A la rencontre de Wahir Justin Somé, président du PUR : « La rupture tant prônée par l’insurrection populaire n’a pas eu lieu », dixit Wahir Justin Somé, président des Progressistes unis pour le renouveau (PUR)
C’est l’un des derniers partis politiques créés par des transfuges d’un autre parti politique en avril 2018. Le parti des Progressistes unis pour le renouveau (PUR), puisque c’est de lui qu’il s’agit, est essentiellement composé d’anciens membres de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS). Dans cet entretien accordé à Radars Info Burkina, son président, Wahir Justin Somé, évoque les raisons de leur départ de l’UNIR/PS, leur vision et donne l’appréciation de son parti sur la gouvernance actuelle.
Radars Info Burkina : Pouvez-vous revenir sur le contexte de création du PUR ?
Wahir Justin Somé : Le PUR a été créé en avril 2018, suite à notre démission de l’UNIR/PS. Il faut préciser que notre parti a été créé essentiellement par des anciens de l’UNIR/PS, suite à un certain nombre de constats que nous avons faits du fonctionnement de ce parti, qui ne cadrait plus avec les valeurs de Thomas Sankara. Nous avons trouvé qu’il y avait une déviation idéologique. Pour des sankaristes, les valeurs de transparence sont sacrées, le débat idéologique est important, la communication doit être franche. Et surtout, il y a l’incarnation des valeurs de probité tant prônées par Thomas Sankara. Après plusieurs interpellations sans succès, nous avons analysé le fonctionnement de l’UNIR/PS et avons compris qu’il fallait se retirer. Mais nous avons décidé de rester dans l’arène politique en créant le PUR.
RB : Que reprochiez-vous exactement à l’UNIR/PS au point d’en avoir démissionné pour créer un autre parti ?
WJS : Je précise que nos reproches ne s’adressent pas à un individu mais au parti. Nous reprochons au parti d’avoir fait une déviation idéologique. Même le débat au sein du parti n’existe plus. Revenons à l’insurrection populaire dont tout le monde revendique la paternité. Au niveau de l’UNIR/PS, nous savons ce que nous avons apporté à ce soulèvent. Au lendemain de cette insurrection, nous avons présenté un candidat à l’élection présidentielle que nous avions même baptisé candidat des insurgés. Vous avez vu le record de l’UNIR/PS ? Loin derrière des partis qui ont été créés plusieurs années après nous. Nous avons dit que ce n’était pas normal que l’UNIR/PS qui a été le premier parti à avoir occupé la responsabilité de chef de file de l’opposition se retrouve avec un record dérisoire au lendemain d’une insurrection où l’Etat d’esprit de façon générale était sankariste. Nous avons demandé qu’il y ait une introspection, que l’on ait le courage de se questionner en tant que sankaristes pour comprendre ce désaveu du peuple vis-à-vis des partis sankaristes. Mais nous avons su après que certains avaient des agendas cachés qu’on ne connaissait pas, alors nous sommes partis.
RB : Quelle sera donc la valeur ajoutée au débat politique actuel du PUR?
WJS : D’abord le PUR est un parti progressiste. Quand vous observez depuis plusieurs décennies le Burkina Faso, vous comprenez que c’est la même génération qui gère le pays. Nous ne condamnons pas cette génération mais nous disons que la nature des choses fait que nous sentons un épuisement et qu’il est temps de passer la main à la relève. Même si certains ont géré ce pays sans penser à la relève. Nous avons entendu des gens qui ont géré ce pays dire qu’ils n’ont pas pu former une relève même à l’UNIR/PS. Pourtant si nous pensons à l’avenir du pays, on ne peut pas le gérer sans penser à former la relève. Pour nous, il est temps qu’il y ait un changement générationnel. Parce que la rupture tant prônée par l’insurrection populaire n’a pas eu lieu. Et c’est la même génération qui dirige toujours qui va forcément engendrer des compromissions. La rupture ne viendra que d’une nouvelle génération. Nous disons qu’il est temps que la jeunesse cesse la critique facile et de culpabiliser les aînés, même si ces derniers ont péché pour n’avoir pas préparé la relève. Il est temps que les jeunes s’assument et c’est pour cela qu’est né le PUR.
RB : Les Burkinabè commencent à en avoir marre des partis politiques qui naissent au nom de Sankara mais qui n’incarnent pas suffisamment sa vision ni sa mission. Est-ce que le PUR n’est pas un parti sankariste de trop ?
WJS : C’est pour ces mêmes raisons que nous avons quitté l’UNIR/PS pour créer le PUR. C’est donc pour nous un défi de faire vivre les idéaux qu’a défendus Thomas Sankara. Pour nous, il est plus important d’être sankariste dans l’âme et dans l’esprit que d’être un sankariste de nom ou griot. Nous voulons aussi dépasser le sankarisme visuel pour le sankariste dans l’esprit. C’est pourquoi d’ailleurs vous verrez qu’il n’y a pas le mot « sankarisme » dans notre dénomination. Car porter le nom de Sankara ne fait pas forcément de vous un sankariste.
RB : D’aucuns estiment que le PUR est une fabrication d’Alexandre Sankara en vue de son positionnement en 2020. Qu’en dites-vous ?
WJS : C’est une analyse qui est étriquée, parce que nous condamnons les notions de père fondateur où il y a des leaders irremplaçables et indéboulonnables. Nous, nous parlons d’idéologie, d’un idéal. Nous n’avons pas à nous référer à des partis qui ont été fondés par des individus qui sont des pères fondateurs desdits partis et sans lesquels ceux-ci ne peuvent pas fonctionner. Alexandre Sankara, vous le savez, est député d’un autre parti. Le PUR défend un idéal et non un individu.
RB : Comment le PUR apprécie la gouvernance actuelle ?
WJS : Nous avons désespéré il y a bien longtemps. Prenez la situation sécuritaire, si au moins les attaques contre nos FDS faisaient progressivement plus de victimes chez les terroristes que dans notre camp, on pouvait dire que ça va un peu ! Mais là, nous sommes en train de perdre nos FDS et notre territoire. La gouvernance actuelle, on est unanime, souffre de plusieurs insuffisances. Elle a même réussi à faire regretter l’insurrection à une grande partie de l’opinion, ce qui est quand même grave. Mais malgré tous ces maux, les gens ne parlent que des élections de 2020. On se demande s’il n’y a pas de l’insouciance quelque part.