Le premier a combattu le colonialisme et le travail forcé, lutté pour la souveraineté nationale de l’ex-Haute-Volta et a connu une fin mystérieuse qui suscite des interrogations jusqu’à nos jours. Le second a combattu le néo-colonialisme et ses corollaires et milité pour une autodétermination du Burkina Faso. Il connut une fin tragique. Daniel Ouezzin Coulibaly et Thomas Sankara n’ont certes pas été de la même époque mais un trait d’union lie leurs visions et actions politiques. Radars Info Burkina s’est intéressé à la vie de ces deux hommes politiques devenus une référence, même au-delà des frontières burkinabè.
Quand Daniel Ouezzin Coulibaly décédait en 1958, Thomas Sankara n’avait que 9 ans. Pourtant, ces deux personnalités politiques de l’histoire de la Haute-Volta, devenue aujourd’hui Burkina Faso, ont eu un parcours politique avec des caractéristiques presque identiques, à commencer par Ouezzin Coulibaly, qui a vu le jour en 1909. Il a donc vu naître la colonie de Haute-Volta et toutes les formes d’injustice que pouvait comporter la colonisation. Ce qui explique certainement d’abord son engagement syndical lorsqu’il était enseignant à Bobo-Dioulasso et à Dakar, puis son engagement politique au sein du Rassemblement démocratique africain (RDA) aux côtés de ses pairs ivoirien Félix Houphouët Boigny et malien Modibo Keita, avec qui il obtint l’abolition du travail forcé.
Dans un livre écrit par Semi-Bi Zan, intitulé « Ouezzin Coulibaly ou le lion du RDA », il est présenté comme un infatigable élu local pour le compte de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso à l’époque de la dissolution de la colonie voltaïque. Son indignation face au traitement des tirailleurs sénégalais, sa vision et son combat pour des indépendances africaines y sont relatés.
Devenu président du Conseil de gouvernement de la Haute-Volta puis vice-président du pays en 1958, Ouezzin Coulibaly se veut rigoureux dans la gestion du train de vie de l’Etat. « Le Conseil de gouvernement donnera le premier exemple d’austérité en procédant à un abattement sensible des traitements des ministres», lit-on dans son discours prononcé en mai de la même année devant les députés.
Dans ce discours, Daniel Ouezzin Coulibaly expose des ambitions faramineuses pour le pays. Selon lui, la misère que les habitants de la Haute-Volta vivent peut être vaincue. « Les colossales pyramides d’Egypte, la grande muraille de Chine, les cathédrales gothiques de l’Europe occidentale ne doivent rien aux techniques industrielles modernes. Ces monuments élevés par le travail et la foi des hommes sont l’œuvre de sociétés dont le dénuement matériel était égal au nôtre», a déclaré le natif de Nouna avant de conclure : « Rien n’est impossible à l’homme de volonté animé d’un grand courage. »
Thomas Sankara, qui n’avait que 9 ans à la mort de ce grand acteur de l’accession à la souveraineté internationale du pays que fut Ouezzin Coulibaly, prend le pouvoir en août 1983 et instaure un régime révolutionnaire. Il sera assassiné 4 ans plus tard, précisément le 15 octobre 1987.
Et comme pour poursuivre la lutte de Ouezzin Coulibaly, le capitaine Sankara engage un combat contre le néo-colonialisme. La bourgeoise locale, les élites bureaucrates sont énergiquement combattues. Le père de la révolution s’attelle à une réduction drastique du train de vie de l’Etat. Le peuple est mis au travail.
En très peu de temps, les résultats des nombreuses mesures prises par le président du CNR sont visibles : la famine a reculé et l’autosuffisance alimentaire est devenue une réalité. La bataille du rail par le peuple lui-même confirme ce qu’avait dit Ouezzin : « Rien n’est impossible à l’homme de volonté animé d’un grand courage.» Et Sankara d’ajouter : « Tout ce qui sort de l’imaginaire de l’homme est réalisable par l’homme.»
Des hommes de vision et d’ambition, le Burkina Faso en a eu. Thomas Sankara et Ouezzin Coulibaly ne sont que deux acteurs qui cachent un ensemble d’intellectuels et de politiques qui ont consacré leur vie à lutter pour l’avenir de cette nation. La grande question aujourd’hui est de savoir pourquoi ces idées ne sont pas suffisamment appliquées afin de sortir ce pays de l’ornière.
Péma Néya