Au Burkina Faso, le dimanche les temples et églises sont bondés, tout comme les vendredis les mosquées sont archi-combles. Cependant, les pratiques quotidiennes de ces différents fidèles sont empreintes de celles des religions traditionnelles. S’il est vrai que certaines de ces pratiques sont connues et acceptées par les différents religieux, d’autres par contre ne le sont pas et répondent parfois aux obligations des rites et coutumes ou des convictions personnelles même si elles sont défendues par ces trois religions.
Sous nos cieux, la fusion de différents cultes ou de doctrines religieuses est monnaie courante. Au cours des cérémonies qui rythment notre vie, c’est-à-dire les naissances, les fiançailles, les mariages et décès, il y a des tentatives de conciliation des différentes croyances en une nouvelle qui en ferait la synthèse. Cette pratique appelée syncrétisme religieux a plusieurs facettes. Il y a, d’une part, l’interaction entre les religions importées et, d’autre part, celles entre religions importées et religions traditionnelles. A ce sujet, l’abbé Cyriaque Hien du diocèse de Diébougou explique : «Cela est fait pour perpétuer les bonnes pratiques ancestrales que nous avons au Burkina Faso, et constitue une manière de filtrer les pratiques non compatibles avec le catholicisme». A titre illustratif, on peut citer un cas de fiançailles traditionnelles qui ont eu lieu dans un village de Kokologho nommé Golouré, où le catéchiste du village était présent à tous les niveaux rituels. A la question de savoir pourquoi cette présence d’un œil de l’Eglise catholique à cette cérémonie qui se veut purement traditionnelle, il a été répondu que cela est de coutume dans ce village et découle d’un arrangement entre les chefs coutumiers et les religieux. Un second cas présenté par Katrin Langewiesche, dans sa thèse de doctorat sur le syncrétisme religieux dans la province du Yatenga, indique que chaque communauté détermine ses frontières en fonction de ses rapports avec la religion traditionnelle et du contact avec les autres religions. Les discours sur le syncrétisme ou sur l'orthodoxie religieuse établissent en effet des frontières entre ces institutions dont l’objectif est de préserver leur autorité. Mais divers témoignages montrent que dans la vie quotidienne, les individus franchissent ces frontières sans remettre en cause la pérennité et l'autorité des institutions elles-mêmes. C’est le cas des consultations que certains chrétiens ou musulmans reconnaissent faire en cas de désespoir lié soit à des maladies ou à des évènements qui dépassent leur entendement.
L'analyse des rites funéraires et des attitudes des différents personnages qui y participent dans la province du Yatenga, selon ladite étude, fait apparaître une nette différence entre les dignitaires de l'organisation sociale traditionnelle et les simples fidèles qui n'occupent pas de rôle particulier dans les cultes locaux. Les notables mossis de la localité, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, peuvent alterner entre une religion universaliste et le culte des ancêtres ou parfois retourner définitivement à la religion traditionnelle.
Selon le rapport d’étude de l’international Crisis groupe international sur l’Afrique publié en 2016, « les questions liées à la religion sont entourées de tabous au Burkina. La coexistence pacifique repose sur le pluralisme religieux et le caractère secondaire, généralement, est peu marqué de l’identité confessionnelle ».Ce rapport indique que le syncrétisme est un avantage pour la stabilité du pays, mais estime que depuis les attentats de 2015, les musulmans sont un peu pointés du doigt. Alors, les auteurs de l’étude trouvent que des mesures doivent être prises pour atténuer les frustrations, afin de garantir la pérennité du modèle de coexistence pacifique qui est une grande richesse pour ce pays.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné