Dans la matinée de vendredi 8 février 2019, le colonel-major Salif Tinguéri, appelé à la barre comme témoin, est venu expliquer en quoi a consisté le désarmement au cours des évènements du coup d’Etat du 16 septembre 2015 et les difficultés rencontrées. Celui qui a été responsable de la commission technique chargée de conduire le processus de désarmement de l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dit avoir eu maille à partir avec certains éléments du corps hostiles audit désarmement, mais note que grâce à l’intervention du sergent-chef Roger Koussoubé, dit le Touareg, des capitaines Dao et Zoumbri ainsi que du commandant Abdoul Aziz Korogo, le personnel de manutention ainsi que son équipe technique ont réussi à faire sortir du matériel du camp Naaba Koom II les 25, 26 et 27 septembre 2015.
La question du désarmement a été au cœur des débats au tribunal militaire de Ouagadougou lors du passage du colonel-major Salif Tinguéri, responsable de la commission technique chargée de conduire le processus de désarmement de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Du contexte de mise en place de cette commission aux difficultés rencontrées en passant par le travail effectué, l’officier supérieur a été clair et concis dans sa narration des faits. Selon ses explications, cette commission a travaillé du 25 au 27 septembre 2015, date à laquelle la démilitarisation a été suspendue par le chef d’état-major général des armées de l’époque, le général Pingrénoma Zagré, à cause de l’insécurité à laquelle était exposé le personnel technique chargé de la mission.
A l’entendre, si le 25 septembre 2015 son équipe n’a pas eu trop de difficultés à faire sortir du matériel, il note que le 26 et le 27, elle fut confrontée à l’hostilité d’éléments du RSP qui refusaient que le désarmement se fasse. « On avait l’impression qu’ils (Ndlr : des éléments du RSP) venaient en découdre avec nous. Ils ont carrément interdit au personnel de charger les armes. Ils nous ont intimé de décharger ce qu’on avait déjà chargé. J’ai dit à l’équipe d’obtempérer. Le sergent-chef Koussoubé nous a croisés à la sortie et il nous a dit de rebrousser chemin afin de faire notre travail. D’échanges en échanges, je suis allé garer le convoi au ministère de la Défense et suis reparti seul avec Koussoubé au camp pour voir l’opportunité de revenir. Une fois les éléments hostiles partis, j’ai fait revenir le convoi et nous avons ainsi pu retirer quelque chose le 26 », raconte-t-il. En outre, il affirme que l’hostilité des éléments opposés à l’opération de démilitarisation était telle que le 27 septembre, ses hommes ont été violentés et séquestrés au camp Naaba Koom II et que ce n’est qu’à l’issue de négociations qu’ils furent libérés. « Ce jour-là, nous n’avons pas pu enlever du matériel. C’est le capitaine Zoumbri qui a fait l’effort de nous apporter un peu de matériel plus tard, notamment des moyens roulants », souligne-t-il.
En définitive, il note que face aux différentes réticences, il a fallu tour à tour l’intervention du capitaine Zoumbri qui coordonnait le désarmement au RSP, du sergent-chef Roger Koussoubé, dit le Touareg, et par moments du capitaine Dao ainsi que du commandant Abdoul Aziz Korogo pour permettre à son équipe de travailler. « Ce que j’ai vu, c’est qu’il n’y avait que des sous-officiers et des hommes du rang qui étaient opposés au désarmement », a-t-il précisé par la suite.
Prenant la parole, le parquet fait remarquer que les pièces contenues dans le dossier, notamment le procès-verbal du lieutenant Abdoul Aziz Ouédraogo, citent le sergent-chef Ali Sanou comme faisant partie des sous-officiers qui ont empêché le bon déroulement de l’opération de désarmement et précise qu’on a séquestré l’équipe du colonel-major. Mais l’accusé rejette en bloc les déclarations de l’officier et martèle qu’il ne s’est jamais opposé au désarmement. « Je ne me retrouve pas dans les déclarations du lieutenant. D’ailleurs, on nous avait dit qu’il s’agissait juste de prélever du matériel pour le présenter à la presse nationale et internationale afin de contenter les politiques. Il n’a jamais été question avec nous de désarmement. Les gens n’ont pas été clairs dans la communication, donc on ne peut pas dire que quelqu’un a refusé le désarmement. Je suis trop petit pour lever le ton sur ma hiérarchie. Je n’ai pas menacé qui que ce soit. Je n’avais pas la force de refuser. La communication n’est seulement pas passée. On ne savait pas que c’était un désarmement », a-t-il martelé pour sa défense. Mais selon le capitaine Zoumbri, qui coordonnait le désarmement au RSP, tout avait été clairement expliqué aux hommes pendant le rassemblement et dans les différents sous-rapports.
Appelé à la barre sur cette question de désarmement, le général Gilbert Diendéré, présumé auteur des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, a martelé pour la énième que les difficultés rencontrées durant le processus sont essentiellement dues à la précipitation avec laquelle le désarmement a été mené et également au déficit de communication avec les hommes. « Cette précipitation fait qu’il y a peut-être eu des armes qui ont disparu. Il y a peut-être des armes dans la nature et peut-être que c’est avec ces mêmes armes qu’on nous attaque actuellement », a-t-il fait observer.
Il faut noter qu’avant de quitter la barre, le responsable de la commission technique chargée de conduire le processus de désarmement de l’ex-RSP a confirmé les critiques du général Diendéré relatives à la précipitation avec laquelle le désarmement a été effectué.
Candys Solange Pilabré/Yaro