La 19e édition de la Semaine nationale de la culture (SNC) bat actuellement son plein dans la ville de Sya. Une semaine durant donc, toutes les potentialités culturelles du pays seront présentées à la face du monde. Mais réussir l’organisation d’une telle fête, n’est pas chose aisée. C’est pourquoi, les organisations disent avoir mis les petits plats dans les grands pour que cette grande messe de la culture burkinabè soit un véritable succès. Toutefois, des griefs organisationnels ont été soulevés tant par les populations que les festivaliers. Dans cet entretien accordé à Radars Info Burkina, le ministre de la Culture, des arts et du tourisme, Abdoul Karim SANGO, donne des éclaircissements par rapports aux insuffisances organisationnelles constatées et revient sur les enjeux de cette fête de la culture burkinabè.
Radars Info Burkina (RIB): Comment appréciez- vous la mobilisation de la population à cette édition de la SNC?
Abdoul Karin SANGO: Pour ce qui m'a été donné de voir, c'est-à-dire les différentes aires de spectacles, les stands, je peux dire que, du point de vue du Ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, il y a une très forte adhésion à la manifestation. Je me suis permis une ballade à la foire, comme un citoyen de la ville, et j'ai vu qu'il y avait une très forte affluence. Au Grand Prix National des Arts et des Lettres (GPNAL) qui a lieu tous les soirs au Palais de la Culture, en direct, je réalise qu'autour de cela il y a aussi une forte participation des populations. On a même du mal à contenir le monde au niveau des Plateaux-off. Dans les échanges informels que nous avons avec les citoyens de la ville de Bobo-Dioulasso, ils nous indiquent en tout cas que de leur mémoire, c'est la première fois qu'ils assistent à autant d'engouement autour de l'événement. Est pour faire plaisir à Monsieur le Ministre que je suis? Mais je crois véritablement qu'il y a un niveau de mobilisation assez intéressant. J'ai vu à l'espace jeune, comment les enfants aussi sont mobilisés, en dépit du fait que notre partenaire officiel pour les activités pour enfants lors de la SNC, qu'est l'UNICEF, ne nous a pas accompagnés cette année. Nous avons tenu à maintenir ces activités parce que les enfants sont l'avenir de demain et ce sont eux qui vont organiser les prochaines SNC.
RIB: L'engouement dont vous parlez semble ne pas être le cas pour la foire du livre.
AKS : Vous avez raison. J'y suis allé moi-même acheter des livres de mon parcours secondaire. Mais, nous avons un grand défi sur la question de la lecture. C'est d'autant plus compliqué aujourd'hui que les nouvelles technologies de l'information et de la communication ne nous facilitent pas la tâche. Lorsque nous étions plus jeunes, le seul outil de distraction que nous avions, c'était les livres. Mais aujourd'hui, les enfants ont trop d'outils de distraction dont la grande majorité ne peut pas les aider à se préparer pour faire face aux défis de demain. Donc il va falloir que nos départements réfléchissent sur la stratégie possible pour susciter cet engouement pour la lecture.
RIB: Quels sont véritablement les enjeux et les défis à relever pour la sauvegarde des valeurs culturelles du Burkina Faso?
AKS: Le Burkina Faso est reconnu mondialement comme étant un grand pays de culture. Tout ce à quoi nous assistons depuis le début de cette SNC traduit qu'au plan culturelle, nous avons beaucoup de choses à revendre au monde. Mais aujourd'hui, c'est une bataille que nous devons amorcer pour l'avenir. C'est peut-être les premiers choix qui ont été mal faits. Au lendemain des indépendances, il y a eu des grands hommes politiques, des leaders, comme André Ouézzin COULIBALY, qui avaient compris que le chemin le plus court pour aller au développement c'est bâtir le développement sur notre culture. Aujourd'hui, face à la mondialisation et à la globalisation, les enjeux sont beaucoup plus compliqués, parce que nous assistons à un envahissement de notre espace, de notre aire culturelle par les mass-médias qui sont dominés par les occidentaux. Lorsque vous êtes assujettis culturellement, c'est fini, vous ne pouvez plus rien entreprendre de façon efficace. C'est une bataille que nous entendons mener parce que le Président Rock Marc Christian KABORE a compris que si véritablement nous voulons laisser un pays sur les pieds aux générations futures, il faut élaborer les politiques publiques en prenant véritablement en compte la question culturelle. Mais, cela demande l'implication de beaucoup de gens. Je vais vous donner un exemple: depuis que je suis ministre et même bien avant, je n'ai jamais compris cette tendance au Burkina à jouer la musique étrangère. Bien entendu, je ne suis pas contre les autres. Mais à chaque fois que j'en parle, on me répond que c'est parce que la musique burkinabè n'est pas bonne, la musique burkinabé est ceci, elle est cela. Vous n'écoutez même pas votre musique. Vous croyez que la musique chinoise, si vous l'écoutez en tant que Burkinabè, vous la trouverez bien? Mais allez en Chine, vous croyez que les Chinois écoutent la musique des Américains ? C'est un combat que nous devons mener ensemble. Si vous ne consommez pas ce que votre peuple produit, qui va alors en consommez ? Je prends un exemple: Je viens chez vous et vous faites un repas que vous-même ne voulez pas manger. Vous pensez que je vais le manger?
RIB : La participation de l'artiste Sidiki DIABATE à la cérémonie d'ouverture comme tête d'affiche a suscité beaucoup de réactions. Qu'avez-vous à dire sur ces critiques?
AKS : Le budget de la SNC est incapable d'inclure le cachet d'un artiste de la dimension de Sidiki Diabaté. C'est un cadeau que les parrains nous ont fait. On avait un défi à relever : celui de la forte mobilisation à l'ouverture. Et connaissant la mentalité du Burkinabè qui veut qu'on lui donne de l'argent pour aller au stade ou qu'on l'y transporte, j'ai dit qu'il n'est pas question qu'on fasse cela. C'est alors qu'on m'a dit qu'il faut une tête d'affiche et c'est là que le nom de Sidiki DIABATE, qui est notre frère Malien, a été proposé. On a fait la proposition aux parrains et ils ont donné leur accord pour le faire venir. C'est un cadeau qu'ils nous ont fait. Mais ce que ces détracteurs ne disent pas, c'est que, comparativement aux éditions précédentes, on a considérablement amélioré le cachet de nos artistes qui ont presté à l'ouverture.
RIB: Certains festivaliers se plaignent de leurs conditions de logement à cette édition. Où en êtes-vous avec la cité des artistes?
AKS: Raisonnablement, est-ce qu'on peut héberger chaque artiste, chaque festivalier dans un hôtel à Bobo-Dioulasso, sans que les mêmes Burkinabè ne disent qu'on a pris tout leur argent pour mettre dans la SNC? On ne dispose même pas d'assez d'infrastructures pour cela. C'est pourquoi, le Chef de l'Etat, à travers le Premier Ministre, a en projet la construction de la cité des artistes qui va servir pour d'autres évènements. Le projet est en cours, il ne peut pas être réalisé en un seul jour.
Propos recueillis par Yessy BAKO (correspondant Bobo-Dioulasso)