Le Mouvement patriotique pour le salut (MPS), présidé par le Pr Augustin Loada, était face à la presse ce 12 novembre. Préoccupé par la situation sécuritaire du Burkina Faso, qu’il qualifie de « grave », le parti politique pointe un doigt accusateur sur des facteurs structurels qui, en partie, expliquent l’expansion des groupes terroristes dans notre pays, ainsi que « l’irresponsabilité » de certains dirigeants. Pour sortir de cette crise sans précédent, le MPS a aussi fait des propositions qui, ses premiers dirigeants l’espèrent, seront prises en compte assez rapidement.
Pour le Pr Augustin Loada, le Burkina Faso, depuis les premières attaques terroristes en 2016, se trouve aujourd’hui dans une guerre totale, imposée par l’ennemi. Et cette guerre n’a pour objectif que de conduire le pays des hommes intègres dans « une situation où il n’y aura plus d’armée, plus de territoire, plus de populations, plus d’administration, et donc, plus d’État, plus de gouvernement. Le plan des terroristes est clair, le schéma est tout tracé, l’Etat-nation du Burkina doit disparaître ». Le pays est donc en danger, d’autant plus qu’à l’étape actuelle des choses, « une partie sans cesse croissante de notre territoire échappe désormais au contrôle de nos forces de défense et de sécurité ».
Et pour réaliser leur macabre dessein, les terroristes usent de tous les moyens pour déstructurer l’Etat et son fonctionnement. En témoigne la récente attaque contre le convoi minier de SEMAFO, qui selon le Pr Loada, vise à asphyxier économiquement le pays et à accaparer les richesses du sous-sol, vu que l’activité minière constitue la principale source de revenus de l’Etat.
S’interrogeant sur les causes de l’expansion du terrorisme au Burkina Faso, le conférencier du jour a invoqué des facteurs structurels tels « le développement de la corruption dans les institutions étatiques et non étatiques et dans la société burkinabè, le chômage et le manque d’opportunités économiques pour les jeunes, la pauvreté, la distribution inéquitable des ressources de l’Etat sur les plans spatial et social, l’insuffisance de la couverture du territoire national en services publics, les insuffisances de la gouvernance dans les secteurs de la défense et de la sécurité », ainsi que « l’accumulation de griefs et de frustrations, subis et exprimés par les populations agropastorales des régions burkinabè du Sahel et de l’Est » vis-à-vis de l’État, qui constituent un terreau pour l’ancrage des groupes armés transnationaux.
Pour le parti dont Yacouba Isaac Zida est le président d’honneur, les dirigeants burkinabè semblent n’avoir pas encore pris pleinement conscience de l’ampleur de la situation sécuritaire délicate dans laquelle se trouve le pays. La preuve, « le Conseil de défense et de sécurité nationale se réunit épisodiquement, alors que dans certains pays, il se réunit hebdomadairement. Nos gouvernants veulent faire croire au peuple que la situation est normale, sous contrôle et qu’il peut continuer à vaquer à ses activités quotidiennes comme si de rien n’était, au lieu de revêtir la tenue de combat et d’entraîner avec eux l’ensemble du peuple burkinabè dans cette dynamique de défense d’une patrie en danger », a ajouté le Pr Loada.
Afin de sortir de cette impasse, le parti reste convaincu qu’il faut fédérer les énergies en ne laissant pas le combat entre les seules mains des forces de défense et de sécurité. Il ajoute qu’il faut également avoir une plus ample connaissance et une longueur d’avance sur les ennemis de la nation, notamment sur leurs intentions, tactiques et moyens d’intervention. « Le succès de la lutte contre le terrorisme implique que nous ayons une bonne lecture de la situation nationale et que nous soyons plus intelligents que ceux qui nous combattent, qui nous épient, vivent avec nous, nous étudient, nous connaissent alors que nous semblons ne rien connaître d’eux et de leurs tactiques. L’insécurité actuelle que nous vivons n’est qu’une partie d’une crise plus profonde et essentiellement politique qui touche aux fondements de l’Etat-nation et à son rôle dans la société burkinabè », a développé le président du MPS. Des aspects tels la cohésion dans l’armée, l’équipement des FDS à la hauteur des défis actuels, sans oublier la réconciliation nationale ne doivent en aucun cas être négligés si on veut venir à bout de la nébuleuse terroriste. Et vu que le phénomène n’est pas nouveau, le Burkina pourrait aussi, à en croire le conférencier du jour, s’inspirer des expériences de pays comme l’Algérie et la Mauritanie qui ont pu endiguer le phénomène.
Se prononçant sur l’idée du report des élections de 2020 émise par plusieurs citoyens et politiques, le président du MPS a dit qu’il était important que les élections se tiennent à bonne date pour que les dirigeants continuent de bénéficier d’une légitimité pour diriger le pays. Si toutefois la situation sécuritaire obligeait à un report des scrutins, cela devrait procéder d’un consensus impliquant toute la classe politique.
Armelle Ouédraogo