Pour le cinquantenaire du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), neuf salles sont retenues pour la projection des 160 films. Ce cinquantenaire intervient dans un contexte difficile pour les salles de cinéma au Burkina Faso. En effet, après cinq décennies, la capitale du cinéma africain manque de salles de ciné. Pour parler de ces difficultés, Radars info Burkina est allé à la rencontre de Rakis Rodrigue Kaboré, président de l’Association des exploitants de salles de cinéma du Burkina (AESCB).
Radars Info Burkina : Comment se prépare le FESPACO au niveau du ciné Neerwaya ?
Rakis Rodrigue Kaboré : La salle du ciné Neerwaya a trente ans, ce qui traduit la maturité. À l’occasion de ce cinquantenaire, nous sommes en pleins travaux de rénovation. L’intérieur de la salle a été refait, nous avons aussi un accompagnement de notre partenaire du FESPACO pour l’équipement de la salle, donc on est passé au DCP, c’est la dernière haute technologie pour avoir des images de haute qualité dans la salle de cinéma. Le montant total des investissements qu’a nécessité cette rénovation tourne autour de 45 millions de francs CFA. Ces travaux viennent à point nommé, car nous pensions qu’il était temps de rénover la salle, de redonner espoir aux cinéphiles burkinabè. Côté organisation, nous avons essayé cette année en nous inspirant des erreurs des éditions passées. Nous aurons à l’occasion du cinquantenaire trois portes d’entrée, dont une consacrée à l’achat des tickets d’entrée, une autre aux badges et enfin une autre qui sera réservée aux célébrités, aux stars, aux officiels et aux membres du jury. Nous avons également aménagé une salle VIP pour les personnalités et les stars en gardant l’architecture burkinabè, une décoration burkinabè tout en leur permettant d’être dans les commodités acceptables.
RIB : Quelles sont les difficultés majeures que rencontrent les salles de ciné au Burkina Faso ?
RRK : Le problème majeur des salles de ciné, c’est le manque d’accompagnement. Les salles de ciné sont en train de fermer. Sur un ticket d’entrée de 1000 F, nous avons environ 370 F de taxes à payer. Sur ces 1000 F si on déduit les 370 F, il ne reste que 630. Les 630 F doivent être répartis entre le producteur et moi : lui prend 315F, donc il me reste 315 F. Et c’est avec cela que je dois supporter les dépenses de la salle de ciné. L’appui n’est pas forcément financier, il peut consister aussi à encourager les gens à investir dans ce secteur en diminuant les taxes ou même à adapter les taxes à la réalité du terrain. En outre, les investissements partent toujours à 90% chez les producteurs du film. On oublie un aspect très important. Quand le film finit il est diffusé où ? Vous avez beau faire un film de 400, 500 ou 800 millions, il faut que vous ayez un cadre agréable où les cinéphiles puissent se retrouver pour juger votre œuvre. C’est dans ce sens que nous avons tiré la sonnette d’alarme en interpellant notre ministre de tutelle pour lui dire qu’il est important et même impératif, et je pense que le ministre était tout à fait d’accord avec nous, de revoir l’investissement pour en consacrer quand même une partie aux salles de cinéma. Nous avons la clientèle, il suffit que l’Etat nous accompagne pour qu’on puisse faire que ces salles de cinéma soient plus proches de la population et vous verrez. Si on a des salles de cinéma à Saaba, Tanghin-Dassouri, dans les quartiers périphériques, etc., pour quelle raison les gens n’iraient pas voir des films ? En plus de cela, il faut noter le manque de volonté de nos politiques. Combien de nos ministres vont voir des films en salle ? Combien de fois le chef de l’Etat et son épouse sont allés voir un film avec la population ? C’est une réalité. Je pense que c’est à eux de donner l’exemple.
RIB : Quelle est la norme en termes de salle de ciné ? Peut-on dire que les salles de ciné au Burkina répondent aux normes ?
RRK : Non, je vais peut-être vous surprendre mais le manque de financement fait que beaucoup de nos salles de cinéma ne répondent pas aux normes. Une salle de cinéma doit normalement répondre à certaines exigences. Déjà, il faut avoir un matériel de diffusion adapté. Pour la plupart, ce sont des vidéoprojecteurs. Sinon normalement, pour l’équipement d’une salle de cinéma, vous n’avez pas moins de 200 millions de francs CFA à injecter. En outre, il y a la vie de la salle de ciné. Une salle de cinéma répond à certaines exigences sécuritaires, à certaines exigences cinématographiques. Il faut aussi avoir des fauteuils, un seul fauteuil tourne autour de 40 000 francs CFA. Ça, c’est seulement à l’achat. Ensuite, il y a l’importation. Après, il y a l’installation et l’entretien. Beaucoup de nos salles ont du mal à respecter ces exigences. Toute la salle doit avoir une sonorisation tapissée, vous n’avez pas moins de 40 millions pour cela. Aujourd’hui, il n’y a pas plus de cinq salles de cinéma au Burkina qui répondent aux normes. Il s’agit du ciné Burkina, du ciné Neerwaya, des deux salles de canal Olympia et du ciné Sanyon de Bobo.
Propos recueillis par Edwige Sanou