Le Burkina Faso est l’un des pays de l’Afrique de l’Ouest qui est une plaque tournante de la culture. En témoigne la tenue de nombreux évènements culturels dans notre pays. Cette situation devrait contribuer à accroître la visibilité et la rentabilité économique des différents secteurs de la culture. Cependant, quand on jette un regard sur la vie des artistes, on constate qu’ils peinent à vivre de leur art. C’est le cas de la musique où le débat de la précarité des conditions de vie des artistes se pose sans être clairement tranché. Pour les uns, les quotas de diffusion des œuvres musicales en sont la cause ; pour les autres, ce sont plutôt la compétitivité et le professionnalisme des artistes musiciens qui sont en cause. Qu’en est-il exactement ?
Tout observateur averti de la scène musicale burkinabè a suivi avec intérêt la descente musclée dans le studio d’une radio de la place d’un groupe d’artistes musiciens pour manifester leur mécontentement quant au quota de diffusion affecté à la musique burkinabè par les animateurs de cette station de radio. Tout en précisant que cette situation s’est soldée par un règlement à l’amiable, nous vous présentons les positions des différentes parties sur le fameux quota de diffusion. Les artistes musiciens trouvent qu’ils sont peu connus du public burkinabè parce que le quota affecté à la diffusion de leur musique dans les médias nationaux n’est pas élevé. Selon ces derniers, cette situation est due au fait qu’une bonne partie des animateurs télé et radio de ces médias ayant longtemps vécu à l’extérieur de nos frontières, ils n’ont pas rompu le lien culturel avec leur pays hôte d’autrefois. De l’avis de l’artiste porte-parole de la CORABF, « les animateurs des chaînes de télé et des stations de radio ont toujours la nostalgie de la culture de leur provenance, nous ne leur en voulons pas pour ça, personne ne les empêche de payer les CD des musiciens de ces pays et d’aller les écouter chez eux, mais quant à imposer un fort quota de diffusion de ces musiques dans nos médias nationaux, nous nous y opposons ».
Ce constat a été fait par des observateurs du milieu de showbiz burkinabè, notamment les journalistes et communicateurs culturels qui se sont réunis en 2013 pour organiser une marche afin d’interpeller les animateurs en vue du respect du quota de diffusion de 40% de musique burkinabè par les médias commerciaux et de 60% par le reste des médias. Pour le secrétaire général adjoint de cette association, Youssef Ouédraogo, « nous avons organisé cette marche pour attirer l’attention des animateurs et patrons de la presse audiovisuelle sur le non-respect du quota de 40% de musique burkinabè dans les médias privés et celui de 60% dans les autres ».
Pour plaider en faveur de la hausse de ce quota, une association d’artistes musiciens dénommée CORABF a été mise en place en 2015. Au nombre de ses actions sur le terrain, ladite structure a, par exemple, rencontré le Conseil supérieur de la communication en avril 2016, qui a organisé un cadre de dialogue pour que les promoteurs des médias audiovisuels et les artistes puissent accorder leurs violons.
A la fin des travaux, des solutions ont été proposées, mais elles n’ont pas fait l’objet d’un consensus. Pour le directeur général de l’Observatoire des médias, Jean Paul Toé, « c’est avec un pincement au cœur qu’on a constaté qu’il n’y avait pas eu de consensus. Le Conseil supérieur de la communication, en tant qu’organe de régulation, n’avait qu’un rôle d’arbitre. Actuellement, les textes en vigueur sont ceux de 1998, qui consacrent un taux de 40% pour les médias commerciaux et de 60% pour les autres ».
Bas quotas de diffusion : manque de qualité ou manque de volonté ?
Face à ce dilemme, nous pensons qu’il faut courageusement se poser cette question : pourquoi un débat sur la question de la fixation d’un quota ? Au nombre des hypothèses que l’on pourrait émettre, selon Youssef Ouédraogo, « il y a la compétitivité de la musique burkinabè, sa disponibilité en matière de supports suffisants pour couvrir tous les médias, sa variété en genres musicaux et enfin l’immersion culturelle des animateurs des médias audiovisuels ». De l’avis de ce journaliste culturel et observateur de la scène musicale burkinabè, cela doit être un préalable avant qu’on parle de quota.
Justin Tiono, chargé de mission au CSC et par ailleurs rapporteur général de l’atelier tenu à cet effet en 2016, a affirmé : « Nous reconnaissons la légitimité de la lutte des artistes mais en tant qu’institution, il ne nous sert à rien de prendre des mesures qui ne seront pas respectées. Avant toute décision, une étude préalable s’impose. Nous allons, à l’occasion de celle-ci, poser aux Burkinabè la question de savoir s’ils veulent écouter 90% de musique burkinabè sur les médias nationaux». Selon ce dernier, c’est seulement à la lumière d’une étude du genre qu’une décision émanant du CSC pourrait être prise.
En attendant, nous pensons qu’avec les réseaux sociaux, l’exemple de l’artiste musicien Zedess, avec son titre coup de gueule à Nicolas Sarkozy est très édifiant. Cet artiste a publié ce titre sur internet et cela a forcé l’admiration des radios et télés d’Europe, d’Asie et d’Afrique au point que certaines ont invité l’artiste burkinabè sur leurs antennes, ce qui a énormément contribué au succès de ce titre. Vivement que les autres artistes burkinabè lui emboîtent le pas.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Bekuone