Ces dernières années, la corruption a atteint des proportions inquiétantes au Burkina Faso. Présent à tous les niveaux, ce fléau tend à s’amplifier dans le secteur de la santé. Plusieurs facteurs expliquent cet état de fait.
Dans son «Etude sur les présomptions de corruption et pratiques assimilées dans le système et les services de santé au Burkina Faso», le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) a fait ressortir quelques facteurs favorisant la corruption dans les centres de santé. Il y a, entre autres, la faiblesse des rémunérations. En effet, pour certains agents de santé, les causes de la corruption résident dans le bas niveau salarial. « Si les gens s’adonnent à la corruption, c’est parce qu’ils sont mal rémunérés. L’Etat ne fait vraiment pas d’effort dans le domaine de la santé. Les gens travaillent et ils ne gagnent rien, c’est pourquoi certains s’adonnent à la corruption. Si les gens étaient bien rémunérés, ils n’allaient pas s’adonner à la corruption », soutien un technicien de laboratoire.
L’impunité, elle aussi, est évoquée comme l’une des causes, voire la principale, de la gangrène qu’est la corruption dans les centres de santé, dans la mesure où, selon ledit rapport, le manque de rigueur dans le traitement des cas de suspicion de corruption serait l’un des facteurs aggravant cette mauvaise pratique dans ce domaine. La plupart des enquêtés pointent du doigt l’absence de mesures répressives contre les agents indélicats. Pire, ils ont souvent l’impression que l’Administration protège même les auteurs de ces actes. Selon l’un des premiers responsables du district enquêtés, « la question de la corruption est monnaie courante dans le milieu de la santé. Il faut que les mesures d’assainissement viennent d’en haut, sinon ce que nous, on peut faire, c’est juste la blâmer, tout en sachant que la personne va récidiver ».
A cela, il faut ajouter la part de responsabilité de certains usagers des centres de santé eux-mêmes qui donnent l’occasion, pour ne pas dire poussent, certains agents de santé dans cette pratique. Devant la souffrance de leur malade, les usagers usent de tous les moyens pour mériter plus d’attentions de la part des agents de santé. C’est ainsi qu’ils proposent directement de l’argent aux prestataires sans que ces derniers ne le leur demandent nécessairement. En outre, selon le rapport, il est clairement ressorti de plusieurs entretiens que les difficultés d’accès aux agents de santé constituent également un facteur qui favorise la corruption. Les consultations avec les médecins sont très difficiles à obtenir et cela devient un « business » pour des agents de santé de catégorie inférieure qui s’adonnent à des intermédiations entre médecins et malades en exigeant de ces derniers de l’argent. Un médecin affirme : « Par exemple pour les consultations, je prends 20 malades par jour. Il y a certains qui arrivent et qui pensent que s’ils te donnent 2000 ou 3000 FCFA, tu vas ausculter leur malade bien que son nom ne figure pas sur la liste de patients. Il y a des exemples comme ça », déplore-t-il.
Certes, tous ces facteurs peuvent favoriser la corruption dans le système de santé, mais cela ne saurait justifier les proportions démentielles que prend ce fléau. Il est donc temps que des efforts d’assainissement soient entrepris pour permettre à la population et aux agents de santé de croire à une volonté de lutter contre le phénomène.
Edwige Sanou