Comme la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso a pour langue officielle le français, alors qu’il compte plus de 60 langues et dialectes. Un nouveau pan chargé de la promotion des langues nationales a été ajouté au ministère de l’éducation nationale et de l’alphabétisation en vue de mieux revaloriser les langues locales.
Le 24 janvier 2019, suite à la formation du nouveau gouvernement, la Promotion des langues nationales a été adjointe au ministère de l'Education nationale et de l'Alphabétisation (MENA). Selon le ministre Stanislas Ouaro, il s’agira de faire des langues nationales, au-delà de leur utilisation dans le système éducatif comme médium d’enseignement/apprentissage, de véritables instruments de développement, d’intégration et de cohésion sociale.
En effet, les langues nationales constituent des instruments puissants pour préserver et développer le patrimoine matériel et immatériel. Toute chose que l’UNESCO soutien à travers la célébration de la Journée internationale de la langue maternelle chaque année afin de promouvoir la diversité linguistique et culturelle ainsi que le multilinguisme. Pour favoriser le développement durable, les apprenants doivent avoir accès à l'éducation dans leur langue maternelle et dans d'autres langues.
Pour sa part, Mme Kaboré, éducatrice, applaudit cet élargissement du MENA qui accorde désormais une place de choix à la promotion des langues nationales dans le système éducatif. « Les langues nationales sont des socles de la culture sur lesquels les nations doivent s’appuyer pour se développer », argumente-t-elle. Selon elle, cela est nécessaire si l’on ne veut pas voir les enfants perdre leur identité. « Nous sommes dans une société moderne, où beaucoup de parents n’apprennent pas leur langue maternelle à leurs enfants. Ce qui est vraiment dommage », déplore-t-elle. Un avis que partage Mme Ouédraogo, enseignante à la retraite :« Cela peut être un avantage en ce sens que dans certaines familles, les enfants ne comprennent même pas leur langue maternelle », souligne-t-elle.
Tout de même, de l’avis de Mme Ouédraogo, la promotion des langues nationales a ses avantages et ses inconvénients, dans la mesure où cela a déjà montré ses limites. « Il y a des années, on avait instauré le mooré, le fulfuldé et le dioula à l’école. Certes cela avait facilité la compréhension, mais cela a également montré ses limites. En plus, certains parents étaient réticents, parce qu’ils estimaient que le mooré était déjà suffisamment parlé à la maison, pour qu’on l’enseigne en plus à l’école. Certains sont allés jusqu'à retirer leur enfant des écoles parce qu’ils considéraient qu’ils y avaient moins de chances de réussite, d’autant plus que l’aboutissement des écoles était les concours dispensés en français », explique-t-elle.
C’est pourquoi elle estime que si l’Etat veut introduire de nouveau les langues nationales dans le système éducatif, il faut au moins qu’il s’inspire des insuffisances et difficultés de l’expérience passée en prenant en compte tous les contours que cela implique.
Quoi qu’il en soit, il est indéniable que les langues locales permettent de transmettre la culture, des valeurs et le savoir traditionnel, jouant ainsi un rôle important dans la formation des enfants. L’Etat, avec le concours de tous les acteurs du système éducatif, doit trouver le juste milieu afin que l’enfant tout en apprenant dans une langue qui n’est pas la sienne grandisse avec les valeurs et l’essentiel du savoir de sa langue maternelle afin de ne pas perdre ses racines.
Edwige Sanou