La faîtière régionale des organisations professionnelles de l'économie informelle du Centre qu’est le CREI-C a tenu une conférence de presse ce mercredi 26 octobre pour rejeter la nomination de Donatien Nagalo à la tête du ministère du Commerce. Pour Harouna Kaboré et ses camarades, ce n’est pas une personne à la probité morale irréprochable qui a été promue à la tête de ce département ministériel. Ils exhortent donc le président du Faso à vite « corriger cette erreur de casting ».
« Nous avons attendu avec impatience la mise en place de ce gouvernement censé relever les défis qui se posent à notre pays en général et à notre fragile économie en particulier », a souligné d'entrée de jeu Harouna Kaboré, secrétaire général du Conseil régional de l'économie informelle du Centre (CREI-C). Ce fut donc un choc pour le CREI-C, selon lui, d'apprendre et de constater que le portefeuille du commerce a été confié à Donatien Nagalo. D’après les conférenciers, ce dernier s'est « rendu coupable de faits d'escroquerie aggravée auprès de pauvres commerçantes de la capitale avec sa structure appelée SYNACOM-B ». En effet, précise Moussa Dabo, président du CREI-C, beaucoup de Burkinabè, particulièrement des Ouagavillois, ont été temoins de l'escroquerie organisée par ce dernier pour soutirer de l'argent à de vieilles personnes de l'économie informelle sous prétexte qu'il leur trouverait des financements. Des organisations ont même sollicité l'intervention du president du Faso à l'époque, Roch Marc Christian Kaboré, pour permettre aux victimes de rentrer en possession de leur dû.
Ils demandent donc à l’actuel président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, ainsi qu’au Premier ministre, Me Apollinaire Kyélèm, de diligiter une enquête de moralité sur le fraîchement nommé ministre du Commerce, et d’en tirer toutes les conséquences, le cas échéant, en remplaçant ce dernier par un autre Burkinabè dont la probité morale est irréprochable.
Le CREI-C, pour sa part, dit suivre de près l'évolution de la situation. En tout état de cause, il prévient qu’il ne se laissera pas imposer un ministre.
Après le coup d’Etat du 30 septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a été désigné président de la transition à l’unanimité le vendredi 14 octobre dernier par les forces vives lors des assises nationales. Il a prêté serment ce vendredi 21 octobre 2022. Radars Info Burkina a recueilli les avis de quelques citoyens sur la question. Pour la plupart de ceux que nous avons interrogés, cette investiture n’avait pas lieu d’être.
Michel Ouédraogo, citoyen lambda, s’est exclamé ainsi lorsque nous lui avons demandé son avis : « C’est quelle histoire ça ? C’est n'importe quoi ! Donc c'est légal maintenant, les coups d'État ?» « Quand on fait un coup d'État, c'est qu'il y a urgence. Tu as fait ton coup d’Etat, il faut l’assumer. Cette question d’investiture, c’est pour faire plaisir à la communauté internationale, sinon nous n’en avions pas besoin », a-t-il ajouté. « Nous sommes contre cette théâtralisation du Conseil constitutionnel. Cela nous met en retard. Il faut qu’on abandonne ces pratiques, qu’on se mette au travail et qu’on aille à l'essentiel », a conclu M. Ouédraogo.
Pour Ibrahima Traoré, président de l'Association des citoyens leaders (ACLE), c'est un acte anticonstitutionnel et ce n’était pas nécessaire. « Je pense que ce n'était pas nécessaire. C'est un président élu qui prête serment. Le capitaine Traoré a dit que tout est urgent, qu’il faut aller vite. C'est dans cette dynamique qu'il devait s'inscrire », a-t-il indiqué. Et d’ajouter : « En principe, il ne devait même pas avoir le temps d'organiser des assises, encore moins de se faire investir président ».
« Les spécialistes en droit sont unanimes que c'est un forcing que les militaires font aux grands juges du Conseil constitutionnel. Vu le contexte, l'officier Traoré aurait dû faire l'économie de ce cinéma », a soutenu Ibrahima Traoré. Pour cet interlocuteur, il faut que le capitaine-président pose des actions fortes qui vont rassurer et donner davantage d'espoir aux Burkinabè. Ainsi, à son avis, le capitaine Traoré aurait dû se passer des assises, de l’investiture et même de l’ALT. « Ces questions d'assises nationales, d'Assemblée législative de Transition (ALT) et d'investiture vont contribuer à ralentir et à limiter sa marge de manœuvre sur le terrain. Il aurait dû faire l'économie de tout cela. Il allait alors être beaucoup plus opérationnel et efficace sur le terrain », a-t-il souligné.
Selon Larba Israël Lompo, président de l’association Œil d’Afrik, le coup d'Etat est déjà par essence une violation de la Constitution et cette prestation de serment est pour le nouvel homme fort du pays une manière de se réconcilier avec ladite Constitution. « Depuis la chute du mur de Berlin, la géopolitique a changé. Un président non reconnu par la Constitution, n'aura pas les mains libres pour exercer librement et légalement à un certain niveau le pouvoir d'Etat.
Mais on a l'impression que les violeurs de la Constitution par coup d'Etat ne se rendent compte de l'importance de celle-ci que lorsqu'ils veulent entrer eux-mêmes dans l'exercice du pouvoir d'Etat.
C'est alors qu'ils apprennent que pour être reconnus à un certain niveau des obligations de la nation et devant la communauté internationale, il leur faut se réconcilier avec cette loi fondamentale qu'ils ont violée par le pouvoir des armes. Voilà pourquoi on observe toute cette mascarade de prestations de serment avec l'ultime promesse de devenir le défenseur acharné de cette même Constitution », explique-t-il.
A son avis, cette prestation de serment de présidents issus de coups d’Etat est une manière de légaliser les coups d'État et c'est exactement pour ça qu'un coup d'Etat en appelle un autre. La loi fondamentale n'a de force que lorsqu'elle est loin des kalachnikovs. Ainsi, selon lui, l'armée burkinabè a besoin d'aller à l'école de l'armée sénégalaise. Car, dit-il, « on ne peut pas continuer à tolérer que la présidence continue à être le terrain de compétition du soldat le mieux entraîné ou le mieux équipé. Le véritable problème du Burkina Faso, c'est son armée qui pense que le pouvoir ne doit rester que dans les mains de ceux qui ont les armes parce que depuis les indépendances, elle ne cesse de traumatiser la Constitution, même si le politique civil aussi a failli », a longuement expliqué notre interlocuteur.
Selon le coordonnateur national de la Coalition nationale pour l’éducation pour tous au Burkina Faso (CNEPT-BF), Tahirou Traoré, dans un régime d'exception, une investiture comme celle du capitaine Ibrahim Traoré par le Conseil constitutionnel ne s'imposait pas. Mais étant donné qu'il y a une jurisprudence en la matière, on ne peut que faire le constat, selon M. Traoré.
Le monde des médias au Burkina Faso a célébré le jeudi 20 octobre 2022 la Journée nationale de la liberté de la presse. Pour le Professeur Serge Théophile Balima, outre des défis comme ceux relatifs à l’éthique, à la déontologie et au professionnalisme, il y a celui même de la sécurité du métier de journaliste qui est de taille. Faisant un rappel historique, le professeur titulaire de sciences de l’information et de la communication admis à la retraite depuis près de 8 ans raconte dans les lignes qui suivent les péripéties de la lutte pour la liberté de la presse au Burkina Faso.
Radars Info Burkina : A partir de quelle date la problématique de la liberté de la presse a commencé à se poser au Burkina Faso ?
Pr Serge T. Balima : Moi, je dirai que c’est même depuis les indépendances. Aussitôt que nous avons accédé à la souveraineté internationale, la question de la liberté de la presse s’est posée, d’abord à travers l’action syndicale qui devait être relayée à travers les canaux existants à l’époque. Ces canaux étaient d’abord officiels, mais à côté il y avait beaucoup de publications imprimées qui circulaient comme des feuilles d’information et permettaient aux militants d’accéder à l’information. Souvent ces publications faisaient l’objet de répression de la part du pouvoir, qui ne comprenait pas comment on pouvait promouvoir des informations qui remettaient en cause la pertinence de ses décisions dans certains domaines. Et au fur et à mesure, la presse privée est apparue avec le journal L’Observateur en particulier, qui a su s’affirmer sur la scène médiatique en ouvrant ses colonnes aux intellectuels. C’est une initiative qu’il faut saluer parce qu’à cette époque-là, les intellectuels écrivaient beaucoup. L’Observateur n’avait certes pas beaucoup de journalistes, mais ses productions étaient bien fournies grâce aussi à des interventions extérieures. Cette pluralité des idées de cet organe de presse lui a donné une certaine crédibilité à tel point qu’après la IIIe République sous la révolution, il y a une fraction relativement sectaire qui s’en est prise à ce quotidien. Evidemment cela a suscité l’émoi dans le milieu des défenseurs de la liberté de presse. Donc ça fait déjà quelques années, on peut le dire, que les gens se battent pour cette liberté de la presse, avec les Norbert Zongo par la suite et vous savez ce qui lui est arrivé, il a donné sa vie pour la liberté de la presse et depuis cette date le Burkina a fait beaucoup d’acquis et les pouvoirs ont compris qu’il fallait carrément céder cet espace à toutes les femmes et à tous les hommes qui ont des idées et qui peuvent contribuer à l’amélioration de la gouvernance.
Radars Info Burkina : Après Norbert Zongo, est-ce qu’on a d’autres icônes du domaine qui se sont battues pour la liberté de la presse, même si elles n’y ont pas laissé la vie comme lui ?
Pr Serge T. Balima : Je pense qu’il faut penser à un certain Boniface Kaboré, qui avait créé un hebdomadaire à son temps et qui essayait de faire passer un certain nombre d’idées, notamment des idées syndicales. Je pense que nous pouvons citer également le doyen Edouard Ouédraogo qui s’est battu pour cela. Et en ce sens, il a été soutenu par l’un de ces frères, en l’occurrence Martial Ouédraogo, qui était un industriel à l’époque et qui a accepté d’investir dans le journal. Il faut rendre hommage à tous ces grands hommes. Il y a également Boureima Jérémie Sigué qui s’est battu pour la liberté de la presse, qui a beaucoup souffert à un moment donné sous la révolution et a dû même s’exiler quelques années, mais l’appel patriotique à son niveau a été tellement fort qu’il est revenu au Burkina et a créé son journal, Le Pays. La nouvelle Constitution d’alors, celle de la IVe République, a permis à ce journal de surtout développer un certain nombre d’idées démocratiques et tout cela, je crois, a contribué à assainir et à agrandir l’espace médiatique.
Radars Info Burkina : Comment appréciez-vous le niveau de la liberté de la presse aujourd’hui au Burkina?
Pr Serge T. Balima : Aujourd’hui, la liberté de la presse au Burkina est même plus qu’acceptable. Il faut être réaliste. Il ne faut pas rêver d’une liberté absolue, ça n’existe nulle part au monde parce que l’espace de liberté est aussi un espace de pouvoir ; c’est un espace d’enjeux de pouvoir, de lutte permanente, à tel point qu’il faut toujours rechercher des compromis existentiels, parce qu’il y a des proues de pouvoir qui s’exercent sur les médias, donc il y a comme une lutte d’influence. Cela fait qu’on a l’impression que parfois, on veut limiter la liberté des journalistes, mais en réalité c’est une lutte pour la conquête du pouvoir. Alors, il faut l’accepter comme telle mais, de manière générale, on peut dire qu’au Burkina Faso, nous avons quand même la liberté de la presse. Mais c’est un terrain qui n’est jamais définitivement acquis, il faut rester vigilant, éviter de commettre des fautes professionnelles graves qui pourraient donner raison aux détracteurs de la liberté de la presse. Donc ce qu’il y a à faire, c’est de demeurer exemplaire, de respecter la déontologie, l’éthique dans bien des cas, pour donner plus de dimension, plus de grandeur au métier et à tous ceux et toutes celles qui l’exercent.
Radars Info Burkina : Quels sont les défis auxquels les médias burkinabè font face au quotidien ?
Pr Serge T. Balima : Le premier défi, pour moi, reste la question de la formation. Ce n’est pas parce que certains n’ont pas fait des écoles de journalisme qu’ils ne sont pas formés en tant que tels. Mais la formation en journalisme, il y a deux voies. On peut se former directement par l’école, mais on peut se former aussi sur le tas, à partir du milieu professionnel, mais à condition d’avoir des encadreurs rigoureux qui vous apprennent non pas seulement à lire et à écrire, mais aussi qui vous apprennent à accéder à des types de méthodes, notamment le doute méthodique qui est l’un des piliers de la profession, et qui vous donnent un certain nombre d’enseignements qui permettent à ces gens qui ne sont pas passés par l’école d’avoir plus de rudiments pour exercer le métier. Et ceux qui sont passés aussi par l’école doivent se dire que la formation n’est jamais achevée en journalisme. Chaque année, le journaliste doit donc toujours se former, c’est-à-dire se cultiver, s’instruire davantage, accroître ses sources d’informations et savoir les respecter, savoir les exploiter et ça, c’est une formation permanente dans laquelle doit s’inscrire tout journaliste qui exerce la profession. Le deuxième défi qui relève plus de la vertu et de la morale, c’est l’humilité. Le journaliste doit être humble parce que c’est un serviteur qui n’a pour boussole que ses lecteurs, ses auditeurs et ses téléspectateurs. Seuls compte pour lui, en priorité, ces différents acteurs de la société que je viens de citer, et non pas les pouvoirs établis. Et ce comportement, qui relève plus de l’éthique, n’est pas toujours très bien assimilé par certains, qui préfèrent suivre dans bien des cas, les lignes de pouvoir, plutôt que de suivre les lignes de la société. Et je pense qu’il y a un choix à faire de la part du journaliste et c’est de toujours choisir l’intérêt du plus grand nombre, l’intérêt de la société, c’est cela qui doit toujours primer. Le troisième défi à relever, il est d’ordres social et économique, c’est-à-dire comment faire pour que le journaliste qui accède à ce métier puisse avoir une carrière accomplie jusqu’à sa retraite. Ça veut dire que le métier doit être suffisamment sécurisé, pour qu’il y ait un plan de carrière pour les journalistes, pour qu’ils puissent non seulement se nourrir et s’occuper convenablement de leurs familles à partir des revenus obtenus par l’exercice de ce métier, mais aussi connaître une certaine évolution dans l’échelle sociale à partir de l’exercice de ce métier. Et ça, c’est un défi majeur qui fait que tant qu’il n’est pas vraiment relevé, le journaliste s’expose toujours à de petites corruptions et aux per diem, à la « recherche du communiqué final » comme on dit ; or cela est de nature à dénaturer la profession de journaliste.
La célébration de la 24e édition de la Journée nationale de la liberté de presse (JNLP) s’est tenue ce jeudi 20 octobre 2022 à Ouagadougou. Certains acteurs du secteur de l’information se sont prononcés sur l’état de la liberté de la presse. Un rapport a également été présenté sur l’état de la liberté de la presse en 2021.
La liberté de la presse au Burkina Faso semble en régression, le pays occupant le 41e rang sur 180, selon un classement de Reporter sans frontières. A l’occasion de la Journée nationale de la liberté de la presse, le rapport sur l’état de celle-ci courant 2021 a été présenté par le Dr Lassané Yaméogo, chercheur en information et communication au Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST). Selon lui, ledit rapport indique une régression sans précédent de l’indice de la liberté de la presse.
Ce recul est dû aux actes de violation de la liberté de la liberté de la presse. Par exemple en 2021, il y a eu l’assassinat de deux journalistes espagnols à l’est du Burkina Faso, dans l’exercice de leurs fonctions. Toujours en 2021, il y a eu l’enlèvement d’animateurs de radio à l’Est et au Sahel.
A cela s’ajoutent le saccage des installations de radios communautaires et la coupure d’Internet intervenue en novembre 2021 ainsi qu’en janvier 2022. Au-delà de tout cela, il y a la question du traitement salarial des journalistes parce qu’une formation de qualité suppose qu’évidemment celui qui la porte à la connaissance de l’opinion soit indépendant des pouvoirs établis, des lobbies et des forces politiques établies.
Malheureusement, il se trouve que le constat est qu’il y a une précarité qui met les journalistes dans une situation où l’exercice de la liberté de la presse se trouve un peu dévoyée. Face au contexte actuel du pays, il sied d’améliorer les textes et lois pour faciliter l’exercice du métier de journalisme, selon Abdoulaye Diallo. « Les nouvelles autorités disent qu’elles veulent aller vite et nous leur demander d’aller vite pour faire adopter ces textes et lois que nous avons relues pour empêcher les lourdeurs administratives dont elles parlent afin que les journalistes ne soient plus bloqués et qu’ils aient plus facilement accès à l’information pour faire leur travail ; car, la matière première du journaliste, c’est l’information. Donc il a besoin d’y avoir accès », soutient Abdoulaye Diallo.
A son avis, quand on permet aux journalistes d’exercer le métier librement, c’est une sorte de pression qu’on leur met. Ainsi, la meilleure façon, le meilleur service qu’on puisse rendre aux journalistes, c’est de créer les conditions de liberté d’exercice de leurs fonctions, créer un environnement favorable à l’exercice du métier.
Interrogé sur la liberté d’expression des journalistes burkinabè, Boureima Salouka, journaliste-formateur, estime que le journaliste burkinabè est assez libre mais certaines contraintes l’empêchent d’être totalement libre dans le sens d’exercer convenablement son métier au service des citoyens. Parmi ces contraintes, il y a les conditions matérielles dans lesquelles les journalistes évoluent avec des salaires qui ne permettent pas de s’épanouir tant individuellement que professionnellement. Il y a aussi l’arsenal juridique souvent qui empêche les journalistes de donner les meilleurs d’eux-mêmes avec des restrictions, notamment avec cette situation sécuritaire qui est fortement dégradée.
Enfin, il y a l’ensemble des contraintes liées à notre société où jusqu’à présent, nombreux sont des Burkinabè qui n’ont pas encore compris ce qu’est un journaliste, quels sont son rôle et son utilité. Ainsi, ils ont une tendance à vouloir régenter ces journalistes, à les menacer comme ce à quoi nous assistons ces derniers temps dans notre pays. Outre ces contraintes, d’autres facteurs entrent en jeu. En effet, selon Boureima Salouka, la situation est rendue difficile pour les journalistes en ce sens que la pratique journalistique au Burkina est beaucoup plus du journalisme institutionnel où malheureusement les hommes de médias sont à la remorque des autorités où les organisations de la société civile qui organisent à longueur de journée des conférences de presse où généralement il n’y a pas grand-chose à dire. Au regard de cela, « il faut que les journalistes se disent eux-mêmes que ce n’est pas aux autres de tenir le micro et la plume et d’écrire à leur place. C’est à eux de pouvoir déterminer c’est quoi une information, qu’est-ce qui est important, qu’est-ce qui mérite d’être sur la place publique », a-t-il souligné.
Cependant, « cela est rendu difficile dans un contexte où on a l’impression qu’il n’y a pas d’autorité directe qui s’adresse aux journalistes en ce sens qu’il y a des évènements qui se passent où les journalistes ont besoin d’informations mais il n’y a pas de répondant. Cela laisse place à la rumeur et à tout ce qu’il y a comme désinformation qui contribue malheureusement à tout ce que nous avons comme problème aujourd’hui ».
Pour améliorer les conditions de travail des journalistes burkinabè, Boureima Salouka pense qu’il y a beaucoup de choses à faire.
« Il y a beaucoup de choses à faire pour améliorer les conditions de travail des journalistes parce que ce n’est pas uniquement au niveau des autorités qu’on travaille à améliorer le cadre juridique d’exercice du métier de journalisme », a-t-il avancé.
Pour lui, l’ensemble de ceux qui sont promoteurs de médias doivent réfléchir à des modèles économiques qui soient beaucoup plus innovants et adaptés à la réalité de notre pays pour permettre à ces entreprises d’être viables mais pas être viables dans le sens que de faire du profit et ne pas être au service des citoyens parce qu’être journaliste, c’est être au service des citoyens.
Par ailleurs, les journalistes ont eux-mêmes un grand effort intellectuel à faire : celui d’être humbles, d’aller à l’écoute des citoyens et aussi d’accepter de s’engager à produire l’information de qualité de terrain et dans les langues nationales pour la majorité des citoyens qui ne comprennent pas français.
Son parcours n’est pas un fait du hasard ! Dès le lycée, elle évoquait son rêve ardent de devenir un jour journaliste. Fascinée par la prestance de son homonyme Vanessa Mariam Touré, ancienne présentatrice vedette de la télévision nationale, elle s’était éprise de cette profession d’Homme de médias. Radars Info Burkina rend en ce 20 octobre, Journée nationale de la liberté de la presse, hommage à l’une des rares rédactrices en chef d’une télévision privée burkinabè. Flash-back sur le parcours de Vanessa Cailly Diasso, journaliste de formation et de profession, chef de la rédaction de Burkina Info.
Candide, d'un tempérament calme, derrière sa relative timidité se cache une journaliste sympathique, cultivée et ouverte aux critiques. Dévouée à sa profession, Vanessa Diasso est une fierté dans le paysage audiovisuel du Faso, selon de nombreux journalistes et des patrons de presse. Son itinéraire force l’admiration. Après l’obtention de son baccalauréat série A4, elle dépose ses valises au Niger et suit une formation à l’IFTIC, l’Institut de formation aux techniques de l’information et de la communication. Elle y alliera théorie et pratique en faisant notamment ses armes à la radio-école.
En 2011 étudiante à l’ULB, l’Université libre du Burkina, au cours d’une visite académique dans une chaîne de télévision, Vanessa Diasso est émerveillée par les installations et l’ambiance au sein du personnel.
C’est en 2012, après plusieurs stages, que la passionnée du petit écran obtient son premier contrat professionnel à la radio Oméga à Ouagadougou. Elle n’en démord pas et estime qu’un journaliste peut et doit être polyvalent. Sur les ondes radiophoniques, elle se donne du temps pour parfaire son écriture journalistique et sa diction. Savoir se faire écouter, entendre et surtout comprendre requiert un apprentissage minutieux et pointu. Vanessa a une prédilection pour le terrain. Elle a encore en mémoire ses reportages dans les encablures de l’Assemblée nationale avant et après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 ayant renversé le président Blaise Compaoré.
La patience sourit aux ambitieux
Peu de temps après, elle fera partie des premières recrues en tant que journaliste reporter d’images (JRI) de la première et seule télévision d’information en continu à l’échelle nationale, Burkina Info. « Sur le plan professionnel, j’ai la chance d’avoir une franche et fructueuse collaboration avec mon Directeur général, Ismaël Ouédraogo, qui a un œil assez avisé sur le respect de notre ligne éditoriale. Il m’arrive par ailleurs de m’inspirer des productions académiques d’un aîné comme le Pr Serge Théophile Balima », affirme-t-elle. Maîtriser la caméra, réadapter l’écriture pour la conformer aux exigences des productions télévisuelles, elle y arrive avec dextérité. « Je devais également revoir ma garde-robe. Le code vestimentaire requis en radio n’est assurément pas le même en télé. L’apparence physique sur le petit écran est loin d’être un aspect à négliger», précise-t-elle.
A Burkina Info, elle reçoit en permanence le feedback des téléspectateurs. « Une fois j’ai présenté un journal et j’ai fait un petit commentaire avant de lancer un reportage relatif à des bébés siamois en difficulté. Un citoyen m’a confié qu’il a, par la suite, mobilisé spontanément son entourage pour une quête destinée à ces enfants », se remémore-t-elle. Des éloges, Vanessa en reçoit à la pelle, mais elle préfère humblement garder la tête sur les épaules.
Sa vie de journaliste n’est pas ponctuée que de journées heureuses. Elle doit affronter l’inattendu au gré du temps. Les risques liés au métier sont, de fait, quasi quotidiens. « Lors du putsch ayant porté le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba au pouvoir, le 24 janvier 2022, alors qu’avec un confrère nous filmions dans les environs du camp Sangoulé-Lamizana, des manifestants, dont des militaires en civil, nous ont interpellés sur un ton ferme et menaçant », se souvient-elle.
Rédactrice en chef et mère attentionnée
Depuis 2019, Vanessa Diasso est la rédactrice en chef de Burkina Info. Elle est au parfum de l’actualité et en quête permanente de scoops. Elle veille sur les productions de ses confrères et doit cumulativement présenter des sessions d’information et animer l’un des magazines phares de la télé, « 100% Info ». Ponctuée de reportages, d’entretiens et de débats parfois houleux, cette émission diffusée tous les dimanches de 19h à 20h30 sur Burkina Info est de plus en plus prisée par le public qui interagit avec la présentatrice sur sa page Facebook.
Mère de deux enfants, Vanessa Diasso nous a confié : « Ma fille aînée me suit souvent en direct à la télé. Par contre elle s’étonne que je sois parfois à la fois sur le petit écran et à la maison auprès d’elle. Je lui explique alors le principe de la rediffusion. Elle est une grande fan de sa mère. » Et d'ajouter : « Mon plus grand rêve est de réaliser de grandes prouesses dans la presse burkinabè afin d’être à mon tour un exemple pour de futurs confrères et consœurs. »
Estimant être dans la dynamique de l’apprentissage, elle s’est inscrite cette année à l’École supérieure de journalisme de Lille en France.
La 16e édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) a été reportée à une date ultérieure, selon un communiqué émanant du ministère de l’Artisanat, juste à une dizaine de jours de l’évènement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce report n’est pas sans conséquences pour les acteurs de cet évènement, lesquels le voient d’ailleurs d’un mauvais œil. Ceux à qui la rédaction de Radars Info Burkina a tendu son micro au lendemain de cette décision ministérielle disent espérer qu’une nouvelle date non éloignée sera rapidement trouvée afin de limiter le préjudice des exposants qui ont engagé de lourds investissements dans le cadre de cette biennale.
Le SIAO ne se tiendra plus du 26 au 6 novembre 2022. Ainsi en a décidé le ministère burkinabè de l’Artisanat, qui l’a fait savoir par un communiqué en date du 18 octobre 2022. L’absence d’un gouvernement en serait la raison, selon ledit communiqué. Une épine dans le pied de plusieurs exposants et acheteurs, qui pour certains trouvent que la raison invoquée est pas discutable.
« On vit ce report très difficilement », nous a confié Mme Zongo née Traoré Cécile, propriétaire de la boutique le Rônier, spécialisée dans les tee-shirts ethniques et la création artisanale. « Hier quand nous avons appris la nouvelle à la boutique on s’est tous assis par terre, tellement on était dépassé », a-t-elle poursuivi. Selon elle, les conséquences sont énormes, parce qu’il y a eu des engagements qui ont été pris de part et d’autre pour produire des articles à l’occasion du SIAO. A la question de savoir ce qu’elle avait engagé comme dépenses, Mme Zongo répond : « Je ne vais pas donner de détails mais c’est beaucoup de millions de F CFA. Toutes nos marchandises sont déjà arrivées, les stands également sont réglés ». Et de s’interroger : « S’il n’y a pas de SIAO, comment on fera avec notre marchandise ? Comment nous allons nous justifier auprès des banques qui ont accepté de nous accompagner ? »
Pendant que nous échangeons, un membre de l’administration du SIAO, reçoit un message vocal d’un acheteur allemand. Ce dernier lui confie que ses boutiques étaient vides et qu’elle comptait sur le SIAO pour se ravitailler. Avec le report elle n’était plus certaine de pouvoir y prendre part parce que son programme jusqu’en 2023 est déjà tracé. Selon le membre de l’administration qui a reçu le vocal, c’est un acheteur fidèle des différentes éditions du SIAO et à chaque SIAO, elle arrive avec plusieurs centaines de millions pour ses achats. Un autre membre de cette même administration abonde dans le même sens en ajoutant que les clients des artisans viennent en majorité de l’extérieur. Beaucoup d’acheteurs potentiels profitent du SIAO pour faire de gros ravitaillements, selon notre.
Pour Mme Zongo/Traoré Cécile, leur souhait était que les dates initiales qui avaient été annoncées soient respectées. Cela n’étant pas possible au regard des raisons avancées par le communiqué, elle souhaite que ce soit juste un décalage de quelques semaines afin l’évènement bisannuel se tienne le plus tôt possible. Néanmoins, elle plaint le sort des non-nationaux. « Pensez aux exposants qui viennent de l’étranger. Certains ont déjà leurs marchandises sur place, d’autres ont les leurs qui sont en train d’arriver. Que feront-ils si la nouvelle date n’est pas proche ? » se demande-t-elle. Elle nous a confié être à sa 7e participation au SIAO. « A chaque SIAO on a des contacts d’exposants et d’acheteurs avec qui on échange continuellement. Il y a un Marocain que je connais qui est venu la semaine dernière réserver environ huit stands ; sa marchandise est même déjà sur place. Ce dernier fait comment ? », se demande-t-elle. Elle souhaite alors que le Burkina garde à l’esprit que cet évènement a une notoriété internationale et tienne compte de cette donne. « C’est un salon qui est reconnu comme le plus grand salon artisanal en Afrique, il faut vraiment qu’on arrive à garder cette notoriété. Mais si on va d’annulation en report (2020 et 2022), ça va jouer malheureusement sur la notoriété de l’évènement et les années à venir on aura moins de participants », a-t-elle averti. Selon les services chargés de l’organisation de la biennale, toutes les conditions étaient réunies pour la tenue de la 6e édition. A la date du 18 octobre, ce sont près de 650 stands d’exposition, sur un total de 720, qui ont été pris par les exposants qui sont de 21 pays différents dont le Burkina Faso, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Madagascar, le Maroc, l’Algérie, le Japon, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, etc. Quant aux acheteurs professionnels, ils sont de 8 pays que sont le Canada, la France, l’Allemagne, le Japon, l’Angleterre, les Etats-Unis, la Suisse et la Belgique.
Les sympathisants du lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, en détention depuis janvier 2022, ont tenu une conférence de presse aujourd’hui, mercredi 19 octobre 2022, à Ouagadougou. Objectifs : attirer de nouveau l’attention des autorités politiques et judiciaires pour un traitement diligent du dossier Emmanuel Zoungrana et inviter la population à la solidarité morale envers l’accusé.Me Paul Kéré, membre du conseil de l’officier militaire, a pris part à cette conférence. En raison de la réaction peu courtoise de l’avocat à la question d’un journaliste, la conférence s’est terminée en queue de poisson.
Après la déclaration liminaire des sympathisants, lue par leur porte-parole en la personne d’Hervé Kiswensida Zoungrana, place aux questions des journalistes. Mais auparavant, Me Kéré s’est exprimé. Dès l’entame de son intervention, l’avocat du lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana a prévenu les journalistes qu’ils ne sauraient rien du contenu du dossier de son client parce que c’est un secret d’instruction qui doit être respecté en ces termes : « Je voudrais porter à la connaissance des journalistes que la procédure judiciaire est secrète et que vous ne saurez absolument rien du fond du dossier parce qu’il faut respecter le secret de l’instruction. »
Ensuite, l’auxiliaire de justice a dit sa disponibilité à répondre aux éventuelles questions des journalistes. « Je suis à votre disposition, au nom de la liberté de la parole de l’avocat. Je suis à votre disposition pour toute question que vous aurez à poser, sauf le fond du dossier que je ne vais pas évoquer avec vous » : tels ont été les propos de l’avocat Kéré avant les questions des hommes de médias.
Les deux premières questions, posées par un journaliste de la télévision BF1, ont porté essentiellement sur le refus de la chambre de contrôle du tribunal militaire d’accorder la liberté provisoire au lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana et la solidarité morale dont les conférenciers ont fait cas dans leur déclaration.
L’avocat a répondu à ces deux questions. Ainsi, il a dit attendre une décision favorable de la Cour de cassation le 27 octobre prochain qui, nécessairement, va « casser la décision de la chambre de contrôle du tribunal militaire » sur la question de la liberté provisoire de son client. Il entend donc saisir la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Abuja si jamais la Cour venait à donner un avis défavorable à la requête de mise en liberté provisoire de son client car, selon lui, un certain nombre de moyens ont été soulevés et lorsqu’une juridiction de fond ne répond pas à des prétentions, c’est un moyen de cassation.
Quand ce fut le tour du journaliste Sékou Zongo de la Radiotélévision du Burkina (RTB) de poser sa question, celui-ci, qui était à la porte au regard de la petitesse de la salle qui n’a pas pu contenir les journalistes, a voulu savoir le lien qui existe entre les conférenciers et le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana. Mais illico presto, la question a été qualifiée « d’inutile » par l’avocat, qui a même refusé d’y répondre et cela, de manière discourtoise.
De ce fait, on est en droit de se demander si la question du journaliste Sékou Zongo de la RTB, à savoir « quel lien existe entre les organisateurs de la conférence et le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana », n’est pas une interrogation qui touche le fond du dossier, au regard de la réaction de l’avocat qui l’a qualifiée d’inutile et a même refusé d’y répondre.
En tout cas le moins qu’on puisse dire, c’est que cette réaction de Me Kéré n’a pas du tout été du goût des journalistes, lesquels ont d’ailleurs unanimement, et de façon solidaire, décidé de quitter la salle.
Par ailleurs, alors que les journalistes vidaient la salle de conférences, Me Kéré exprimait aux conférenciers toute sa solidarité et disait être prêt à s’assumer. « Quelle est l’utilité de savoir la nature des relations entre le LCL Emmanuel Zoungrana et vous ? Je suis solidaire de vous et je l’assume », a-t-il-martelé.
C’est donc en queue de poisson que s’est terminée cette conférence de presse.
Au soir du 30 septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré et ses hommes ont déclaré avoir été trahis par le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba car celui-ci, malgré la dégradation de la situation sécuritaire, a relégué au second plan la lutte contre le terrorisme « au profit d’aventures politiques ». C’est ce qui a justifié le coup d’Etat, ont-ils dit, afin de poursuivre leur idéal commun, notamment la restauration de la sécurité et de l’intégrité du territoire. Ainsi, après sa désignation comme président pour conduire la transition, le capitaine Ibrahim Traoré sera-t-il en mesure de relever les défis du moment ? Quel espoir pour le Burkina avec le capitaine Ibrahim Traoré ? Ousmane Paré, journaliste et écrivain, a accordé une interview à Radars Info Burkina ce mardi 18 octobre 2022 sur le sujet.
Radars Info Burkina : Présentez-vous à nos lecteurs.
Ousmane Paré : Je suis Ousmane Paré, journaliste et écrivain.
Radars Info Burkina : Le 14 octobre, le capitaine Ibrahim Traoré a été désigné président de la transition lors des assises nationales. Ainsi, quel espoir peut-on avoir pour le Burkina avec le capitaine Ibrahim Traoré dans la lutte contre le terrorisme ?
OP : On espère parce que c’est notre pays, parce qu’il faut qu’il y’ait une solution. Mais je crois qu’il ne faut pas aussi tomber dans l’optimisme béat de beaucoup de personne juste parce que c’est un militaire. C’est la même chose que nous avons vue avec le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba. Donc de mon point de vue, l’attitude qu’il faut observer en pareille circonstance, c’est que personne à lui seul ne peut résoudre la crise à laquelle nous faisons face, quelle que soit sa bonne volonté. En outre, on n'impose pas à tout le monde d’aider quelqu’un parce qu’on pense que c’est la personne idéale. Il revient à la personne de trouver des moyens pour mobiliser l’ensemble des forces civiles et militaires autour d’elle pour réussir le combat.
De plus, c’est à la population de comprendre qu’elle a un rôle à jouer. Quand je dis un rôle à jouer, ce n’est pas l’admiration encore une fois insouciante : c’est le dernier rempart, donc il faut que tous, nous le soutenions, non ! Mais il s’agit de se dire que la personne a besoin de nos critiques, de nos observations. Elle a besoin qu’on lui indique le chemin à suivre. C’est ainsi qu’ensemble on pourra résoudre le problème. En même temps aussi, la situation est assez délicate parce que vous avez un militaire qui était au front, qui a laissé le front pour venir prendre le pouvoir à Kosyam. Cela induit plusieurs choses. En effet, il était avec des forces spéciales (les cobras) et on craint que ce ne soit la même chose avec Damiba qui avait amené des forces spéciales à Kosyam pour assurer sa sécurité.
Si le capitaine IB Traoré fait la même chose, ce sera encore grave parce que ça veut dire que toutes les unités qui ont été formées récemment pour aller au front seront en train de faire autre chose que la guerre. Aussi, ce n’est pas évident que ce soit demain la veille, pour que les forces spéciales rejoignent le terrain de façon efficiente. Et si les cobras reviennent à Ouagadougou, vous voyez le vide que ça laisse ! Quand on regarde la situation, on a des raisons d’avoir peur de ce qui va arriver demain.
Radars Info Burkina : Les gens ont tendance à comparer le capitaine Ibrahim Traoré à feu le capitaine Thomas Sankara. Les défis actuels sont énormes. Est-ce que le capitaine IB Traoré sera capable de relever ces défis avec une jeunesse qui veut aller vite et qui est très pressée de voir des résultats dans l’immédiat ?
OP : Il faut que le capitaine Ibrahim Traoré change, qu’il comprenne d’abord l’urgence, qu’il comprenne la pression qu’il y a sur lui, qu’il évite de faire la politique et qu’il fasse la guerre. C’est aussi simple que ça. J’entends des gens faire des comparaisons qui n’ont absolument rien à voir. Ce n’est pas parce qu’on est militaire qu’on est comme Thomas Sankara. Ce n’est pas parce qu’on a 34 ans qu’on est Thomas Sankara, et ce n’est pas parce qu’on a fait un coup d’Etat qu’on est Thomas Sankara. Le capitaine Ibrahim Traoré est un Burkinabè comme tout autre qui a pris le pouvoir pour des raisons qu’on ne connaît pas. Ce n’est pas parce qu’il a dit que Damiba a dévié qu’effectivement c’est pour cela qu’il a fait le coup d’Etat. Donc je crois que pour être utile au capitaine Traoré, c’est de mettre la pression, se dire qu’il n’y a pas de personne idéale, qu’il suffit seulement d’aider la personne, de la comprendre, non ! La personne a besoin non seulement de notre soutien, mais aussi de notre critique. Il faut que les gens se disent que le capitaine Traoré n’est pas différent des autres et que c’est ensemble qu’on va pouvoir résoudre le problème. Ensemble, parce que c’est à la population de s’organiser pour aussi indiquer le chemin à suivre à travers des mécanismes assez performants. Par exemple que l’Assemblée législative de Transition (ALT) qui sera mise en place ne soit pas une assemblée de réseau, une caisse de résonance du gouvernement qui sera mise en place. Mais que l’ALT soit capable de se mettre au-dessus du gouvernement pour critiquer quand il le faut, faire des observations quand il le faut.
Le coup d’Etat a eu lieu en fin septembre-début octobre. Ça fait pratiquement plus de deux semaines. Est-ce que vous voyez quelque chose sur le terrain ? Absolument pas ! Hier, avant-hier presque chaque jour, les gens continuent de mourir sur le terrain. Qu’est-ce qu’on fait par rapport à ça ? Ce n’est pas parce que c’est le capitaine Ibrahim Traoré qu’on ne doit pas lui mettre la pression ! C’est la même pression qu’on doit continuer à exercer sur lui en lui rappelant tous les jours que les gens continuent de mourir au front, que les gens sont en train de mourir de faim, que les organes ne sont pas sur le terrain pour mener le combat et qu’il n’a rien à faire à Ouagadougou, si ce n’est être au front. Et c’est là qu’il y a l’urgence, et c’est là où il est attendu. Donc ça veut dire qu’il doit aller plus vite, mettre en place un gouvernement et laisser les questions politiques aux hommes politiques et aller mener le combat.
La grande urgence, c’est la question militaire. Est-ce qu’aujourd’hui il sera capable de se mettre au-dessus de tous ses supérieurs hiérarchiques pour s’imposer afin de mener le combat ? Est-ce qu’il sera suffisamment crédible pour mener les hommes au front, pour faire en sorte que des forces spéciales comme les « mambas verts » du lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana aillent au combat, que ses hommes à lui, « les cobras » aillent au front ? Ou bien est-ce qu’il va créer de nouvelles unités ? Comment ça va se passer ?
Les dernières mesures que l’ancien président Damiba avait prises, notamment celles relatives au groupement central des armées, comment se fera le déploiement ? C’est ça, l’urgence aujourd’hui. On n’attend pas vraiment autre chose.
Encore une fois, moi je ne suis pas dans l’espoir béat, dans l’optimisme juste parce que c’est un jeune. Je le considère comme toute autre personne qui a fait un coup d’Etat pour des raisons qu’on ne connaît pas et à qui on demande tout simplement d’aller au front. Salif Diallo du MPP disait à ses camarades du parti qu’eux n’auraient pas la chance de fuir comme Blaise Compaoré. La chance que Damiba a eue, lui, Ibrahim Traoré, ne l’aura peut-être pas. Il faut donc qu’il se départe des questions politiques et qu’il aille au front pour mener le combat.
Radars Info Burkina : Le capitaine Ibrahim Traoré est un homme de terrain, un militaire qui ne maîtrise pas l’appareil politique. Est-ce qu’il ne sera pas influencé par les hommes politiques qui l’entoureront dans sa gestion, cela d’autant plus que souvent, ces derniers prennent des décisions dans leur propre intérêt ?
OP : Cela n’est pas à exclure. C’est pourquoi on lui demande de se mettre au-dessus de ces considérations, parce qu’il aura affaire à des hommes politiques. Il aura à gérer le pouvoir d’Etat ; or la gestion du pouvoir d’Etat est une affaire purement politique. Comment est-ce qu’il saura se mettre à l’écart pour s’occuper en priorité des questions sécuritaires ? Ce que les Burkinabè veulent, c’est la lutte contre l’insécurité. S’il se laisse manipuler, il va le payer cash comme Damiba. Mais s’il arrive à se mettre au-dessus de la mêlée et à satisfaire les populations, il sortira grandi.
L’une des décisions issues des assises nationales tenues le 14 octobre 2022 à Ouagadougou est l’exercice d’un mandat gratuit pour les députés. Au lendemain de ce conclave, Radars Info Burkina a recueilli les avis d’Abdoulaye Tao, directeur de publication de l’hebdomadaire économique L’Economiste du Faso, et d’Ibrahima Traoré, président de l’Association des citoyens leaders (ACLE).
Pour Abdoulaye Tao, directeur de publication de L’Economiste du Faso, le fait de ne pas rémunérer les députés de la transition permet de dépolluer l’Assemblée de ceux qui y vont juste pour les avantages du poste. Maintenant, il faudra regarder le profil de ceux qui seront désignés, à savoir si ce sont des hommes et des femmes capables d apporter un plus au débat parlementaire.
De plus, selon lui, cela participe à la réduction du train de vie de l’État dans une certaine mesure tout en rappelant que nous sommes dans un pays en guerre et en transition. « C’est un sacrifice qu’on leur demande. Et j’espère que le nouveau gouvernement en tiendra compte également », a-t-il souhaité.
A la question de savoir le profil qui pourrait être le mieux apte pour prendre les rênes de la présidence de l’Assemblée législative de transition, voici sa réponse : « Qu’importe d’où il vient, pourvu qu’il fasse ce que la loi lui permet de faire : entre autres, contrôler l’action du gouvernement , voter des lois adéquates qui nous permettent de préparer l’après-transition», a-t-il conclu.
Selon le président de l'Association des citoyens leaders (ACLE), Ibrahima Traoré, il faut les bonnes personnes à la place qu'il faut. Et la gratuité du mandat des députés peut contribuer à avoir ceux qui viennent pour servir véritablement la nation. « Nous sommes très contents de cette décision des Assises nationales. Du reste, nous avions décrié et dénoncé le fait qu'ils soient rémunérés à la sortie des assises sous l'égide de lieutenant-colonel Damiba. Nous le disons et nous le répétons : tant qu’il y a l'argent en jeu, rarement vous obtenez les bonnes personnes. Très souvent, les gens ne viennent pas pour servir mais pour se servir. C'est lorsqu'il n'y a pas à manger que ceux qui viennent pour servir trouvent de la place. C'est la réalité de notre pays. Et c'est triste et malheureux. Quand tu les vois crier sur tous les toits, soit on a mangé les laisser, soit ils lorgnent un intérêt égoïste quelque part. C'est ce qui doit nécessairement changer », a-t-il souligné.
Cela ne va-t-il pas impacter le choix des députés et leur efficacité dans le travail ? « Pas du tout. Au contraire, ce rendez-vous avec l’histoire ne doit plus être monnayé entre copains politiques et OSC », répond Ibrahima Traoré. Et d’ajouter : « Nous estimons que les frais de session vont leur permettre de tenir et de bien conduire les activités de législation sous la transition ».
« Si c'était cela l'objectif, c'est mieux de gouverner par ordonnance. C'est juste dire aux gens que cette transition va être différente de celle de M. Damiba et de celle de 2014.
Ils vont venir pour travailler et non pour se remplir les poches et préparer les joutes électorales d'après-transition », scande M. Traoré à la question de savoir si l’objectif de cette décision était de réduire le train de vie de l’État.
Mais ce mandat gratuit ne va-t-il pas occasionner des détournements de fonds ? « Non », telle a été la réponse du président de l’ACLE.
« Nous ne le pensons pas. Il y a des détournements de fonds qui se faisaient bien que les mandats soient rémunérés. Si détournement il y a, cela n’est nullement lié à la gratuité du mandat. Peut-être que certains peuvent avoir le malin plaisir d’occasionner des sessions ou de jouer sur la durée de session pour espérer bénéficier davantage de frais de session. Sinon, nous ne voyons pas ce que cela peut entraîner en termes de détournements de deniers publics », a-t-il soutenu.
« Le seul baromètre pour nous, c’est d’être animé d’une ferme volonté de changement radical, d’avoir le sens du sacerdoce, d’avoir une conviction de doter ce pays de réformes structurelles, de lois et d’institutions à même de faire du Burkina Faso un État-nation. Les gens souffrent, il faut un changement fondamental et susciter l'espoir au sein de la population et surtout de la jeunesse qui croupissent dans le désespoir total en voyant leur pays disparaître sous l’emprise du terrorisme », a-t-il terminé.
Le Système éducatif burkinabè est confronté à plusieurs problèmes. Tahirou Traoré, coordonnateur national de la Coalition nationale pour l’éducation pour tous au Burkina Faso (CNEPT-BF), en dépeint certaines des réalités.
Selon lui, les problèmes rencontrés par notre système éducatif sont de trois ordres qui sont : le problème d’accès, la qualité et enfin le problème de gouvernance.
D’abord l’accès à l’éducation constitue le premier problème. Il est vrai que des efforts ont été faits par le gouvernement pour améliorer et accroître l’accès de tous les enfants, sans distinction de sexe, à l’école. Mais aujourd’hui le Burkina a un taux d’alphabétisation d’environ 54%. Ainsi, jusqu’à présent, près de la moitié des enfants burkinabè n’ont toujours pas la chance d’aller à l’école, explique Tahirou Traoré.
Ensuite, le deuxième problème est relatif à la qualité de l’éducation avec son corollaire de problème d’achèvement, ce qui démontre que la qualité des apprentissages ne permet pas à tous les enfants d’avoir la moyenne qu’il faut pour passer d’un cycle ’’A’’ à un cycle ‘’B’’.
En effet, les taux d’achèvement sont bas. Au niveau primaire, par exemple, pour les enfants de 6-7 ans qui entrent à l’école, le taux d’achèvement est d’environ 62%. C’est dire que sur 100 élèves qui entrent au Cours préparatoire première année (CP1), environ 63 parviennent au Cours moyen deuxième année (CM2) et près de 40 élèves n’atteignent pas le CM2.
Au niveau du post-primaire, c’est-à-dire de la 6e à la 3e, sur 100 élèves qui entrent en 6e, seulement 36 atteignent la classe de 3e, soit un taux d’achèvement de 30 à 40%.
Au niveau secondaire, sur 100 élèves inscrits en seconde, il n’y a que 20 qui arrivent en classe de terminale. Ces taux d’achèvement relèvent de l’efficacité interne.
Pour ce qui est de l’efficacité externe (la fin du cycle), la plupart des apprenants, même ceux ayant un niveau universitaire, n’ont pas de compétences réelles pour se prendre en charge dans la vie à cause des enseignements basés sur la théorie. Donc le système d’enseignement au Burkina constitue en lui-même un problème.
Hormis ce taux d’achèvement, les taux de succès aux examens sont aussi faibles. A l’école primaire, les élèves n’ont plus la moyenne et cela se perçoit en dents de scie au fil des années.
Par ailleurs, au niveau de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle, il n’y a pas de chiffre aujourd’hui qui indique le nombre d’adultes alphabétisés sur les effectifs globaux de la population. Or chaque année, à peu près les mêmes personnes sont alphabétisées et ces dernières tombent rapidement dans l’illettrisme, c’est-à-dire l’analphabétisme de retour (ils ont appris mais comme ils ne travaillent pas avec ce qu’ils ont appris, ils retombent à zéro).
« L’Etat burkinabè a opté de faire faire », souligne M. Traoré. « Au lieu que l’Etat lui-même prenne en charge l’alphabétisation comme dans le système formel, ce sont les opérateurs en alphabétisation qui prestent pour travailler à sa place et il n’y a pas de suivi pour s’assurer que les choses se passent comme il se doit. Tout ce qui a été englouti comme milliards en 2-3 ans, c’est de l’argent qui a été dépensé pour rien ».
Enfin, le problème de gouvernance couronne le tout. En effet, selon le coordonnateur, tout ce qu’on constate comme inefficacité est dû aux choix politiques, à la gouvernance. « Quand on ne fait pas de bons choix, on a le plus souvent des difficultés et c’est au niveau des politiques éducatives », a-t-il déclaré.
Par exemple il y a eu le Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) qui a couru de 2000 à 2010. Son objectif était d’accroître l’accès à l’éducation. A ce niveau l’on peut dire qu’il y a eu des progrès car le taux d’alphabétisation est passé de 40% à 70%, souligne-t-il. Cependant en termes de qualité, il y a eu une grande perte, déplore-t-il.
De 2012 à 2021, le Programme de développement stratégique de l’éducation de base (PDSEB) a été mis en place. Son objectif, c’était d’améliorer la qualité de l’éducation mais les indicateurs ont plutôt chuté, à en croire le coordonnateur Traoré.
Par exemple en français, le nombre d’élèves qui peuvent obtenir la moyenne sur 100 apprenants n’atteint pas 50%. En mathématiques c’est encore pire, selon Tahirou Traoré, car dans les classes de 6e et 5e, 28% seulement peuvent avoir la moyenne.
Pour lui, ces difficultés sont liées à la gouvernance, c’est-à-dire au choix des politiques, à leur mise en œuvre, à la coordination et au suivi-évaluation. « Il n’y a pas de cohérence entre les défis du système éducatif burkinabè et les activités qui sont retenues pour être mises en œuvre.
Le budget de l’éducation a été multiplié à l’infini alors que dans le même temps sa qualité chute de façon vertigineuse. Les ressources allouées à l’éducation sont dépensées dans des activités qui ne permettent pas d’améliorer la qualité de l’éducation. Beaucoup d’argent est investi pour peu de résultats », a conclu Tahirou Traoré, coordonnateur national de la Coalition nationale pour l’éducation pour tous au Burkina Faso.