Le 15 juin de chaque année est célébrée la Journée mondiale de lutte contre la maltraitance des personnes âgées. Elle est orientée sur la question de santé publique et de droits des personnes aînées. À l’occasion de cette journée, une équipe de Radars Infos Burkina a effectué une visite à l’Association nationale des retraités du Burkina (ANRB), ce jeudi 15 juin 2023, pour s’imprégner des difficultés des retraités au Burkina. Jean-Baptiste Ilboudo, secrétaire général de l’ANRB, à la retraite depuis 2009, a bien voulu nous accorder une interview.
Radars Burkina : Pouvez-vous nous donner le nombre de retraités au niveau de l’ANRB ?
SG ANRB : Nous sommes dans les 13 régions et pour l’instant nous n’avons pas l’effectif exact. Nous avons demandé aux présidents des conseils régionaux des 13 régions de faire le point pour que nous puissions connaître le nombre total de retraités. Mais de façon approximative, il y a 60 mille retraités sur l’ensemble du Burkina qui perçoivent des pensions versées par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et par la Caisse autonome de retraite des fonctionnaires (CARFO).
Radars Burkina : Comment vivez-vous aujourd’hui après plusieurs années de travail ? La période de retraite se passe-t-elle bien ou avez-vous des difficultés ?
SG ANRB : La retraite se prépare et je prends à mon compte ce que le Général Tiémoko Garango, qui fut ministre des Finances du Burkina Faso en 1966 ou 1967, avait dit, à savoir que « la retraite commence le premier jour où tu commences à travailler ». C’est dire que psychologiquement, le travailleur doit se préparer au fait qu’un jour, il doit partir. Il y a eu des cas malheureux où des gens qui devaient aller à la retraite ne voulaient pas partir. Il y a des cas concrets où on a été obligé de fermer, changer les serrures de leurs bureaux pour qu’ils ne viennent plus parce que même admis à la retraite, ils continuaient de venir au travail. Ce sont des gens qui ne se sont pas préparés psychologiquement, et dans le cas où le cadenas a été changé, l’intéressé n’est plus revenu. Malheureusement quelques mois après, il est décédé. Et l’autre aspect est que si vous êtes à la retraite et que vous vivez toujours en location, il y a un problème. Donc il faut vous préparer non seulement psychologiquement et matériellement à partir un jour à la retraite. Pour ma part, tout se passe bien, j’étais déjà préparé à cette nouvelle vie.
Radars Burkina : Avez-vous des difficultés par rapport à la pension que vous percevez ?
SG ANRB : Il faut dire qu’il y a des pensions qui sont vraiment très faibles et cela met les pensionnés dans une situation de précarité. C’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas joindre les deux bouts, ce qui est vraiment dommage pour des gens qui ont passé toute leur vie à servir le pays soit dans le public soit dans le privé, et surtout quand on sait qu’à cet âge-là il y a beaucoup de problèmes de santé (tension, diabète, etc.). Il y a des retraités qui sont vraiment dans des situations précaires. Certains ont, par exemple, une pension mensuelle de moins de 100 mille francs, ce qui ne vaut même pas le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) au Burkina lorsqu’on divise par trois. Pire, il y en a qui perçoivent moins que ça, notamment les pensions de réversion c’est-à-dire les pensions dont les veuves bénéficient de leurs maris retraités décédés.
Radars Burkina : Avez-vous des difficultés pour l’établissement du certificat de vie ?
SG ANRB : Il faut savoir que le certificat permet de vérifier si le pensionné est toujours en vie avant de reverser la pension. À la CNSS, c’est deux fois par an qu’il est demandé tandis qu’à la CARFO, c’est une fois l’an. Or l’établissement se fait soit à la mairie ou dans les préfectures. Techniquement c’est une préoccupation car ici encore en ville ça va mais dans les villages, l’on est obligé de prendre un tricycle pour aller prendre les retraités, les amener à la mairie pour établir les certificats de vie. Nous avons vu le Directeur général de la CNSS, pour poser le problème et il a promis de réfléchir sur la question.
Radars Burkina : Avez-vous à faire face aux soins sanitaires ?
SG ANRB : La pension ne permet pas, dans certains cas, de rendre visite régulièrement au médecin. C’est pourquoi l’association a demandé depuis 1999 l’établissement de la visite médicale annuelle pour les retraités pour permettre à ceux qui n’ont pas les moyens de se retrouver au moins une fois par an devant le médecin. C’est pour cela que la visite médicale gratuite qui est à sa 9e édition a été instituée pour permettre de soigner. C’est vrai que toutes les pathologies du retraité ne sont pas prises en considération ; néanmoins il y a la tension, la glycémie, les problèmes de reins et pour les femmes les lésions précancéreuses. Cependant le problème que cela pose, c’est qu’on diagnostique la maladie mais on n’aide pas le retraité à se soigner. Néanmoins nous disons que mieux vaut savoir de quoi tu souffres pour vivre en fonction de ta maladie. Il y a eu des cas où des gens ont eu l’occasion de savoir de quoi ils souffrent à l’occasion des visites médicales, des gens qui ont découvert qu’ils avaient le diabète mais ne savaient pas, des problèmes cardiaques, donc ils vivaient comme si de rien n’était or ils étaient malades. C’est aussi ça l’avantage, même si on ne peut pas te soigner on te dit de quoi tu souffres et ça te permet de vivre en fonction de ta maladie.
Radars Burkina : Y a-t-il des moments où un pensionné n’arrive pas à avoir son dû ?
SG ANRB : Une fois que tu t’es présenté et que tu as ton certificat de vie, ta pension est garantie. Mais nous sommes en train de voir un système de bancarisation, c’est-à-dire qu’au lieu qu’on transporte l’argent par les caisses, qu’on puisse virer directement via les mobiles money. Une convention a été déjà signée à cet effet entre le DG de la CNSS et Orange Burkina.
Radars Burkina : Quels souhaits avez-vous à émettre à l’endroit des autorités ?
SG ANRB : Notre souhait, c’est qu’on améliore les conditions des retraités. On profite de l’occasion pour dire à quel point on est content parce que notre appel a été entendu par rapport à la construction d’un centre gériatrique à Ouagadougou, qui va ouvrir ses portes d’ici la fin de l’année et s’occupera en particulier des personnes âgées, mais le centre de Bobo, dont la première pierre a été posée. Nous plaidons pour que dans ces centres on puisse prendre en totalité, comme dans certains pays, en charge les personnes retraités.
En outre, nous souhaitons qu’on indexe la pension au coût de la vie. C’est-à-dire lorsque le coût de la vie augmente, que la pension aussi augmente et qu’à défaut on les indexer sur les salaires lorsque ceux-ci augmentent.
Par ailleurs, pour la signature du certificat de vie, il y a un déséquilibre puisque c’est une fois par an à la CARFO et deux à la CNSS. Donc on souhaite qu’on puisse le faire une fois par an à la CNSS comme à la CARFO et trouver une formule pour le cas des gens qui ne peuvent pas se déplacer et trouver une formule en ce qui les concerne.
Propos recueillis par Flora Sanou