dimanche 24 novembre 2024

La dépression : une maladie mentale fréquente très souvent négligée

depression uneLa dépression est un trouble de l’humeur qui affecte celle-ci en l’orientant dans le sens de la tristesse, avec un ralentissement du comportement de la personne ainsi que quelques signes physiques. C’est une maladie mentale assez fréquente mais très souvent méconnue ou prise à la légère. Pour comprendre les facteurs qui peuvent entraîner la dépression et savoir la conduite à tenir face à certains symptômes, Radars Info Burkina a rencontré Richard Ouédraogo, psychiatre au centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo.

RIB : Quels sont les signes qui caractérisent la dépression ?

RO : Il faut savoir que la dépression dans les formes simples n’altère pas le jugement de la personne, donc l’intéressé peut lui-même reconnaître un certain nombre de symptômes qui pourraient motiver une consultation. Et parmi ces symptômes, il y a d’abord la tristesse qui peut prendre des expressions variées. Ça peut aller de l’ennui jusqu’à un degré sévère que l’on appelle douleur morale, c'est-à-dire que la personne sent une boule au niveau du thorax. La douleur peut sembler physique alors que c’est la tristesse qui entraîne cela. Chez l’adolescent, cette tristesse est souvent remplacée par une irritabilité. Il y a également des signes comme la peur, l’anxiété, une incapacité à éprouver du plaisir, un ralentissement de la pensée et des mouvements, des difficultés à se concentrer. La personne a aussi des idées pessimistes, voire suicidaires, concernant sa propre personne, l’avenir, son entourage et va beaucoup culpabiliser. A cela s’ajoute de l’insomnie ou de l’hypersomnie qui est non récupératrice, c'est-à-dire que le sujet se sent fatigué au réveil. Vous avez aussi les troubles de l’appétit soit de l’anorexie ou de l’hyperorexie, l’hypotension, la constipation, etc. Mais tous ces signes sont fonction du degré de la dépression. Dans les formes simples, on peut ne pas bien identifier ces éléments-là, mais dans les formes majeures c’est ce que l’on note.

RIB : Est-ce qu’il existe des statistiques concernant la dépression au Burkina Faso ?

RO : Le professeur agrégé en charge du service psychiatrie de l’hôpital Yalgado Ouédraogo a réalisé une étude qui a permis de retenir la dépression comme maladie mentale la plus fréquente au Burkina Faso, avec un taux de plus de 10%. Ce qui contraste avec les données hospitalières puisqu’au niveau hospitalier, ce sont surtout les psychoses que nous retenons comme pathologies les plus fréquentes. C’est pour dire qu’en fait les gens ne consultent pas pour la dépression, ils banalisent les symptômes ou ne savent pas qu’il s’agit d’une maladie mentale. Sinon, c’est une maladie très fréquente.

RIB : Quelle est la tranche d’âge la plus concernée par la dépression, en vous basant sur les patients que vous recevez en consultation ?

RO : La dépression touche pratiquement tout le monde, que ce soit l’adolescent, le jeune adulte ou le sujet âgé. Et chez le sujet âgé, la dépression le plus souvent se manifeste par des signes de démence (perte des capacités cognitives, la mémoire, attention). Il y a aussi des formes chez le sujet âgé que l’on appelle « dépression masquée », qui sont caractérisées essentiellement par des plaintes somatiques, c'est-à-dire que ces personnes âgées vont se plaindre de douleurs, de courbatures et lorsqu’on fait les examens on ne remarque rien. Dans ces cas-là il faut penser à une dépression masquée. En termes de fréquence, c’est chez l’adulte et beaucoup plus chez les dames que l’on va rencontrer la dépression.

RIB : Quels sont les facteurs pouvant engendrer une dépression ?

depression 2RO : Plusieurs catégories de facteurs en lien avec la personnalité peuvent provoquer une dépression. Il y a des personnalités comme celle obsessionnelle ou hystérique qui prédisposent à la dépression. D’autres facteurs socioenvironnementaux tels les conflits conjugaux, la perte d’un être cher ou d’un emploi, la marginalisation, la pauvreté, etc. Dans le cas de la dépression du post-partum, environ 20% des femmes dépriment après accouchement. Et le gros souci, c’est qu’avec l’arrivée du bébé on oublie la maman. Et cela peut engendrer des dépressions qui peuvent évoluer vers des formes plus sévères de psychoses. A ce type de dépression, les facteurs les plus statistiquement associés sont surtout le concubinage, la polygamie, l’existence d’un évènement stressant dans l’année avant la naissance, donc durant la grossesse sans oublier les antécédents. Si vos parents ont développé des épisodes dépressifs, vous avez aussi des chances d’en faire de même.

RIB : Qu’en est-il de la prise en charge des dépressifs ?

RO : La prise en charge va comporter un certain nombre d’étapes. Après le diagnostic, il faut essayer d’évaluer la personne sur le plan clinique en faisant un examen. Examiner la personne, demander un bilan biologique pour voir si les symptômes ne sont pas liés à une maladie organique. Parce qu’il y a des maladies organiques qui peuvent se manifester sous forme de syndrome dépressif. Ce n’est pas une dépression mais ça en a les symptômes. Il s’agit de certains troubles endocriniens comme les dystéroidies ou les hypotéridies, les tumeurs du cerveau. Il y a même des médicaments dont les effets secondaires peuvent entraîner une dépression. C’est le cas des corticoïdes, de certains anticancéreux ou encore des médicaments contre la tuberculose. Il faut donc faire cette évaluation pour écarter ces hypothèses. Une fois que l’on retient une maladie psychiatrique, on va alors mettre en place un traitement antidépressif en fonction du degré. Quand il s’agit d’une dépression légère, on ne met pas d’antidépressif, c’est dans les formes sévères que l’on prescrit les médicaments. Et ce traitement doit être institué après un bilan pré-thérapeutique parce que tous les psychotropes peuvent agir sur le cœur. Et il faut associer à ce traitement la psychothérapie pour amener la personne à voir différemment les choses.

RIB : Un dernier mot ?

RO : La dépression est très fréquente et les gens ont tendance à banaliser la tristesse et à penser qu’elle est normale. Un élément important au niveau du diagnostic, c’est la durée d’évolution des symptômes. Toute tristesse n’est pas pathologique et ne doit pas durer plus de deux semaines. Si c’est le cas, alors on parle de dépression et il faut consulter pour être pris en charge parce que la dépression peut évoluer vers des idées suicidaires, des suicides ou encore des suicides altruistes, c'est-à-dire tuer l’autre avant de se tuer. En outre, la dépression ce n’est pas que de la tristesse ; ça peut aussi être l’ennui ou bien de l’irritabilité. Le plus important, c’est de consulter lorsque vous présentez les signes ci-dessus cités.

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo

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