Représentant plus de la moitié de la population, la gent féminine est un acteur-clé du développement d’un pays. Cependant, cette frange majoritaire est toujours en quête de son autonomisation dans la société. Pour certaines femmes à l’instar d’Antoinette Dabré, une quinquagénaire cireuse de chaussures, ni le temps ni la distance ne peuvent freiner leur volonté d’assurer leur autonomisation et leur émancipation.
Du haut de son mètre 50, Antoinette Dabré, mère de cinq enfants, est une battante pour qui il n’y a pas de sot métier, encore moins de métier pour hommes. Ayant bénéficié d’une formation en technique de cirage et de traitement du cuir grâce à l’Association pour la promotion et le développement des cireurs et cordonniers du Burkina (APD-COB), Dame Dabré officie de nos jours dans le domaine du cirage des chaussures. Entre sa détermination et son amour pour ce travail, celle-ci s’épanouit pleinement. « J’ai suivi une formation en cirage cordonnerie, entretien de salon, de meubles et de véhicules. Je suis passionnée de ce métier. Nombreuses sont les femmes qui sont au chômage et décrient le manque d’emploi. Pourtant, il y a bel et bien du travail », déclare-t-elle.
À cinquante-cinq ans, maman Antoinette, résidente du quartier Ouidi de la capitale du pays des hommes intègres, sillonne les quartiers à pied en quête de clients à qui offrir ses services. Des marchés aux restaurants en passant par les maquis et autres lieux de la place, cette battante va partout et force l’admiration, partout où elle passe, par son courage et son amour du travail bien fait. « Quand les jeunes me voient cirer les chaussures, ils m’encouragent. Souvent, quand je sors pour effectuer ma ronde de travail, les gens sont étonnés de voir une femme sillonner les rues de la capitale pour cirer des chaussures et surtout une mamie. Tous m’encouragent, et cela me motive davantage », raconte-t-elle, réjouie.
Si parcourir de longues distances à pied pourrait être considéré comme rébutant pour cette quinquagénaire, elle voit au contraire en cela une activité physique permanente, donc une occasion de se maintenir en forme. Sans complexe, vêtue de sa tenue de travail, le matériel en main, Antoinette va à la conquête de sa liberté, de son autonomie financière et surtout de son émancipation. Et le moins qu’on puisse dire est que les chaussures en cuir n’ont aucun secret pour elle : cirage, collage, retouches, astiquage, etc., Mme Dabré à plus d’un tour dans son panier à outils. Elle explique que la première qualité d’un bon cireur, c’est d’être accueillant. « Il faut savoir faire le choix du matériel de travail tel que le Kiwi, et aussi travailler avec du matériel de qualité pour satisfaire la clientèle afin de la fidéliser », ajoute-elle. Bien qu’elle cire une paire de chaussures à 100 F CFA, certaines bonnes volontés, admiratives, vont jusqu'à lui donner 500 F CFA. Une façon pour ces personnes d’encourager la mère de famille.
Toutefois, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. En effet, malgré son amour de ce métier, cette pionnière du cirage confie qu’elle est confrontée à pas mal de difficultés dans l’exercice de cette activité professionnelle. La principale est le manque de lieu pour installer son atelier de cirage et agrandir son activité. C’est pourquoi elle lance un cri du cœur à toute bonne volonté, particulièrement au ministère de la Femme et de la Solidarité nationale, à lui venir en aide afin qu’elle puisse concrétiser son projet.
Comme on le dit la maxime, « il n'y a pas de sot métier, il n'y a que de sottes gens ». Tous les métiers sont dignes d'être pratiqués. Seuls les gens qui refusent de pratiquer certains métiers sont blâmables. Goût d’indépendance, d’imagination, de créativité, système D, tout cela se combine pour faire des petits métiers un passage obligé, privilégié de subsistance et de production dans une société aux ressources précaires. En se démenant et en libérant son génie créateur, chacun ne peut manquer de quoi faire pour assurer sa pitance quotidienne et contribuer, de ce fait, à faire tourner l’économie nationale.
Edwige Sanou