Depuis l’importation du système éducatif du colon, les pays font la promotion des langues étrangères au continent au détriment des leurs. Le Burkina Faso n’a pas dérogé à la règle car la langue française est la langue officielle qui a été adoptée. Pour un souci d’équilibre, des politiques de promotion ont été déjà mises en place depuis les années des indépendances sans un réel succès. Au dernier remaniement gouvernement, le ministère de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales s’est vu attribuer cette mission. Quelles peuvent être les chances de réussite de cette politique ?
Selon le ministre de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales, Stanislas Ouaro, « les langues nationales sont parlées un peu partout et ce sont des langues qui sont utilisées pour les échanges, qu'ils soient commerciaux ou pour régler des conflits, etc. Il était donc nécessaire pour nous de valoriser ces langues de façon à ce qu’elles contribuent, à côté du français, au développement de notre pays à travers par exemple la cohésion sociale ». Imaginez par exemple deux personnes un Mossi et un Samo. Si le Samo comprend bien le mooré et communique avec le Mossi en mooré, celui-ci, ne verra plus en face de lui comme étant d’une autre ethnie que la tienne, mais l’identifiera à son semblable Mossi et cela favorise le rapprochement et plus de cohésion et excellent vivre ensemble, selon lui.
Si plus d’un Burkinabè apprécie positivement cette décision du gouvernement, des interrogations quant à son opérationnalisation demeurent. Pour Jean Bosco Somé, enseignant à la retraite, « la décision est à saluer. Mais je me pose des questions sur les critères de choix des langues qui seront introduites dans le cursus scolaire ».
Pour Dr Nebié Bétéo, linguiste et chercheur au centre national de la recherche Scientifique et Technologie (CNRST), et membre d’une commission qui a travaillé sur la question, cette décision par principe est bonne. Pour lui, un peuple se construit sur sa culture, et celle-ci étant véhiculée par la langue, si l’on enseigne seulement en français, nous ne faisons que promouvoir les valeurs culturelles liées à cette langue. A la question de savoir comment traduire certains termes scientifiques et techniques, Dr Nebié répond : « la langue est un instrument qui utilise des mécanismes de création dont elle a besoin lorsqu’elle est en face d’une réalité. Et elle la qualifie quand besoin se fait sentir. Il n'y a pas une seule langue qui devant une réalité ne peut la traduire. Par exemple quand le « Mossi » voudra traduire cosinus angulaire dans sa langue il le pourra, car chaque langue a ses réalités, et quand il y a une réalité nouvelle elle la crée ». Foi de Dr Nebié, chaque langue a sa technique pour créer les mots selon ses besoins et de ce fait toute réalité peut-être traduite dans toutes les langues. Et en introduisant nos langues nationales dans le cursus scolaire, les élèves sont éduqués non seulement selon leurs réalités culturelles, mais aussi économisent du temps. Le chercheur estime que cela pourrait être possible et le Certificat d’études primaires fait en deux ans au lieu de six.
Pour ce qui est du choix des langues ou d’une seule langue nationale, il pense que le dioula, sociologiquement qui est facile à apprendre et qui est un peu répandu, peut être l'une elles. Car en plus d’unir les Burkinabè, cela pourrait, hors de nos frontières, servir d’instrument d’unité de plusieurs pays africains.
Nous souhaitons que l’application de cette décision politique voie un aboutissement heureux pour sauvegarder nos identités culturelles pour la postérité et sauver d’autres langues en voie de disparition.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné