Il n’y a pas de sot métier, dit-on. Pour subvenir à ses besoins quotidiens, chaque étudiant se bat comme il peut, surtout dans ce contexte où décrocher le moindre emploi est un parcours du combattant. A l’université, la situation est encore plus difficile. Piégés entre la bataille pour valider leurs semestres et s’assurer de quoi survivre, certains apprenants arrivent à joindre les deux bouts grâce au métier de vigile. Un boulot qui a certes des avantages mais comporte aussi d’énormes risques.
Au temple du savoir, les réalités des apprenants se ressemblent : nombre d’entre eux voient leur parcours universitaire freiné par un retard académique et un chevauchement d’années sans précédent. Outre cela, la vie universitaire chez les garçons comme chez les filles exige un minimum financier que beaucoup n’ont pas.
Pour faire face à leurs besoins, nombre d’entre eux n’hésitent donc pas à se faire recruter en tant que vigiles par des sociétés de sécurité. Achim Bamouni était en première année de sociologie quand il a été recruté en tant qu’agent de sécurité. Il exerce depuis 3 ans ce métier. Aujourd’hui, il est en année de licence. « Quand je suis arrivé au campus, un grand frère faisait déjà le job de vigile et grâce à lui, j’ai pu me faire embaucher par cette agence de sécurité. Grâce aux revenus que j’en tire, je me suis acheté une moto et une parcelle dans un non-loti que je suis en train de mettre en valeur», nous a-t-il confié.
Et comment parvient-il à concilier études et « vigilat » ? Achim nous explique qu’il a pu convaincre le responsable de l’agence de ne le programmer que les nuits. Cela, afin qu’il puisse prendre ses cours et composer ses devoirs. Ainsi, il a su exploiter les jours creux très fréquents à l’Université Joseph Ki-Zerbo, en raison des différents maux qui minent cette université, pour se reposer et « bosser ».
Si ce métier a des avantages qui enchantent, il comporte, comme tout autre, des risques. Safiatou Zongo, un pseudonyme que nous avons donné à une étudiante ex-vigile, se confie : « J’étais vigile dans une clinique, j’avais la charge de surveiller les personnes qui entrent et sortent du bâtiment. Mais un jour un fou s’est présenté à la porte et m’a menacée de le faire entrer chez le médecin. J’ai fui et je ne suis plus repartie là-bas ». Mais, nous dit-elle, la clinique a tenu à lui payer les trois semaines de travail qu’elle avait déjà effectué et c’est là qu’elle a découvert le pot aux roses. « L’entreprise prévoyait de me payer 30 000 F le mois alors que la clinique m’a fait savoir que le contrat qu’elle avait signé avec mon agence était de 75 0000 F, soit plus du double de ce qui devait m’être servi comme salaire mensuel. C’est de l’exploitation et cela m’a choquée et révoltée », fulmine-t-elle.
Achim Bamouni, quant à lui, raconte avoir échappé de justesse à des agresseurs qui s’en sont pris à une cour voisine. « Je me suis mis à l’abri et j’ai appelé des renforts. Un autre jour, un de nos camarades étudiants vigiles a été agressé et ligoté. Fort heureusement, il s’en est sorti sans dommage », nous raconte-t-il.
Ces étudiants vigiles sont recrutés et formés en 3 semaines. Ils reçoivent leur tenue et avec une matraque en guise d’arme de dissuasion pour faire face à des bandits de grands chemins opérant souvent en groupe.
Des risques qu’un autre étudiant actuellement engagé dans une agence de sécurité reconnaît. Pour des raisons d’anonymat, nous lui avons attribué le nom Salif Zongo. « Ce n’est pas avec plaisir que nous exerçons ce métier. Regardez vous-même : on est obligé, malgré nos diplômes, de faire un métier assez gênant. Sans compter que chaque jour, tu ne sais pas à qui tu auras affaire. Et même si tu le sais, tu n’as pas véritablement les moyens contre eux. Mais il n’y a pas d’emploi. L’Etat ne recrute que très peu d’entre nous. D’ailleurs, cette année on entend dire qu’il n’y aura pas de concours. Donc ont fait ce qu’on peut en attendant d’avoir quelque chose de stable à faire», déclare-t-il.
La joie de l’obtention du baccalauréat et le rêve de faire un long parcours universitaire de plusieurs étudiants se dissipent une fois sur le temple du savoir, les difficultés du terrain les ramenant à la dure réalité. Certains abandonnent, les plus chanceux sont recrutés lors des concours et d’autres tiennent le coup et exercent de petits métiers, dont celui de vigile, pour subvenir à leurs besoins.
Pema Neya (Stagiaire)