L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) et le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) publient chaque année un rapport d’audit de l’administration publique dans l’objectif de lutter contre la corruption. Cependant, il se trouve que les recommandations faites à la fin des études n’ont pas d’impact perceptible sur ce mal qui gangrène les services publics burkinabè. Les mauvaises pratiques perdurent et leurs auteurs ne sont pas inquiétés.
Le 30 novembre dernier, l’ASCE-LC a publié son rapport annuel d’audit des institutions publiques. Cette enquête a révélé que comparativement à 2016, il y a eu une baisse des indicateurs de bonne pratique de gestion du budget alloué à ces dernières pour leurs dépenses. Quatre domaines ont été principalement scrutés par les fins limiers : la procédure de commande publique, l’état des comptes de dépôt, des régies d’avance et caisses de menues dépenses et la gestion du carburant et des lubrifiants. Pour le contrôleur général de l’ASCE-LC, Luc Marius Ibriga, l’étude a révélé une tendance à la hausse de mauvaises pratiques comme les procédures d’attribution de marchés publics par la méthode de gré à gré. En outre, le rapport du REN-LAC a révélé que les mauvaises pratiques dénoncées dans leurs rapports précédents étaient toujours d’actualité. Cette organisation de la société civile a décidé de mener des campagnes de sensibilisation, spécifiquement contre la pratique de la corruption dans le secteur de la santé lors de la 13e journée du refus de la corruption, prévue pour le 09 décembre 2018. Selon le rapport du Réseau, ce secteur a été classé 13e et les mauvaises pratiques du milieu sont la surfacturation, le détournement des frais de consultation, l’orientation des malades dans des centres sanitaires privés et la mauvaise gestion des fonds au niveau de la CAMEG.
Chose curieuse, ces pratiques décriées alimentent les débats chaque année dans les médias mais ne font jamais l’objet de mesures de sanctions fortes, d’où le sentiment qu’il y a une certaine impunité. Cet état de fait interroge d’ailleurs sur l’opportunité et la pertinence de l’existence de ces structures de contrôle et de lutte anti-corruption. En effet, à quoi servent des rapports d’enquêtes qui font des recommandations qui, finalement, ne sont pas mises en pratique ? Selon le Dr Ibriga, « après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, les gens avaient peur de poursuivre ce genre de pratiques. Mais, comme il n’y a pas eu d’actions fortes de répression pour dissuader les fautifs, ces mauvaises pratiques perdurent ». Ce qui amène à se demander quelles sont les causes de cette situation d’impunité dont profitent certains agents indélicats. A en croire le « patron des contrôleurs », « le gouvernement s’appuie sur le principe de la séparation des pouvoirs pour ne pas engager de poursuites judiciaires contre les auteurs de ces actes. Quant à la justice, elle estime que ce rôle ne lui est pas dévolu ». Cependant, il se trouve qu’une loi portant prévention et répression de la corruption a été votée et a fait l’objet de signature d’un décret d’application. Cette loi a fixé 5% du revenu licite au-delà duquel tout citoyen tombe sous le coup du délit d’apparence. Nous pensons qu’à cette allure, à titre dissuasif, les enquêteurs devraient nommément citer les agents auteurs de ces pratiques délictuelles.
Saâhar-Iyaon Christian Somé Bekuoné