Nombre de travailleurs de la santé humaine et animale ont constaté sur leur salaire des mois d’octobre et de novembre 2019 des retenues pour fait de grève. Cette situation a suscité l’indignation de nombreux acteurs de la santé et d'autres citoyens qui, jugeant la mesure gouvernementale injuste, ont réclamé le remboursement des montants retenus. Pour savoir la suite qui a été donnée à cette requête, Radars info Burkina a tendu son micro à Pissyamba Ouédraogo, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA). Il se prononce également sur l’adoption des décrets d’application de la fonction publique hospitalière et donne la position de son syndicat sur l’application de l’IUTS.
RB : A ce jour, qu’en est-il exactement des coupures que certains agents de santé ont constatées sur leur salaire pour fait de grève ?
PO : Effectivement en octobre et novembre 2019, des travailleurs de la santé humaine et animale ont été victimes de coupures, surtout ceux de la santé humaine. Ces coupures, nous les jugeons illégales, parce qu’elles l’ont été en application d’un décret qui porte sur le recouvrement des créances de l’Etat. Mais à notre connaissance, ce décret n’est pas applicable en matière de grève. En revanche, et nous l’avons aussi signifié au gouvernement, ce que nous reconnaissons, c’est un arrêté conjoint adopté en 2013 et qui est d’ailleurs sur la table du Premier ministre parce que les syndicats ont demandé sa relecture. Donc pour nous, ces retenues n’étaient même pas conformes à la loi. C’est pourquoi nous avons demandé au gouvernement de les arrêter et de restituer les sommes déjà prélevées. Pour ce qui est de la situation à ce jour, lorsque le dialogue a été renoué avec le gouvernement, l’arrêt de cette mesure, que nous considérons comme illégale, a été une des préoccupations que nous avons exprimées avec la médiation. Mais il a fallu attendre le 20 décembre 2019 pour que le gouvernement se prononce clairement sur cette préoccupation. Il nous a, par l'entremise du chef de la délégation gouvernementale aux négociations, en l’occurrence le Pr Stanislas Ouaro, informés que le gouvernement avait été instruit de suspendre les coupures, ce qui fait qu’elles n’ont pas été opérées en décembre, et que les agents qui avaient été coupés de manière irrégulière devaient rédiger une demande pour être remboursés. A notre niveau, nous avons cherché à comprendre la nature desdites demandes, parce que lorsque la mesure est tombée, nous avons jugé qu’elle était illégale donc administrativement, la loi nous autorisait à faire un recours hiérarchique. C'est pourquoi nous avons, dans ce cadre, entrepris à l’échelle du syndicat de faire rédiger des demandes puisqu’elles sont individuelles. Nous avons, dans un premier temps, collecté 10 000 demandes que nous avons déposées auprès du ministre des Finances. Après le 20 décembre, nous avons encore transmis 260 demandes. Il faut noter que la mesure est dite suspendue et que le remboursement n’est pas assorti de délai.
RB : Il y a eu l’adoption de dix décrets d’application de la fonction publique hospitalière, comment avez-vous accueilli la nouvelle ?
PO : Notre syndicat n’est pas étonné de cette décision dans la mesure où nous avons suivi l’élaboration et la validation d’un certain nombre de textes parmi lesquels les décrets sur la fonction publique hospitalière. Mais ce que nous pouvons dire, c’est que pour l’instant nous ne connaissons pas le contenu des décrets qui ont été adoptés. Comme je l'ai déjà dit, c’est aussi une source d’inquiétude dans la mesure où, par expérience, nous savons que quand nous discutons avec le gouvernement, c’est vrai que tout ce que nous souhaitons ne passe pas mais le peu qui passe, entre le temps des discussions et l’adoption, n’est pas maintenu. Nous attendons donc que les textes soient officialisés pour prendre connaissance de leur contenu.
RB : Si en prenant connaissance de ces décrets vous constatez que le minimum de ce que vous avez demandé n’est pas pris en compte, est-ce que des actions seront envisagées ?
PO : Les actions à envisager, c’est d’abord d’aviser l’autorité sur le fait qu’il y a des problèmes relatifs aux textes qui ont été adoptés. Et nous pensons que s’il y a des questions de très grande importance, comme ce sont des décrets pris en Conseil des ministres, on pourra toujours procéder à des relectures dans l’optique d’améliorer la situation s’il y a de la bonne volonté de la part du gouvernement. Les actions particulières à entreprendre dépendront de la façon dont nos préoccupations auront été traitées.
RB : Quelle préoccupation majeure souhaitez-vous voir prise en compte dans ces décrets d’application de la fonction publique hospitalière ?
PO : Ce qui me vient en tête, c’est par exemple l’organisation du service qui est une des préoccupations de notre organisation, à savoir qu’il faut que le gouvernement prenne des dispositions pour faire fonctionner les formations sanitaires 24h/24, en mettant, dès que les effectifs le permettent, en place tous les agents, quel que soit leur niveau de spécialité de garde, pour que les patients qui arrivent bénéficient rapidement de leurs prestations. Nous insistons pour que les gardes couchées, qui peuvent assurer la continuité du service, dépendent des effectifs. Il y a aussi le conseil de discipline, qui est une exigence du mouvement syndical pour permettre d’éviter que les agents soient sanctionnés sans avoir été entendus. Cela permet de réduire l’arbitraire dans le traitement des agents.
RB : Qu’en est-il du plateau technique ?
PO : Cet aspect est plutôt traité dans le cadre des conditions de travail énumérées dans le protocole d’accord que nous avons signé avec le gouvernement et sur lequel nous sommes en train de discuter. Au terme des discussions, il y a un certain nombre de dispositions que le gouvernement sera amené à prendre dans ce cadre, pour permettre d’avoir un minimum pour répondre à la demande des patients.
RB : Concernant la question de l’IUTS qui défraie la chronique ces derniers temps, quelle est la position du SYNTSHA quant à son application ?
PO : La position du syndicat est claire : l’IUTS a été institué en 1970 et portait sur le salaire. Les syndicats ont constaté qu’au niveau du privé, il y avait l’IUTS qui s’appliquait au niveau des primes et indemnités. Une revendication a donc été formulée dans le sens de dire qu’au départ la mise en place de l’IUTS, c’était pour contribuer à combler les conséquences de la gabegie du régime de Maurice Yaméogo et qu’il ne concernait que les salaires, donc il fallait que le gouvernement supprime cet impôt sur les primes et indemnités du secteur privé. Nous restons donc fidèles à cette revendication. Les manœuvres que le gouvernement a faites sont dignes de sa mauvaise foi. La revendication a été posée, s’il ne veut pas la satisfaire, qu’il le dise clairement. Mais le gouvernement veut se servir de cette question pour opposer les travailleurs aux autres contribuables, oubliant que lui-même s’est exonéré de l’IUTS sur les primes et indemnités. Nous sommes opposés à l’application de l’IUTS et nous allons nous battre aux côtés des autres travailleurs pour que cette mesure ne soit pas appliquée.
Propos recueillis par Armelle Ouédraogo