Ce mercredi 12 juin 2019, s’est poursuivi le procès du putsch manqué du 16 septembre 2015. La non-comparution d’un des accusés, notamment le général Djibril Bassolet, la plaidoirie de la partie civile pour réclamer la condamnation des accusés et celle de la défense pour les disculper ont constitué le menu des échanges.
Dès l’entame du procès, le parquet a demandé des explications quant à l’absence du général Djibril Bassolet au procès des 11 et 12 juin, pourtant revenu de ses soins au Maroc Pour son conseil maître Bonkoungou, le fait de ne pas comparaître ne signifie pas que son client ne veut pas le faire ; c'est parce qu’il en est dans l’incapacité, vu son état de santé qui ne lui permet pas de se rendre à l’audience. Face à cette déclaration, le parquet et la partie civile ont demandé qu’une preuve médicale de sa non-comparution soit fournie. N’ayant pas ce document par-devers eux, le conseil du général de brigade a demandé qu’un huis clos soit ordonné afin que cette question de santé soit débattue avec le tribunal, une requête qui a été rejetée.
Pour clarifier la situation, le tribunal a dû suspendre le procès pendant une trentaine de minutes pour ordonner une sommation d’avoir à comparaître à la chambre de première instance du tribunal militaire. Ce document a été transmis à l’accusé par l’entremise de son huissier de justice. La réponse de Djibril n’a pas tardé et comme justificatif c’est son état de santé qui est la cause de son absence aux audiences. Face à cette situation, le tribunal a ordonné que les audiences se poursuivent sans lui, et mandat fut donné que lecture du procès-verbal de chaque audience lui soit faite à son domicile.
En matière de plaidoirie, deux avocats de la partie civile ont argumenté pour prouver la culpabilité des accusés.
Pour Maître Oumarou B. Ouédraogo, plaidant pour la radio Oméga au sujet des dégâts qu’elle a subis lors du coup d’Etat manqué, il y a eu bel bien le 16 septembre dégradation volontaire et aggravés de biens à ladite radio. Car pour lui, les faits établis par un huissier commis par le responsable de ladite radio relatent ceux-ci. « Huit soldats dans la soirée du 16 septembre 2015 se seraient rendus dans la cour de la radio à bord d’une voiture 4x4 aux environs de 16h. Après quelques minutes de stationnement, ils sont repartis et de nouveau sont revenus à 17h et cette fois-ci ont fait irruption à la radio, ont intimé l’ordre d’arrêter l’émission et ensuite ont détruit l’émetteur. Après ce forfait, les 8 soldats de l’ex-RSP auraient aspergé d’essence les mobylettes qui étaient garées au parking et à l’aide de coups de feu ont brûlé ces engins au nombre de 20 ».
Au vu de ces faits, Maître Oumarou B. Ouédraogo indique que si leur intention était d’arrêter l’émission de la radio, ils n’avaient point besoin de s’armer pour le faire et le fait de prendre le soin d’arroser les engins avec de l’essence et de les brûler montre bien que l’acte de dégradation volontaire aggravée de biens est constitué et que les contrevenants doivent être punis à la hauteur de leur forfait selon ce que prévoient l’article 518 et 519 du Code pénal.
Maître Séraphin Somé, un des avocats de la partie civile, a basé sa plaidoirie sur le crime de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat reproché à plusieurs accusés qui ont plaidé non coupables.
En ce qui concerne l’accusé Adama Ouédraogo dit Damiss, maître Séraphin Somé, se basant sur la déclaration du général Diendéré, estime qu’il est complice d’attentat à la sûreté de l'Etat. Pour lui, le général Diendéré, le 10 décembre 2015 pendant les enquêtes préliminaires de 2e décret, aurait dit ceci à propos de la déclaration du CND lue pendant le putsch manqué: « C’est ma déclaration, j’en prends l’entière responsabilité. Elle a été rédigée le 16 septembre 2015, j’ai donné les grandes idées et j’ai demandé à Damiss et il a rédigé ». En plus de cela, le conseil de la partie signale qu’il y a d’autres faits qui incriminent davantage le journaliste, car le général lui aurait demandé avant le 16 septembre 2015 de recenser les griefs sur les actions politiques de l’époque et lui-même reconnaît s’être rendu au domicile de Gilbert Diendéré dans la première semaine de septembre pour lui rendre le travail demandé. Pour corroborer son argumentaire, Séraphin Somé a présenté les témoignages de certains accusés, en l’occurrence Aziz Korogo et le capitaine Zombri, qui affirment avoir aperçu M. Ouédraogo dans le bureau du chef de corps du camp Naaba Koom après la réunion qui se tenait pour décider de la conduite à tenir face à la situation. Pour lui, Adama Ouédraogo était à la préparation et à la concrétisation du coup d’Etat.
Pour ce qui est du cas d’Aminata Guelwaré, la partie civile plaide sa culpabilité pour complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Selon le conseil de la partie civile, elle aurait créé un mouvement pour la rectification de la démocratie pour soutenir le conseil national pour la démocratie (CND), aurait rédigé des communiqués pour qu’on les diffuse à la radio Oméga, aurait été à Boutenga pour vérifier si des soldats viendraient de Fada N’Gourma pour renseigner les putschistes, enfin aurait conduit des militaires à Koupéla pour arrêter les émissions de la radio Laafi.
Pour le cas de Léonce Koné, la partie civile estime que le fait qu’il ait fait allégeance au général Diendéré le 17 septembre et d’avoir reçu 50 millions venant de la Côte d’Ivoire par l’entremise de l’hélicoptère réquisitionné par Diendéré pour l’acheminement du matériel de maintien d’ordre ne le dédouane pas de cette complicité.
Pour les autres accusés tels qu’Hermann Yaméogo, Fatimata Thérèse, Sidi Lamine Omar, Salifou Sawadogo, le lieutenant Limon K. Jacques Diawara, la partie civile, sur la base de plusieurs témoignages et du recoupement des appels téléphoniques et avec des personnalités impliquées dans le coup et d’autres de l’extérieur qui soutenaient, a demandé qu’ils soient déclarés coupables et punis à la hauteur de leur forfait.
Pour maître Awa Sawadogo il est vrai qu’il y a eu coup d’Etat, il y a eu des actes qui ont été commis, des tueries, des blessures, mais aucune victime n’a reconnu l’auteur de ces actes. De plus, elle estime qu’il n’y a pas eu de rapport balistique montrant que les victimes ont été touchées par les balles des accusés ; par conséquent pour elle, la question de qui punir se pose. Par ailleurs, elle a demandé au tribunal de dire le droit dans toute sa rigueur sans se laisser influencer pour que la justice dans la vérité soit rendue.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné