Ibrahim Boubacar Keïta a finalement été contraint à la démission ainsi qu’à la dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement le mardi 18 août 2020 à minuit après son arrestation et celle de plusieurs officiels par les militaires. Très tôt mercredi matin, ces mutins ont justifié leur acte par la mauvaise gouvernance, l’insécurité grandissante dans le pays et annoncé la création du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Ils promettent d’assurer la continuité de l’Etat et d’organiser des élections « dans un délai raisonnable ». Radars Info Burkina a pris contact avec Séga Diarrah, journaliste et analyste politique malien, pour avoir sa lecture de la situation qui prévaut actuellement dans son pays.
Radars Info Burkina (RB) : Etes-vous surpris de la situation qui prévaut au Mali depuis hier mardi ?
Séga Diarrah (SD) : Non. L'irruption des militaires sur la scène politique pour « débloquer » la situation était prévisible. Le président Keita a refusé pendant plusieurs semaines d'écouter les cris de détresse du peuple malien. Face à l'échec de la médiation de la CEDEAO, les soldats ont donc décidé d'agir pour « débloquer » le pays.
RB : Ce coup de force est-il un sursaut d'honneur dans l'armée malienne pour siffler la fin de la récréation après le récent rapport des experts de l'ONU qui accuse la direction de la Sécurité de l’Etat et plusieurs de ses hauts responsables d’avoir entravé le processus de paix ?
SD : Absolument. Je pense que la diffusion du rapport de l'ONU a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
RB : Peut-on parler de connexions entre les militaires et le M5-RFP ?
SD : Pas vraiment. Cependant, le premier discours des militaires est rassurant. Ils ont juste achevé la révolution citoyenne et pacifique lancée par le M5 RFP pour éviter des pertes en vies humaines.
RB : Etes-vous optimiste quant à l'évolution de la situation ?
SD : Oui, j'ai confiance en avenir du Mali. Rien ne sera plus comme avant, car le peuple malien est un peuple déterminé et qui reste debout.
RB : Mais n’y a-t-il pas des raisons d’être inquiet, d’autant plus que les militaires n'ont pas établi de calendrier clair de la suite des événements ?
SD : Non, je pense qu’il est trop tôt pour parler de calendrier. Les militaires ont parlé de concertations. Il est donc souhaitable d’attendre quelques jours avant la mise en place des organes de transition, qui doivent être inclusifs et représentatifs.
RB : Les sanctions de la CEDEAO sont-elles justifiées, vu que le chef de l'Etat a démissionné ?
SD : Depuis le début de la crise, la CEDEAO n’a pas voulu comprendre la demande du peuple malien. Cette organisation sous-régionale est devenue un syndicat de chefs d’État. Le président Keita a démissionné. Si une transition civile et citoyenne se met en place, il n’y a pas de raison de maintenir les sanctions.
Interview réalisée par Aly Tinto