« Nous essayerons de voir si c’est possible qu’on joue sur le prix du carburant parce que tout est basé sur cela. Si le prix du carburant augmente, tout augmente. Tout fonctionne à partir du carburant. Nous essayerons de voir (….) si c’est possible de réduire le prix, afin de relancer l’économie ». C’est ce qu’avait déclaré le Premier ministre, Me Apollinaire Joachimson Kyélem de Tambèla, après sa nomination, le dimanche 23 octobre 2022, au cours d’une interview accordée à radio Oméga en réponse à une question sur le faible pouvoir d’achat des Burkinabè et les mesures urgentes qu’il prévoyait. Mais, depuis la formation du gouvernement Kyélem le 25 octobre 2022, nous assistons à une inflation de plus en plus croissante et la plus récente est l’augmentation du prix du Super 91. Toutes les actions semblent être orientées vers la lutte contre l’insécurité. La lutte contre la vie chère ne contribue-t-elle pas à la lutte contre l’insécurité ? Quelles mesures peuvent être prises en vue de réduire la vie chère au Burkina et d’alléger la souffrance des populations ? Que disent les défenseurs des consommateurs face à la nouvelle augmentation du prix de l’essence et au silence du gouvernement sur la vie chère ? Le président du Réseau national des consommateurs du Faso (RENCOF) et celui de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB) se prononcent.
Pour Adama Bayala, président du Réseau national des consommateurs du Faso (RENCOF), elle est insoutenable, inexplicable et « indigérable », cette nouvelle augmentation du prix de l’essence car en un an, le même régime a augmenté de 235 F les prix des hydrocarbures alors que le coût du baril a connu une baisse au niveau international. Ces augmentations ont pour conséquences l’augmentation des prix des transports et des prix des autres produits, la réduction du pouvoir d’achat des citoyens, l’exacerbation de la misère, l’explosion de la pauvreté et l’accroissement de la souffrance des populations, qui n’en peuvent déjà plus.
Sur la question de la lutte contre la vie chère, « nous avons la faiblesse de croire que toutes les actions de la présente transition semblent orientées vers la lutte contre le terrorisme, avec le redimensionnement des objectifs, des missions, au-delà des aspects sécuritaires, pour prendre en compte les aspects sociaux et humanitaires. Aujourd’hui, c’est une vérité de dire que l’inflation va précipiter le ralliement de nombre de citoyens aux terroristes parce que le visage des acteurs du terrorisme a changé, ce qui fait qu’on constate dans leurs rangs des nôtres qui, hier seulement, critiquaient, dénonçaient, fustigeaient le terrorisme. C’est du fait de la pauvreté qu’aujourd’hui, de nouveaux acteurs grossissent les rangs des terroristes. J’ai bien peur que nos autorités ne contribuent à nourrir le terrorisme, car c’est une vérité de dire que la lutte contre la vie chère contribue à la lutte contre le terrorisme. Malheureusement les autorités ne semblent pas l’avoir compris et perçu », a déclaré le président du RENCOF. « Nous sommes contre cette dernière augmentation et invitons le gouvernement à surseoir à cette mesure », a-t-il martelé.
De ce fait, il invite les autorités à procéder à un audit de la SONABHY, à situer les responsabilités pour que les auteurs de malversations en répondent. Il faut, toujours d’après lui, nationaliser le pan relatif au transport à la SONABHY.
« La SONABHY collabore aujourd’hui avec 2000 véhicules appartenant à des partenaires qui engrangent par litre 53F. Ainsi, les 11 millions de litres de carburants vendus sur le territoire burkinabè donnent au total 585 millions FCFA par jour, 17 milliards par mois et plus de 200 milliards par an », a-t-il affirmé. Pour lui, il y a une forme de déperdition et de dilapidation des ressources publiques, un manque à gagner.
« Il faut demander aux sociétés d’Etat comme l’ONEA et la SONABEL de s’acquitter de leurs factures. Il faut également que les autorités fassent montre de sagesse, de clairvoyance pour rassembler autour d’elles l’ensemble des acteurs et partenaires sociaux pour envisager des solutions consensuelles », a terminé Adama Bayala.
Selon le président de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB), Dasmané Traoré, il y a une inflation jamais égalée au Burkina et les dispositions ne sont pas effectivement prises par l’Etat de façon à atténuer la situation ou à suivre les décisions que l’Etat lui-même prenait de façon à ce que le consommateur puisse éventuellement bénéficier de cette assistance pour pouvoir résister.
« Par le passé, nous avons travaillé à arrêter un prix à ne pas dépasser pour l’ensemble des produits de première nécessité, en allégeant les taxes liées aux produits de grande consommation avec le ministère du Commerce, celui des Finances, les syndicats, les associations des importateurs, la Douane. En juin 2022, l’Etat, après concertations avec tous les acteurs concernés, avait pris la décision d’atténuer un tant soit peu la souffrance des consommateurs en injectant 14 milliards de FCFA. Mais jusqu’aujourd’hui nous ne savons pas si cette somme a été effectivement injectée car nous continuons de subir l’inflation, et l’augmentation récente du prix de l’essence en est une preuve », indique Dasmané Traoré.
« Nous n’avons jamais constaté une baisse des prix ; bien au contraire, l’inflation va de plus belle. C’est pourquoi nous souhaiterions que l’Etat veille à retrouver les 14 milliards de FCFA, si effectivement ils ont été débloqués, et à les réinjecter là où il faut », a-t-il conclu.
Flora Sanou