dimanche 24 novembre 2024

Groupes terroristes au Sahel : La nature et les facteurs d’engagement des combattants terroristes

hydr uneLes attaques terroristes contre les forces de défense et de sécurité de certains États sahéliens ainsi que leurs populations civiles ne cessent de gagner en puissance. Les deux principaux groupes actifs dans la région sont le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) et l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS).  Mais que sait-on de la nature et de la modalité d’action de ces combattants terroristes ?  Nous avons trouvé réponse à cette question avec Mathieu Pellerin, Analyste Sahel à International Crisis Group (ICG), lors d’aune audition au Sénat français le mercredi 4 mars 2020. Lisez plutôt.

S’agissant de la nature de ces combattants ennemis, Mathieu Pellerin pense qu’il y a convergence de vues de l’ensemble des personnes qui travaillent dans le domaine de la recherche ou de l’analyse. «Les dirigeants de ces groupes sont essentiellement des personnes qui sont convaincues religieusement ou qui défendent un agenda essentiellement religieux. En revanche, au niveau du corps combattant de ces groupes, l’agenda religieux est tout à fait marginal au début. Autrement dit, les facteurs d’engagement au sein de ces groupes sont beaucoup moins religieux que sociaux. Le dénominateur commun à ces facteurs d’engagement, c’est en général de se mobiliser par les armes face à une situation vécue comme injuste et face à laquelle il n’y a pas d’autres solutions perçues que de prendre les armes pour se faire justice», a-t-il fait savoir.

Ensuite, l’analyste s’est penché sur les principaux moteurs de l’engagement. « Généralement, l’une des tendances les plus fortes au sein des communautés nomades, c’est le sentiment d’être victimes d’un manque de représentation sociale, politique, d’être fréquemment ciblées par des groupes d’autodéfense, par des forces de défense et de sécurité, par des appareils étatiques très corrompus et qui vont, au niveau local, multiplier les brimades à l’encontre de ces populations. C’est l’un des principaux facteurs d’engagement. hydr 2Ça ne veut pas dire qu’une fois ces individus enrôlés pour ces raisons, la radicalisation ne s’opère pas après. A côté de ces deux catégories d’acteurs, à savoir ceux qui ont un agenda purement religieux et ceux qui défendent beaucoup plus des intérêts prosaïques liés à des situations d’injustice, on a une variété d’acteurs qui se joignent à ces groupes pour des raisons pragmatiques.

L’une des trajectoires les plus courantes aujourd’hui dans tout le Sahel, et qu’on retrouve en particulier au Burkina Faso, c’est la djihadisation du banditisme. On retrouve dans ces groupes djihadistes d’anciens bandits qui ont choisi de les rejoindre soit par opportunisme, soit parce qu’ils trouvent dans le djihad un nouveau sens à leur engagement, à leur vie. Si on prend le cas de l’est du Burkina Faso, où il y a toute une problématique d’augmentation des conflits et des frustrations générées par la gestion des aires protégées, on constate qu’il y a beaucoup d’anciens chasseurs à qui il est interdit de pénétrer les aires protégées. Ils n’ont plus accès à ce qui était la nature de leur mode d’existence. Ainsi, certains de ces braconniers ont trouvé dans les groupes djihadistes un moyen de se protéger face à un ordre qu’ils jugeaient injuste. En dernier lieu, il y a toute une catégorie d’acteurs qui sont motivés par des intérêts qui peuvent être familiaux, économiques et communautaires. Des acteurs qui, par simple appât du gain, peuvent aller poser un IED (engin explosif improvisé, Ndlr) », a soutenu le chercheur.

A l’en croire, l’EIGS a recruté « plus que jamais en un an au Sahel ». « L’une des raisons, c’est que les facteurs d’engagement se sont amplifiés. Ils ont été exacerbés par les réponses apportées par les Etats nationaux. Je pense singulièrement au Burkina et au Mali. En 2019, il y a eu plus d’attaques au Burkina Faso qu’au cours des cinq années précédentes cumulées.  Les massacres perpétrés contre les populations civiles, majoritairement d’origine peuhle, au centre du Mali et dans les provinces du Soum et du centre-nord du Burkina sont nombreux. Tout ça se traduit par le recrutement derrière. Pourquoi ils rejoignent nouvellement l’EIGS plutôt que le GSIM ? L’EIGS est plus souple sur l’autorisation ou le laisser-faire accordé à ses combattants. Une situation qui se traduit par des violences communautaires. Dieu merci, les autorités traditionnelles au Burkina Faso n’ont pas surfé sur ce sentiment et cela a évité qu’on bascule véritablement dans des violences communautaires, mais on n’en est quand même pas très loin », a conclu l’analyste.

Aly Tinto

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