mercredi 27 novembre 2024

Prestation de serment du capitaine Ibrahim Traoré : « C’est pour faire plaisir à la communauté internationale » (Michel Ouédraogo, citoyen burkinabè)

titure uneAprès le coup d’Etat du 30 septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a été désigné président de la transition à l’unanimité le vendredi 14 octobre dernier par les forces vives lors des assises nationales. Il a prêté serment ce vendredi 21 octobre 2022. Radars Info Burkina a recueilli les avis de quelques citoyens sur la question. Pour la plupart de ceux que nous avons interrogés, cette investiture n’avait pas lieu d’être.

Michel Ouédraogo, citoyen lambda, s’est exclamé ainsi lorsque nous lui avons demandé son avis : « C’est quelle histoire ça ? C’est n'importe quoi ! Donc c'est légal maintenant, les coups d'État ?»  « Quand on fait un coup d'État, c'est qu'il y a urgence. Tu as fait ton coup d’Etat, il faut l’assumer. Cette question d’investiture, c’est pour faire plaisir à la communauté internationale, sinon nous n’en avions pas besoin », a-t-il ajouté. « Nous sommes contre cette théâtralisation du Conseil constitutionnel. Cela nous met en retard.  Il faut qu’on abandonne ces pratiques, qu’on se mette au travail et qu’on aille à l'essentiel », a conclu M. Ouédraogo.

Pour Ibrahima Traoré, président de l'Association des citoyens leaders (ACLE), c'est un acte anticonstitutionnel et ce n’était pas nécessaire. « Je pense que ce n'était pas nécessaire. C'est un président élu qui prête serment. Le capitaine Traoré a dit que tout est urgent, qu’il faut aller vite. C'est dans cette dynamique qu'il devait s'inscrire », a-t-il indiqué. Et d’ajouter : « En principe, il ne devait même pas avoir le temps d'organiser des assises, encore moins de se faire investir président ».

TITURE2« Les spécialistes en droit sont unanimes que c'est un forcing que les militaires font aux grands juges du Conseil constitutionnel. Vu le contexte, l'officier Traoré aurait dû faire l'économie de ce cinéma », a soutenu Ibrahima Traoré. Pour cet interlocuteur, il faut que le capitaine-président pose des actions fortes qui vont rassurer et donner davantage d'espoir aux Burkinabè. Ainsi, à son avis, le capitaine Traoré aurait dû se passer des assises, de l’investiture et même de l’ALT. « Ces questions d'assises nationales, d'Assemblée législative de Transition (ALT) et d'investiture vont contribuer à ralentir et à limiter sa marge de manœuvre sur le terrain. Il aurait dû faire l'économie de tout cela. Il allait alors être beaucoup plus opérationnel et efficace sur le terrain », a-t-il souligné.

Selon Larba Israël Lompo, président de l’association Œil d’Afrik, le coup d'Etat est déjà par essence une violation de la Constitution et cette prestation de serment est pour le nouvel homme fort du pays une manière de se réconcilier avec ladite Constitution. « Depuis la chute du mur de Berlin, la géopolitique a changé. Un président non reconnu par la Constitution, n'aura pas les mains libres pour exercer librement et légalement à un certain niveau le pouvoir d'Etat.

 Mais on a l'impression que les violeurs de la Constitution par coup d'Etat ne se rendent compte de l'importance de celle-ci que lorsqu'ils veulent entrer eux-mêmes dans l'exercice du pouvoir d'Etat.

C'est alors qu'ils apprennent que pour être reconnus à un certain niveau des obligations de la nation et devant la communauté internationale, il leur faut se réconcilier avec cette loi fondamentale qu'ils ont violée par le pouvoir des armes. Voilà pourquoi on observe toute cette mascarade de prestations de serment avec l'ultime promesse de devenir le défenseur acharné de cette même Constitution », explique-t-il.

titure3A son avis, cette prestation de serment de présidents issus de coups d’Etat est une manière de légaliser les coups d'État et c'est exactement pour ça qu'un coup d'Etat en appelle un autre. La loi fondamentale n'a de force que lorsqu'elle est loin des kalachnikovs. Ainsi, selon lui, l'armée burkinabè a besoin d'aller à l'école de l'armée sénégalaise. Car, dit-il, « on ne peut pas continuer à tolérer que la présidence continue à être le terrain de compétition du soldat le mieux entraîné ou le mieux équipé. Le véritable problème du Burkina Faso, c'est son armée qui pense que le pouvoir ne doit rester que dans les mains de ceux qui ont les armes parce que depuis les indépendances, elle ne cesse de traumatiser la Constitution, même si le politique civil aussi a failli », a longuement expliqué notre interlocuteur.

Selon le coordonnateur national de la Coalition nationale pour l’éducation pour tous au Burkina Faso (CNEPT-BF), Tahirou Traoré, dans un régime d'exception, une investiture comme celle du capitaine Ibrahim Traoré par le Conseil constitutionnel ne s'imposait pas. Mais étant donné qu'il y a une jurisprudence en la matière, on ne peut que faire le constat, selon M. Traoré.

Flora Sanou

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