dimanche 24 novembre 2024

Société : Ces bras valides qui mendient dans les rues

valid unIls sont présents dans les rues et quartiers, aux feux tricolores, dans les marchés et autour des lieux de cultes. Eux, ce sont ces hommes et femmes de tous âges qui font la manche pour avoir leur pitance quotidienne. Le phénomène de la mendicité dans la ville de Ouagadougou est une réalité frappante depuis plusieurs années, qui a fini par devenir pour certains un métier qu’ils exercent avec une certaine fierté.

S’il n’est pas rare de rencontrer des enfants, des mères de jumeaux et personnes infirmes qui mendient dans nos rues, il reste tout de même étonnant de voir des jeunes gens en pleine forme, donc ne présentant aucun handicap physique, demander la charité pour s’assurer de quoi vivre au quotidien.

Mais qu’est-ce qui peut bien amener un jeune homme qui jouit de toutes ses facultés physiques et morales et qui pourrait exercer des métiers tels la mécanique ou la maçonnerie à tendre la sébile sans gêne aucune pour le regard et le jugement de la société ? Abdul Aziz a 21 ans et mendie depuis son jeune âge. « Au début, mes parents m’ont envoyé du village pour étudier chez un maître coranique et l’aider à nous prendre en charge. Il y avait des heures pour aller demander l’aumône auprès des bonnes volontés. Aujourd’hui je mendie pour moi-même», nous a-t-il confié.

Pourtant de ce qu’il nous a été donné de savoir, la mendicité n’est pas une pratique islamique. « L’islam déconseille la mendicité et la condamne. Le prophète l’a interdite, sauf pour un voyageur en détresse ou pour une personne qui est extrêmement dans le besoin », nous a confié un imam. Il affirme cependant comprendre certains maîtres coraniques qui font quémander les enfants afin de les prendre en charge, mais estime qu’aujourd’hui cette pratique est dépassée car il existe plusieurs écoles professionnelles pour l’éducation et la prise en charge des enfants. Il invite d’ailleurs les parents à se soucier de l’avenir de leur progéniture.

valid 2En ce qui concerne le regard des gens sur lui, Abdul Aziz estime qu’il ne fait rien de mal. « Nous ne volons pas, nous n’agressons pas les gens, nous leur faisons des bénédictions et ils nous font l’aumône. Et puis nous aidons même les gens car il y a des personnes aisées qui viennent faire des dons pour devenir riches. Nous recevons les offrandes et prions pour elles ». Néanmoins, il reconnaît que certains de ses congénères ont des attitudes peu recommandables. « Il y en a parmi nous qui sont de faux garibou ; ils n’ont pas la crainte de Dieu et ils font le mal. Nous sommes contre ça. »

A la question de savoir à quel avenir il aspire, lui qui est un jeune qui a tout physiquement pour se prendre en charge, Aziz répond : « Je veux devenir un grand cheik, inchallah, qui fait des Doua (bénédictions) pour des gens et remplir de grands espaces pour prêcher la parole de Dieu ». 

Comme Abdoul Aziz, nombreux sont les jeunes qui traînent en ville en quête de leur pitance quotidienne. Ces bras valides qui auraient pu constituer une véritable main-d’œuvre au service du pays véhiculent de ce fait une image qui traduit un malaise dans le développement social du Faso, posant ainsi la problématique de la gestion des ressources humaines du pays.

Un problème dont le gouvernement a bien pris conscience en procédant, par le truchement du ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de l’Action humanitaire, au retrait des enfants vivant dans la rue et en les plaçant dans des centres de réinsertion sociale. Une action certes insuffisante mais qui reste un pas vers la réduction de ce phénomène, car ce combat implique avant tout la responsabilité des parents en ce qui concerne la prise en charge de leurs rejetons.

Le phénomène de la mendicité intéresse plus d’un citoyen, qui ont bien voulu s’exprimer à notre micro sur la question. « Ce n’est pas la mendicité qui me choque mais l’aspect physique de ces grands garçons qui mendient alors qu’ils peuvent gagner leur vie à la sueur de leur front », s’offusque Alimata Sawadogo.

« Comment un parent peut être fier de voir son enfant mendier pour exister ? » s’interroge pour sa part Etienne Zongo.

« Il ne faut pas en vouloir aux mendiants car ils rendent service à plusieurs personnes qui ont des sacrifices à faire. N’oubliez pas qu’après tout, nous sommes des Africains ! », rappelle quant à lui Gilbert Traoré.

La mendicité est devenue pour certaines personnes un « métier » qu’elles exercent tous les jours sans aucune gêne, voire avec fierté. Dans un pays où la contribution du secteur informel au développement national ne fait l’ombre d’aucun doute, cette main-d’œuvre ne serait-elle pas bien plus utile à ce secteur ?

(Pema Neya) Stagiaire

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