Le ministère burkinabè de la Justice a annoncé le 5 mars 2020 que le gouvernement français a signé le décret portant extradition de François Compaoré. Le décret en question comporte quelques conditions. Pour une lecture de ce texte juridique et des conditions y afférentes, Radars Info Burkina a rencontré Me Apollinaire Kyelem de Tambela, avocat et directeur du Centre de recherches internationales et stratégiques (CRIS).
En rappel, la Cour de cassation française a validé en juin 2019 l'extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, rejetant le pourvoi déposé par le frère de l'ex-président Blaise Compaoré, mis en cause dans l'enquête sur l'assassinat en 1998 du journaliste d’investigation Norbert Zongo.
« A partir du moment où la Justice avait décidé de l’extradition de François Compaoré, le reste ne pouvait que suivre. Le décret d’extradition est un acte politique. L’exécutif n’avait pas le choix entre le faire et ne pas le faire. Donc je m’y attendais depuis longtemps. Les questions que l’on peut se poser toutefois sont les suivantes : Pourquoi la signature du décret a mis tant de temps ? Pourquoi François Compaoré est si réticent à rentrer chez lui ?», s’est d’abord interrogé Me Apollinaire Kyelem de Tambela.
L’homme de droit a poursuivi en ces termes : «Le fait pour François de résister autant pour ne pas rentrer peut être perçu comme un aveu de culpabilité. Il ne facilite pas le travail à ses propres avocats. Pourtant, il sait qu’il ne sera ni pendu ni fusillé. Certains disent que si François Compaoré rentrait au pays, ce serait comme s’il venait se jeter dans la gueule du loup, mais ces gens-là manquent d’arguments. Il y a tout un système de Justice qui se met en place. Sans compter qu’il y a même la possibilité pour lui de faire appel du verdict après le jugement.»
En outre, l’avocat s’est penché sur les conditions afférentes audit décret d’extradition. «Un décret d’extradition s’inscrit dans le cadre des actes internationaux. C’est un acte qui concerne au moins deux pays : le pays qui extrade et celui de destination. Du moment qu’il y a deux pays qui sont concernés, cela nous amène dans le domaine international. Donc si le Burkina Faso ne respecte pas les conditions contenues dans le décret, il engage sa responsabilité internationale. Et qui dit responsabilité dit réponse. Si jamais le Burkina Faso ne respectait pas les conditions, d’abord il y aurait les pressions diplomatiques que la France pourrait exercer sur ce pays. Par exemple en réaction, l’Hexagone pourrait décider d’expulser certains membres du personnel diplomatique en France. Ensuite le Burkina Faso a besoin de la France pour des négociations internationales. Et la France peut ne pas prêter son concours. Ensuite, il y a des mesures de rétorsions qui sont généralement économiques que la France peut exercer. Elle peut dire : « Je soutenais financièrement votre système judiciaire, je vous donnais des subventions, mais puisque vous ne respectez pas vos obligations internationales, je ne les verse plus. » Sans compter que le Burkina Faso se décrédibiliserait aux yeux du régime français. Est-ce qu’il peut se permettre cela ? En plus, il y a la possibilité de faire recours aux institutions internationales comme la Cour africaine des droits de l’homme, le système des Nations unies. C’est une responsabilité internationale qui est engagée. Donc je peux dire que le Burkina ne peut pas échapper au respect des conditions posées par le décret d’extradition. D’ailleurs ce sont sous ces conditions qu’il y a eu extradition. Dans les textes qui régissent les extraditions, normalement un Etat n’extrade pas quelqu’un dont on sait que dans le pays où on va l’amener il va subir un sort pire que ce qu’il aurait subi dans le pays qui l’extrade. C’est ça, la règle fondamentale», a longuement expliqué Me Apollinaire Kyelem de Tambela,
Aly Tinto