les travaux spécifiques à celle-ci. Et ces positions sont valables dans la tombe. Quant à l’accoutrement du cadavre, M. Somé indique qu’il y en a deux sortes. Le premier est lié au style vestimentaire que le défunt avait au quotidien, le second est lié à l’identité dagara et considéré comme étant celui dans lequel il sera accueilli par les ancêtres dans l’au-delà. Cette tenue, chaque famille l’a en prévision pour ces circonstances.
En définitive, l’exposition du corps est très sacrée chez les Dagara. Elle est d’ailleurs au cœur du déroulement des funérailles. Mais de nos jours, l’exposition n’est plus systématiquement pour les trois jours car en cas de décès suite à une maladie contagieuse, le corps est rapidement enterré pour éviter toute contagion.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné