L'affichage anarchique est une triste réalité au Burkina Faso. En effet, cela est visible dans les grands carrefours de la ville et sur les supports des feux tricolores. Pourtant ce secteur est réglementé, chose que les annonceurs ne prennent pas toujours en compte. Pour avoir une meilleure lecture de la situation, Radars Info Burkina (RIB) est allé à la rencontre d'un spécialiste du domaine de par son expérience en tant qu’ancien président des publicitaires du Burkina, d’une part, et d’autre part de sa fonction de vice-président du Conseil supérieur de la communication (CSC), Aziz Bamogo.
Radars Info Burkina : Existe-t-il une réglementation en matière d’implantation de panneaux publicitaires aux Burkina Faso?
Aziz Bamogo : Il y a une réglementation sur l’implantation des panneaux et pour le moment elle est essentiellement portée par les mairies, les communes. C’est-à-dire que ce sont les communes qui donnent l’autorisation d’implanter un panneau quelque part sur leur ressort territorial. Mais la commune fait une sorte de catégorisation des panneaux. Il y a plusieurs types de panneaux parmi lesquels ceux qui sont les plus grands et servent à la publicité.
Par exemple en ce qui concerne la ville de Ouagadougou, les panneaux de 12 m² sont les plus utilisés. Au regard des dispositions communales, seules les agences de communication sont habilitées à les utiliser. Mais il y a aussi des panonceaux, c’est-à-dire de petits panneaux servant à indiquer l’emplacement d’une institution, d’une administration, d’une entreprise, etc., qui eux sont à la portée de tous pour peu qu’on ait une autorisation de la mairie.
C’est là aussi où il y a beaucoup d’anarchie, car aux principaux carrefours de la ville chacun vient implanter le sien. Par exemple sur l’avenue Charles de Gaulle au croisement de Babanguida , il y a une multiplicité des panonceaux. Mais tout cela relève de la mairie parce qu’il s’agit d’une occupation du domaine public. Peut-être qu’il faut que la mairie soit regardante sur la question.
RIB : Quand peut-on dire qu’il y a une implantation anarchique en ce qui concerne les panneaux de 12 m²?
AB : Il y a deux ans, la mairie avait déjà arraché des panneaux anarchiques, des panneaux implantés sans autorisation. Quand on dit anarchique c’est pour dire qu’ils n’ont pas eu l’autorisation de la mairie. En effet, au regard de l’arrêté de la commune, il y a des endroits où on ne peut pas implanter des panneaux. Par exemple devant une école on ne peut pas implanter de panneaux, devant un hôpital non plus. Il y a des endroits où on ne doit pas implanter de panneaux. Il y a des gens qui le font sans autorisation, et à des endroits qui ne sont pas réservés à cela.
Encore une fois, c’est à la mairie de faire son travail. C’est elle qui gère l’espace. Certains disent qu’ils n’ont pas connaissance de la réglementation quand on démolit des panneaux. Donc il revient à la mairie de faire de la sensibilisation.
En plus, la mairie doit faire son travail parce que quand on implante les panneaux de 12 m² pour les communicateurs ils paient de l'argent. Cela coûte je crois autour de 35 000 francs le mois. Donc quand tu demandes l’autorisation d’implanter par exemple 10 panneaux et que la mairie te l’accorde, dès lors chaque mois tu lui dois 35 000 francs sur chaque panneau, ce qui fait 350 000 francs l’année. Alors que celui qui ne part pas voir la mairie ne paie pas ces taxes-là, du coup comme il ne paie pas les 35 000 francs, il est en mesure de vendre ces panneaux moins cher, donc il fait une concurrence déloyale à ceux qui paient les taxes. Cela crée une sorte de désordre dans le marché. Pour quelqu’un qui paie, pour qu’il puisse avoir un bénéfice sur ces panneaux, il faut que ce denier prenne les 35 000 de la mairie et ajoute quelque chose dessus en plus des dépenses, plus des bénéfices. Quand j’étais président des publicitaires, j’avais fait de cela mon cheval de bataille pour que la mairie puisse assainir le secteur. J’espère qu’avec le temps, cela se fera.
RIB: En tant que professionnel du domaine, quelle lecture faites-vous des affiches que l'on voit de plus en plus sur les supports des feux tricolores?
AZ : Cela relève également de la mairie, parce que c’est de la salubrité publique. Ils font de la publicité, alors qu’au titre de la loi sur la publicité du Burkina, seules les agences de communication ont l’autorisation de faire de la publicité. Un quelconque individu ne peut pas le faire s’il n’est pas habilité à le faire. Deuxièmement, il utilise des espaces qui ne sont pas appropriés comme les feux tricolores et autres. Cela pose un problème, on ne peut pas utiliser ces supports, dans la loi c’est interdit. C’est pourquoi la loi sur la publicité dit que ce sont les professionnels qui sont habilités à le faire, par exemple je vois sur ces affiches des annonces de nature médicale, alors que la publicité au niveau médicale est grandement contrôlée, il y a des autorisations à avoir auprès du ministère de la Santé avant de faire la publicité. Or ces derniers sans le moindre contrôle, ils font de la publicité des produits. En plus d’être un problème de salubrité il est aussi un problème de santé publique. Il y a des gens qui vantent les mérites de leurs produits dont on ignore la provenance. C’est pour cela qu’on a besoin du ministère de la Santé, car c’est le ministre qui sait tout ce qui est médicalement autorisé au Burkina.
RIB: Que fait ou que peut faire le CSC pour atténuer ce problème?
Celle qui doit réagir d’abord, c’est l’organisation professionnelle des publicitaires. C’est sur leur terrain que ces gens viennent grappiller et quelque part ils sont les principaux concernés. Je pense que les publicitaires doivent disposer d’une sorte d’organe qui fait l’observatoire, et quand ils se rendent compte qu’il y a quelque chose qui n’est pas conforme à la loi, ils interpellent qui de droit : d’abord la mairie et ensuite le CSC. Le Conseil supérieur de la communication n’est compétent qu’en matière de contenu du message. Mais le support ou la démarche de communication relève de la mairie. Il faut que les publicitaires fassent le gendarme, interpellent la mairie sur le dispositif et le CSC le fera sur le contenu.
Propos recueillis par Edwige Sanou