Depuis plusieurs mois, l’affaire défraie la chronique. En décembre 2018, des conteneurs appartenant à la société Essakane SA et contenant du charbon fin sont saisis par la Brigade nationale antifraude sur instruction du procureur à Bobo-Dioulasso. La société est alors soupçonnée de fraude, et le montant supposé de cette tromperie fait couler beaucoup d’encre et de salive. Les supputations et accusations au plus haut sommet de l’Etat sont si graves que le ministre des Mines et des Carrières, Oumarou Idani, décide de rompre le silence et de rétablir les faits, selon ses propos.
A la question des journalistes de savoir pourquoi le ministère et la société Essakane communiquent si tardivement, Oumarou Idani répond qu’au regard du fait que l’affaire est pendante en justice, son ministère avait décidé de ne pas s’exprimer sur la question. Le plus important étant la manifestation de la vérité. Mais comme des informations censées n’être qu’à la disposition du procureur se retrouvent sur la place publique avec toutes les accusations qui vont avec, il a décidé de réagir afin de « rétablir les faits » et de ne pas laisser manipuler l’opinion.
Afin de situer les faits dans leur contexte, le ministre des Mines et des Carrières a tenu à faire la genèse de l’affaire dite de « charbon fin ». Pour cela, il a rappelé que les faits remontent à août 2018 et non à fin décembre, comme beaucoup le pensent. En effet, c'est à cette date que par correspondance, la société Essakane a déposé une demande d'exportation du charbon fin au Canada pour traitement. En marquant son accord, le ministère a invité la société minière à fournir des informations sur les échantillons ainsi que les dates de pesée et de colisage. Après analyse de 640 échantillons, les quantités de charbon fin ont été estimées à 304 kg d'or et 135 kg d'argent. La valeur estimée des métaux est de plus de 7 milliards F CFA et les royalties ou taxes représentant 4% de la valeur, soit environ 285 millions. Le Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB) a également analysé les doublons des échantillons fournis et les résultats transmis au parquet. À l'issue des différentes procédures, l’autorisation a été donnée à la société d'exporter le charbon fin. C'est au cours de l'acheminement que le procureur a ordonné la saisie de la marchandise à Bobo Dioulasso par la Brigade nationale antifraude de l'or (BNAF). Après investigation, la Brigade a conclu à l'absence d'infraction de fraude. Suite à ce rapport, le procureur a commis deux consultants de compétence chimiste et douanière pour investiguer. C'est probablement le contenu de ce rapport, affirme le ministre Oumarou Idani, qui a conduit à cette polémique dans les médias, et récupérée par les OSC.
Face aux différentes accusations, Oumarou Idani affirme que son ministère a agi conformément à la législation en vigueur dans le secteur minier, tout en jouant son rôle qui est le suivi administratif régulier des opérations d’exportation. Et c’est tout naturellement qu’il rejette avec fermeté toute connivence avec la société Essakane SA visant à faire sortir frauduleusement des produits miniers. Afin de lever toute suspicion sur son département et certaines autorités, le ministre propose le recours à un cabinet d'experts indépendants, de notoriété reconnue et librement choisis et suggère que les analyses soient faites dans un laboratoire accrédité et internationalement reconnu. Il est convaincu que « cette option pourrait avoir l’avantage de défendre les intérêts réels de notre pays et ramener la sérénité et la confiance dans l’opinion, en même temps qu’elle favoriserait un début de réponse à la problématique globale du charbon fin au niveau des mines industrielles exerçant au Burkina ». Oumarou Idani ajoute que s'il s’avérait, au terme de la procédure judiciaire, que la société Essakane était reconnue coupable d'infraction, le ministère ferait application de la loi dans toute sa rigueur et appuierait toutes les structures compétentes en charge de l'application des sanctions prévues. Cette culpabilité pourrait coûter à Essakane 5 milliards 200 millions de francs CFA d’amende, avec confiscation de l’objet de la fraude et des moyens de transport ayant servi à la fraude.
Il faut retenir que le charbon fin est exporté afin d’être traité dans des usines spécialisées, parce qu’il contient des restes d’or que les sociétés minières n’arrivent pas à extraire sur place. Et le convoi d’Essakane incriminé était le troisième du genre.
Armelle Ouédraogo