Une coalition d'une trentaine d'organisations de la société civile et d'ONG réunies autour du Secrétariat permanent des organisations non gouvernementales (SPONG), du Balai citoyen, de la Confédération paysanne du Faso et de l'Association des femmes juristes du Burkina, avec le soutien d’Oxfam, s'est engagée dans une campagne de plaidoyer pour réduire les inégalités au Burkina. Celle-ci vise à influencer les candidats à l'élection présidentielle de novembre 2020 à travers un engagement public à réduire les inégalités s'ils sont élus. Après sa tournée de plaidoyer auprès des candidats déclarés, la coalition Agir contre les inégalités a tenu un point de presse ce mercredi 23 septembre à Ouagadougou pour présenter le manifeste. La cérémonie de signature des engagements publics aura lieu le vendredi 25 septembre dans la capitale burkinabè.
Selon cette coalition, qui milite pour que « nul ne soit laissé sur le bord du chemin », au Burkina Faso les inégalités sont bel et bien réelles et touchent, entre autres, les secteurs économiques, politiques ainsi que ceux sociaux, à savoir l’éducation, la santé, l’accès à l’eau potable, à l’alimentation et au logement. Ces inégalités affectent les Burkinabè différemment, selon qu’ils sont femmes ou hommes, jeunes ou adultes, ruraux ou citadins.
Sur le plan économique, les 20% les plus aisés concentrent 44% des revenus, tandis que 80% de la population se disputent les 56% restants. Dans les zones rurales, 47,5% de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté, contre seulement 13,7% en milieu urbain. De même, les disparités géographiques en matière de réduction de la pauvreté persistent. S’agissant de la santé, la répartition et l’accessibilité physique des services montrent que la plupart des services n’atteignent que les populations urbaines et les classes le plus nanties.
Dans le domaine de l’éducation, alors que les régions comme le Nord, le Plateau central et les Hauts-Bassins enregistraient des taux bruts de scolarisation primaire de plus de 100% sur la période 2018-2019, seulement 82,3% des enfants dans la région du Sud-Ouest, 61,9% dans la région de l’Est et 28,2% dans le Sahel étaient scolarisés au primaire. Sur le plan politique, la participation citoyenne aux sphères de prise de décisions des femmes, des jeunes, des personnes vivant avec un handicap reste faible. Les jeunes de 18 à 35 ans ne constituaient que 20% des élus locaux en 2016 alors qu’ils représentent plus de 30% de la population totale du Burkina.
« Ces inégalités, qui sont loin d’être exhaustives, risquent de s’amplifier avec les crises climatique, alimentaire, sanitaire liée à la COVID-19, sécuritaire et humanitaire dont notre pays est l’objet et si des réformes conséquentes dans nos politiques publiques ne sont pas entreprises par nos décideurs », a affirmé Sylvestre Tiemtoré, le coordonnateur du SPONG, membre de la coalition Agir contre les inégalités.
C’est ainsi qu’est née cette campagne qui vise à influencer les candidats à l’élection présidentielle du 22 novembre à travers un engagement public à réduire les inégalités s’ils sont élus.
La campagne de plaidoyer a concerné 10 candidats déclarés (et ou leurs représentants) capables de remporter les élections ou de faire des coalitions importantes pour gouverner. Il s’agit de Roch Marc Christian Kaboré, de Zéphirin Diabré, du Pr Abdoulaye Soma, de Kadré Désiré Ouédraogo, d’Eddie Komboïgo, de Yeli Monique Kam, de Maître Gilbert Ouédraogo, de Yacouba Isaac Zida, de Tahirou Barry et de Maître Ambroise Farama.
Il s’agira pour ces prétendants à la magistrature suprême d’intégrer des mesures et des recommandations proposées par la coalition dans leurs programmes de société.
Il leur est demandé, entre autres, d’affecter 30% du budget national à l’éducation publique, d’appliquer les textes de l’Etat rendant l’école obligatoire jusqu’à 16 ans, d’affecter au moins 15% du budget national au financement d’un service de santé publique gratuit, permanent, universel et de qualité, de rendre opérationnelle l’assurance maladie universelle en l’élargissant à toutes les régions du Burkina, d’avoir une attention sur les politiques fiscales plus progressives pour que l’effort budgétaire soit équitablement réparti, de renforcer la protection des droits du travail et l’adoption des politiques favorisant un marché du travail inclusif, digne et de qualité, en particulier aux femmes et aux jeunes, d’affecter au moins 10% du budget national au soutien du secteur agricole et d’injecter 18 milliards de francs CFA par an pendant 5 ans dans l’acquisition d’intrants et d’équipements agricoles et zootechniques, d’opérationnaliser la loi portant accès à l’information, de positionner les organisations de femmes et de jeunes dans les instances politiques et techniques des cadres sectoriels de dialogue du référentiel national public par la prise de décret et de nommer les femmes (30%) et les jeunes (30) à des postes stratégiques et de décision.
A l’issue de la tournée, « beaucoup ont déclaré être en phase avec les préoccupations et nous les avons conviés à une cérémonie de signature d’engagement public qui aura lieu le 25 septembre au Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO)», a confié Sylvestre Tiemtoré.
Pour s’assurer que ces candidats respecteront leur engagement, la coalition n’a pour moyen que les médias. « Nous attendons des journalistes qu’ils soient nos yeux et nos oreilles et les yeux de la société pour que lorsque ces candidats vont venir s’engager le 25 septembre, ils relayent l’information afin que les communautés sachent que ces candidats qui prétendent à la magistrature suprême se sont engagés à se préoccuper des souffrances que ces populations vivent tous les jours », a expliqué M. Tiemtoré.
Aly Tinto