Le système éducatif universitaire et secondaire a ses réalités et difficultés qui font régulièrement l’objet de revendications et de luttes de part et d’autre. A l’Université Joseph Ki-Zerbo, il existe officiellement onze structures à caractère syndical, toutes créées dans l’unique but d’assurer la défense des intérêts matériels et moraux des apprenants de ce temple du savoir.
La création de la première structure syndicale estudiantine et scolaire remonte aux premières heures de l’indépendance du Burkina Faso, c’est-à-dire en 1960. En effet, c'est de la fusion de l'Association des étudiants voltaïques en France (AEVF) et de l'Association des scolaires voltaïques à Dakar (ASV) le 27 juillet 1960 qu'est née l’Union générale des étudiants voltaïques (l'UGEV), avec comme figure de proue Joseph Ki-Zerbo, premier président de l’AEVF.
En 1983, à la faveur de la révolution, le pays change de nom. C'est ainsi que l’UGEV devient UGEB (Union générale des étudiants burkinabè).
Depuis, cette structure a organisé et participé avec ses sections (ANEB et ASEB) à plusieurs luttes dans l’histoire du pays, notamment en 1975 contre le parti unique. En 1990 contre le régime d’exception et pour l’amélioration des conditions de vies et d’études, les étudiants, sous le Front populaire, ont mené une lutte qui coûtera la vie à Dabo Boukari, un des leurs pour qui ils continuent de réclamer justice. En 1998, l’UGEB est membre du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques, né suite à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en plus du mouvement engagé pour l’aide et les bourses d’études au profit des étudiants. Une lutte qui débouchera sur l’invalidation de l’année universitaire en 1999-2000. C’est dans ce contexte que naquit l’Union nationale des étudiants du Faso (UNEF) dont les premiers membres sont cinq dissidents de l’ANEB, qui ne partageaient pas les méthodes de lutte de celle-ci, selon Boukari Nikiéma, secrétaire général de l’UNEF.
Depuis sa création, l’UNEF est accusée très souvent d’avoir été montée pour casser la lutte de l’ANEB. De l’avis de Boukari Nikiéma, de tels propos viendraient de l’ANEB qui n’aurait pas digéré le départ de ces frondeurs. Il précise que l’UNEF a été créée pour la liberté d’expression et pour la diversité de pensée syndicale sur le campus qu’il accuse l’ANEB d’avoir confisquée en réduisant au silence plusieurs syndicats avant eux.
A la question de savoir si la pléthore de syndicats n’est pas un frein aux luttes des étudiants, M. Nikiéma répond que l’UNEF a été créée pour la liberté syndicale sur le campus et considère cette pluralité comme un acquis qu'ils ont arraché.
D’ailleurs, rappelle-t-il, parmi ces onze syndicats, le dernier à être créé a un président transfuge de l’UNEF. Il s’agit d’Issiaka Ouédraogo, président de la Coalition des élèves et étudiants (CONEEF) créée en 2018. Nous l’avons rencontré et il justifie la création de sa structure par le besoin de panafricaniser le système éducatif africain car pour lui les syndicats antérieurs sont d’obédience communiste et marxiste, des idéologies révolues qui ne tiennent pas compte des réalités africaines. Les syndicats sont généralement accusés d’être manipulés par des mains invisibles politiques. « Ceux qui font des accusations pareilles sont assis dans les grins de thé, sinon quelqu’un qui a milité ne peut pas tenir de tels propos », répond Issaka Ouédraogo.
Bien avant la CONEEF, une autre structure syndicale créée en 2013 avait un mode de fonctionnement similaire à celui de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI). Il s’agit de la Fédération estudiantine et scolaire pour l’intégrité au Burkina Faso (FESCIBF). Mais son secrétaire général, Pallo Dapougdi Augustin, martèle que « la FESCIBF n’a rien à voir avec la FESCI. » Bien qu’ayant souvent des divergences de vues, les associations estudiantines de l’UO Ki-Zerbo occupent le même siège : le CODE (Collectif des organisations démocratiques des étudiants). Selon Yacouba Ouédraogo, directeur du Centre régional des œuvres universitaires (CROUO), chargé de la gestion du CODE, « le nombre de structures syndicales ne pose pas de problèmes majeurs d’autant plus qu’on n’a pas de rencontre statutaire et que chaque structure mène de façon indépendante ses activités et ses revendications qu’elle pose à travers des plates-formes revendicatives. Généralement, elles posent toutes les mêmes problèmes. La seule difficulté est que lorsqu’une structure pose un problème, le temps pour respecter les procédures est long. »
A l’université de Ouagadougou, coexistent une dizaine de structures estudiantines à caractère syndical qui défendent chacune les intérêts des étudiants, mais dont l’union reste problématique. Plusieurs étudiants à qui nous avons tendu notre micro nourrissent l’espoir de voir s’unir lesdits syndicats pour mieux défendre les droits des apprenants qu’ils sont.
Pema Neya (Stagiaire)