dimanche 24 novembre 2024

Club de la presse du CFOP : La fabrique de journalistes prisonniers de l’opposition politique burkinabè

zLe mardi 08 mai 2018, face à la presse, le chef de file de l’opposition politique (CFOP), a fait des déclarations qui suscitent une double interprétation : soit il n’est pas assez outillé pour mieux appréhender le rôle de la presse dans un contexte démocratique, soit il est entouré de collaborateurs qui sont mal inspirés dans leur démarche communicationnelle.

 

De la tenue hebdomadaire d’une rencontre avec la presse

Chaque mardi, le CFOP a l’intention de rencontrer les journalistes, à son siège à Ouagadougou, pour aborder les questions brûlantes de l’actualité. Cette institution, il convient de l’admettre, était jusque-là très peu loquace. Sur certains sujets d’intérêt majeur, Zéphirin DIABRE et ses collaborateurs ont brillé par leur mutisme. Le CFOP compte passer ainsi de la pénurie à la pléthore des rendez-vous avec les hommes de médias. Sauf que les journalistes peuvent rendre service, mais ils ne sont pas exclusivement au service d’une quelconque institution de la république. Les rédactions au Burkina Faso ne sont pas aussi fournies pour que, de manière hebdomadaire, des journalistes se mobilisent autour des opposants. A ce sujet, les responsables d’organes de presse aviseront. Pourquoi d’ailleurs mardi ? Pourquoi pas jeudi en vue d’apporter un avis sur les grandes décisions prises la veille (mercredi) en conseil des ministres ? (cette suggestion que nous faisons au CFOP s’appelle de la consultance ; nous l’abordons mieux ci-dessous).

Zeph souhaite que les grandes articulations de ces conférences de presse émanent des journalistes qui décideront des thématiques à aborder. Confusion de tâches ! Le CFOP a urgemment besoin des services d’une agence de communication, pas de ceux des médias. Cette perception est aux antipodes des missions de la presse. Figurez-vous messieurs de l’opposition que ce que vous demandez aux journalistes n’est ni plus ni moins que de la consultance. Des consultants, votre institution en regorge en surnombre. Ils sont bien placés pour vous dire qu’il est, dans ce cas, question d’une prestation facturée.

Club de la presse ou club des journalistes « prisonniers »

Zzeh et vertéphirin DIABRE, en marge de cette première sortie hebdomadaire, invite les journalistes à créer un « club de la presse du CFOP », « une sorte d’association informelle, dans laquelle, des journalistes de différents organes désignés au préalable par leurs organes respectifs, vont s’approprier l’évènement en transmettant à l’avance les sujets qui seront abordés dans le point de presse à venir et ce, en partenariat avec le service de communication du CFOP ». L’idéal, apprend-on, serait que le même journaliste réponde présent à l’appel de l’opposition. Le gouvernement, à la faveur du conseil des ministres, n’ose pas émettre une telle doléance auprès des patrons de presse. L’opposition a du génie et des génies en communication au point où il serait éventuellement judicieux de lui confier la présidence « chancelante » du Conseil Supérieur de la Communication (CSC).

Le CFOP fait, une fois de plus, une grotesque confusion. Les journalistes s’organisent en réseaux pour mieux traiter des thématiques spécifiques (l’accès à l’eau potable, la lutte contre la drogue, les problématiques économiques…). Ces sujets sont des préoccupations majeures, pas des conjectures de partis politiques de quel que bord que ce soit. Si Zeph et ses collaborateurs ont déjà pris attache avec des journalistes qui ont acclamé l’initiative de ce club, qu’ils se rassurent que ce soit, avant tout, des journalistes intègres dont les intérêts ne se conjuguent pas en liasses de banques ou certains avantages parfois misérabilistes. Des journalistes émargent aux sièges de partis politiques. Certains n’écrivent même plus leurs articles. Ils les signent. Tout leur est offert pour destabiliser l’adversaire politique. D’autres ont même fait arbitrairement des réseaux sociaux leur gagne pain. C’est un secret de polichinelle. Ces « masques » déambulent de jour comme de nuit dans les arcanes obscurs des personnalités politiques pour prostituer leur art. Leurs manquements à l’éthique et à la déontologie sont flagrants. Le pluralisme, l’équilibre et l’impartialité sont des notions basiques enseignées dans les écoles de journalisme. Le terme « club de journalistes de l’opposition » est, de ce fait, inapproprié, inopportun tout comme les dénominations non officielles de journalistes de la majorité, de la mouvance, du MPP, du CDP, de l’UPC, de l’ADF-RDA, des Sankaristes, de la transition…

Cette déclaration du patron de l’opposition est l’expression de la méconnaissance du rôle des médias dans une société démocratique. Cette déclaration pose sur la table des débats l’épineuse question de l’indépendance des médias.

L’indépendance, c’est l’expression de la liberté. Elle vise à garantir la liberté de la presse. Cette liberté implique pour les médias le pluralisme des opinions et le droit de regard critique sur le fonctionnement des institutions.

L’indépendance s’accommode mal de l’adhésion du journaliste à un parti politique ou à une organisation dont l’objet, par nature, ne présente pas de lien avec l’exercice de sa profession. L’adhésion à une organisation est source de pression, de prise de position partisane. C’est une prison. Le club des journalistes dont parle M. DIABRE est une « prison des temps modernes » pour le journaliste.

publLe journaliste à l’image du juge, doit refuser toute « prison ». C’est à ce prix qu’il pourrait rendre des décisions équitables. Il doit s’affranchir des barrières susceptibles de le maintenir dans les liens de la dépendance. Accepter la création de ce club, c’est admettre l’érection de ce club ou de cette association en un organe d’opinion à l’instar des journaux d’opinion dont la seule vocation est de faire les éloges d’un parti politique. C’est cette connivence avec les partis politiques que Serge Allimi appelait le « journalisme de révérence ».

Que vaut la décision d’un juge dépendant ou d’un juge déjà « emprisonné » par son justicier? Que vaut la publication d’un journaliste appartenant à un club fut-il du CFOP ? Cette question renvoie à la qualité des productions. Elle est le corollaire de la dépendance du journaliste vis-à-vis des forces politiques, économiques ou culturelles. Il est évident que l’appartenance à un club ou à un groupe ne peut engendrer que des publications taillées sur mesure. On sait que le fonctionnement de ce club sera à la charge du CFOP et l’éventuelle rémunération qui en résulterait est source de « dépendance ».

Cette déclaration va à l’encontre des textes juridiques en vigueur encadrant l’activité des médias. Ces textes précisent que les médias ont une mission d’intérêt général. Lesdits textes interdisent également « toute prise de position partisane » (article 32 de la loi portant régime juridique de la radiodiffusion sonore et télévisuelle, concernant le secteur public).

Par ailleurs, la charte du journaliste précise que « le journaliste doit éviter à tout prix de verser dans la partialité et l’esprit partisan » afin de sauvegarder la dignité de la profession. (Article 8 de la charte).

La création de ce club est non seulement inopportune mais aussi avilissante pour la presse burkinabè citée pour sa rigueur et la qualité de ses contenus.

 

Kandobi YEDA

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