Le Premier ministre, Christophe Marie Joseph Dabiré, a effectué la traditionnelle déclaration de politique générale (DPG) devant l’Assemblée nationale le lundi 18 février 2019. Une feuille de route articulée autour de cinq axes et qui s’appuie sur le contexte sécuritaire, sociopolitique et économique du pays. Suite à cela, Radars info Burkina a recueilli les avis et surtout l’appréciation de quelques membres de partis politiques de l’opposition.
Mélégué Maurice Traoré, consultant, membre du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) : « Avant même de parler de la déclaration du Premier ministre Dabiré, il faut parler de la personnalité de l’homme. Nous avons été ministres pendant cinq ans au gouvernement ensemble. Il est celui qui m’avait remplacé au ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique. Nous nous connaissons bien, car ayant milité au sein du CDP ensemble. Je sais que c’est une personnalité qui est très calme et qui réfléchit beaucoup. Cela constitue un avantage pour un Premier ministre, parce qu’avec une telle personnalité il devient très consensuel. J’étais à l’Assemblée nationale quand il prononçait le discours de politique générale, ce que j’ai apprécié c’est surtout la manière méthodique qu’il a employée pour son discours. Le discours était très équilibré et a abordé la plupart des questions qui concernent notre pays sur tous les plans. Il y a, entre autres, la question sociale, celle économique, la gouvernance et évidemment l’événementiel avec le terrorisme actuel. L’inconvénient d’un exposé aussi exhaustif, c’est qu’on se demande comment il peut réaliser tout cela en moins de deux ans. D’un autre côté, le fait qu’il ait abordé toutes les questions montre bien qu’il a compris que c’était une totalité. C’est-à-dire qu’actuellement vous ne pouvez pas privilégier à outrance un secteur à un autre. Vous savez, dans les types de formation sociale que nous avons tout est urgent, tout devient prioritaire. C’est pourquoi il y a tant de difficultés. Le gouvernement est en effet obligé d’agir. Franchement, je pense qu’il pourra réussir s’il est assez réaliste pour comprendre qu’actuellement l’échéance, c’est dans moins de deux ans. Il faut qu’il calibre les actions en fonction du temps dont il disposera. Naturellement, si le président Roch Kaboré est réélu en 2020 et qu’il le reconduit, il pourra agir sur une perspective plus longue, mais on n’en est pas encore là. La réalité aujourd’hui, c’est le temps avec lequel il peut compter, c’est un an et demi un peu plus. Cela dit, bien que ce soit exhaustif, il a été surtout précis dans la plupart des domaines en les numérotant. Même si cela a été souvent exprimé de manière trop vague ou trop vaste, c’est quand même une bonne méthode. Moi, j’ai beaucoup apprécié le discours, d’autant plus qu’il a su rester concis, parce que ce qu’on reprochait au Premier ministre précédent, c’était les longueurs, avec beaucoup de digressions. Or, Dabiré a évité toute digression dans son discours. Il a fait un excellent discours ».
Adama Sosso, deuxième vice-président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) : « Nous avons suivi le discours du Premier ministre. On sentait qu’il avait véritablement de la volonté, mais comme nous l’avons dit, la volonté ne suffit pas, d’autant plus qu’il arrive dans un contexte difficile et avec un programme présidentiel qui n’est plus soutenu par le peuple. Le programme Roch n’est même pas à 25% réalisé alors que le PM dit qu’il va le réaliser en deux ans, sans oublier qu’aujourd’hui on ne parle même plus du programme de Roch, puisque celui-ci est candidat à l’élection présidentielle, donc c’est surtout la campagne présidentielle qui est en train de se préparer. Au vu de tous ces éléments, nous pensons que c’est difficile. En plus, nous avons dit que les axes qu’il a voulu prendre, par exemple la gouvernance vertueuse, devait commencer par respecter les engagements. Par exemple quand on nous dit que dans tout le Burkina on ne peut pas avoir 9 femmes à nommer ministres, cela pose un problème. De plus, quand on voit que l’ASCE-LC avait incriminé certains membres du gouvernement passé et qu’on retrouve l’un d’eux dans son nouveau gouvernement, quel message veut-il nous donner ? Cela pose problème. Nous n’accusons personne, mais on se dit que dès qu’une institution aussi sérieuse que l’ASCE-LC a des soupçons sur quelqu’un, il faut d’abord le mettre de côté, lui permettre d’être blanchi. S’il est blanchi, il retourne au gouvernement ; s’il ne l’est pas, il va répondre de ses actes. Mais si on fait fi de tout cela et qu’on fait comme si « les chiens aboient et la caravane passe », nous ne pensons pas que quelque chose va changer. Quand vous prenez les aspects sur la réconciliation et autres, c’est un discours de politique générale, mais il devait tenir compte du fait qu’il ne lui reste que 22 mois. Il devait bien organiser de telle sorte qu’on nous dise que dans trois mois voilà les résultats que nous attendons, dans six mois voilà ce que nous allons faire, ainsi de suite. Dans ce cas, on sait que c’est quelque chose de bien organisé. Mais quand c’est des intentions comme la dernière fois, « on va faire, on va faire », c’est difficile. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas donné notre accord pour ce gouvernement, parce que nous trouvons que c’est une perte de temps pour le Burkina. »
Ablassé Ouédraogo, président du parti Le Faso autrement : « Nous avons suivi avec grand intérêt la Déclaration de politique générale faite par le Premier ministre, Son Excellence Monsieur Christophe Joseph Marie Dabiré, lors d’une allocution solennelle devant l’Assemblée nationale le 18 février 2019. L’honnêteté et la grande estime que j’ai personnellement pour l’homme, que j’appelle affectueusement « Christofo », imposent que je reconnaisse avec une certaine satisfaction l’effort de pédagogie et de précision dont il a fait montre tout au long de son discours. Le chef du gouvernement a affirmé vouloir axer sa politique et l’action de son équipe autour de cinq points majeurs que nous nous faisons le plaisir de rappeler ici : le devoir de relever les défis sécuritaires ; l’exigence de pallier l’effritement de la cohésion sociale ; l’obligation d’instaurer une gouvernance plus vertueuse ; la nécessité de renforcer le développement du capital humain ; la volonté de dynamiser l’économie nationale. La prédominance des mots qui se rapportent à une contrainte et à un grand péril n’est pas anodine. Si, en effet, quatre des cinq axes principaux du programme du gouvernement Dabiré sont exprimés par des mots tels que « devoir de relever un défi », « exigence de pallier », « obligation d’instaurer », « nécessité de renforcer », c’est que le Premier ministre Dabiré a conscience de la situation de péril imminent dans laquelle le système MPP a plongé le Burkina Faso. Il n’avait donc pas le choix de ses priorités, puisqu’elles lui sont imposées vu l’état de déliquescence avancée de la Nation. Nous observons aussi que les priorités 2, 3 et 4 participent toutes de la réconciliation nationale dont elles sont des composantes importantes. C’est dire que même sans l’avoir expressément annoncé, le Premier ministre Christophe Joseph Marie Dabiré place la réconciliation nationale au cœur de l’action de son gouvernement, et c’est ce que nous avons toujours prôné. Je salue son pragmatisme et son courage ».
Propos recueillis par Edwige Sanou