L’Assemblée nationale a lancé un programme dénommé « Les volontaires de l’Assemblée nationale » (VAN) au profit des jeunes étudiants le 09 février dernier. Il consistera à recruter 100 stagiaires tous les trois mois, toutes filières de formation confondues, et de les placer dans les différents services de l’institution parlementaire à partir du 1er mars 2019. Ces volontaires percevront une rémunération mensuelle de 100 mille francs CFA. Quelles sont les implications profondes de cette initiative ?
Comme objectif visé, le président de l’Assemblée, Alassane Bala Sakandé, indique que « ce programme permettra aux bénéficiaires de faire une immersion à l’Assemblée pour savoir comment le travail parlementaire se fait, comment les députés travaillent et d’être des sortes de relais de l’Assemblée nationale ». Il ajoute : « Nous pensons qu’en les formant à la chose parlementaire, ces étudiants pourront être efficaces au cours de leur stage. Ils pourront ainsi participer à l’édification de la démocratie, voir ce qui est fait, nous faire des propositions et nous amener à faire des propositions de lois. »
Certains leaders de l’opposition politique estiment que l’initiative, quoique noble, doit être encadrée pour éviter tout dérapage. Pour Eddie Komboïgo par exemple, président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ce recrutement paraît curieux. Même s’il déclare comprendre la volonté de l’Assemblée nationale de renforcer ses capacités et de mettre des ressources humaines de qualité à la disposition des députés pour leur travail, il note tout de même qu’il faut craindre que cette initiative ait été prise à des fins électoralistes ou populistes. « S’il y a une volonté de donner de l’emploi aux jeunes, on le dit et on laisse le soin à chaque député de trouver son stagiaire. Mais si l’on veut recruter soi-même et affecter ces étudiants pour qu’ils travaillent avec les députés, nous craignons fort que cela ne soit une politique d’espionnage », fait-il remarquer.
Dans le même ordre d’idées, Jean Hubert Bazié de la Convergence de l’espoir estime que, de prime abord, le fait que l’Assemblée nationale, en tant qu’institution, s’intéresse à l’avenir de la jeunesse est à féliciter. En effet, pour lui, chaque fois que les préoccupations des jeunes sont prises en compte par les premiers responsables du pays, c’est le signe que ceux-ci réfléchissent à l’avenir du Burkina Faso, car c’est la jeunesse qui le symbolise. Toutefois, il pense qu’il faut de la transparence dans le processus de recrutement et d’affectation de ces stagiaires aux différents groupes parlementaires. La meilleure formule, selon M. Bazié, serait que chaque groupe parlementaire propose des jeunes dont le profil est arrêté au préalable, car il estime qu’il serait illusoire de penser que le président puisse recruter et affecter ces stagiaires de façon désintéressée. Pour éviter qu’il y ait une crise de confiance entre les différentes tendances politiques, surtout en cette année d’avant-élections au Burkina Faso, celui-ci propose qu’il y ait une large concertation à ce sujet. « Il faut prendre assez de précautions pour qu’il n’y ait pas de soupçons de manipulation sur ce recrutement. Vu qu’on est en période d’avant-élections, toute initiative du pouvoir en place peut être qualifiée d’initiative avec des intérêts et des sous-entendus », prévient-il.
Si cette immersion à l’Assemblée nationale proposée à ces stagiaires est une idée très louable, nous pensons que la garantie d’une transparence du projet serait le processus participatif du recrutement tant souhaité par l’opposition politique. Au demeurant, au-delà des trois mois de stage, quelles perspectives peuvent bien se présenter à ces volontaires ? Y aura-t-il un processus d’accompagnement en vue de leur insertion professionnelle ou seront-ils simplement reversés dans la nature comme chômeurs ? C’est l’autre face de la médaille qu’il faudrait analyser avant de se jeter dans cette aventure sous peine de voir cette action louable n’être, en définitive, qu’un grand flop.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné