Pour Maître Alexandre Sandwidi, avocat des accusés Hamado Zongo et Abdoul Nafion Nébié, il n’y a pas eu de putsch en septembre 2015 parce que simplement, selon ses propres termes, le régime de la Transition était illégitime car ne procédant pas de la Constitution. Il ajoute que ses clients ne peuvent être condamnés pour les faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures volontaires et dégradation aggravée de biens, parce que aucun élément matériel ne les accable.
L’attentat à la sûreté de l’Etat devrait être considéré comme n’ayant jamais existé, car l’infraction consiste à changer par la violence un régime légal. Pourtant, de l’avis de Me Sandwidi, le pouvoir de la Transition était tout sauf légitime, car il ne procédait pas de la Constitution. Selon la loi fondamentale, lorsque la vacance du pouvoir a été constatée suite au départ du président Blaise Compaoré, c’était au président de l’Assemblée nationale d’assurer la transition et d’organiser des élections. « Il n’y a pas d’illégalité à faire cesser une illégalité. Ce que le général Diendéré a fait, c’était pour que les autorités de la Transition arrêtent de violer la Constitution », a martelé l’avocat. Il n’y a pas eu de putsch, selon son entendement, mais une énième crise. Et l’arrestation des autorités de la Transition par les soldats du Régiment de sécurité présidentielle n’avait pour but que de les amener à revoir le projet de dissolution du RSP et à tenir leurs engagements.
En ce qui concerne ses clients accusés de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, l’auxiliaire de justice affirme que l’infraction n’est pas constituée puisque ceux-ci n’ont pris part à aucune rencontre de concertation, donc n’avaient pas connaissance du projet et ne se sont pas non plus associés à son exécution. Et lorsque le parquet affirme que les accusés ont exécuté des ordres illégaux de putschistes qui tentaient d’asseoir leur pouvoir et qu’ils fournissaient des renseignements, l’avocat rétorque qu’aucune pièce du dossier ne l’atteste. Ses clients, soutient-il, bénéficient même de circonstances atténuantes, car les actes qu’ils ont posés à l’issue du coup de force n’étaient qu’exécution d’ordres reçus de leurs supérieurs hiérarchiques. Des ordres qu’ils ne pouvaient ni discuter ni juger manifestement illégaux, du fait de l’obéissance et de la discipline militaires qui existent au sein des forces armées. Et pour les faits de meurtres, coups et blessures volontaires et dégradation aggravée de biens, Me Sandwidi rappelle que la responsabilité pénale ne peut résulter que d’un fait personnel. Les infractions ci-dessus citées ne peuvent, dans ce cas, être la conséquence prévisible de la complicité de l’attentat à la sûreté de l’Etat. Il appartenait donc au parquet de faire des démonstrations attestant de la culpabilité des soldats accusés, notamment par des rapports balistiques. Au lieu de cela, déplore l’homme en robe noire, ce sont plutôt des vidéos à la crédibilité douteuse qui auraient été présentées comme preuves.
Le seul délit qu’aurait commis le caporal Nafion Abdoul Nébié, poursuit son conseil, et qui vaut sa présence dans cette procédure, c’est d’avoir pris la fuite pour se retrouver en Côte d’ivoire. Il aurait été berné par le sergent-chef Ali Sanou qui lui a fait croire qu’il était recherché, alors que celui-ci ne cherchait qu’à fuir. Le caporal n’a jamais fait partie du convoi qui est allé saccager la radio Laafi de Zorgho. Egalement déserteur déposé par l’armée ivoirienne, le soldat de première classe Hamado Zongo qui a certes fait partie du convoi de Zorgho, n’est pas descendu du véhicule une fois sur les lieux. Et une fois de retour sur Ouagadougou, il restera confiné au camp Naaba Koom jusqu’au 29 septembre. Il a participé à des patrouilles avec le sergent-chef Ali Sanou, afin de voir l’état de sécurité de la ville de Ouagadougou, mais n’a commis aucune exaction sur les populations. Et aucun élément matériel dans le dossier ne permet de le relier aux morts et blessés enregistrés, argumente l’avocat.
Pour Me Sandwidi, ce procès est passé à côté de l’essentiel car en fin de compte, on ne saura pas qui a fait quoi.
Armelle Ouédraogo