Après Alidou Sawadogo, conseiller des affaires étrangères et bras droit du général Djibril Bassolé, c’est Noël Sourwema, fonctionnaire du ministère de la Communication à la retraite et ancien secrétaire général de la section Kadiogo du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui était à la barre ce 29 janvier en qualité de témoin dans le cadre du putsch de septembre 2015. Acquitté après avoir passé un an et deux semaines derrière les barreaux, cet ancien cadre du CDP a été cité par le parquet militaire pour confirmer ou infirmer sa thèse selon laquelle l’ex-député du CDP Salifou Sawadogo a organisé la mobilisation au niveau du monument des Martyrs le 17 septembre 2015 pour soutenir le RSP.
Qui a demandé la mobilisation des partisans et sympathisants du congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) le 17 septembre 2015 au monument des Martyrs afin de soutenir le coup d’Etat perpétré la veille contre les autorités de la Transition ? Selon Noël Sourwema, secrétaire général de la section Kadiogo du CDP au moment des faits, c’est l’ex-député Salifou Sawadogo, alors 4e vice-président du parti chargé des relations extérieures et coordonnateur provincial des élections, qui lui a demandé d’envoyer des messages à la base pour sonner la mobilisation, car il avait quelque chose de très important à dire. Toujours selon ses explications, cela s’est fait après les deux réunions du 16 septembre des cadres du parti au siège afin de peaufiner la liste pour les législatives, eu égard au fait qu’à cause de la loi dite Chériff , certains candidats étaient exclus du jeu électoral qui s’annonçait à grands pas. Il note que c’est au cours de ces rencontres que le député Salifou Sawadogo a donné l’information du putsch, qui était toujours en cours. Il affirme que le 17 matin, il s’est rendu, comme le souhaitait le 4e vice-président, au monument des Martyrs pour écouter son message, mais qu’il en est reparti bredouille, car le député a souhaité faire un tour dans le quartier avant de revenir pour son message. Il explique que c’est pendant qu’il attendait qu’un militant du parti du nom de Moussa Nikièma s’est mis à battre violemment deux jeunes anti-putsch. Sidéré, il serait retourné chez lui sans avoir attendu l’homme politique pour écouter son message en question. Pour lui, il n’est victime que de sa casquette au moment des évènements. « Depuis 2006, je suis le responsable provincial du parti et c’est cette responsabilité qui m’amène tout simplement à la barre ce matin », note-t-il.
Confronté à ces déclarations de son camarade politique, l’ex-député du Kadiogo, appelé aussi à la barre, a nié les faits et affirmé que son ami politique d’hier cherche tout simplement à le noyer afin de se blanchir totalement. « Le rassemblement du 17 septembre 2015 est le fait de Noël Sourwema en sa qualité de secrétaire général de la section Kadiogo. C’était une réunion provinciale », a-t-il martelé avant d’expliquer : « Sur la base des différents P-V et sur ce qu’il vient de dire à la barre, il y a des contre-vérités… Il y a une volonté manifeste de celui-ci de dissimuler ou de faire le black-out sur la réunion du 16 septembre 2015 dans la soirée, qui a pourtant son importance. C’est une volonté manifeste de se dégager et de reporter toute la responsabilité sur ma personne. C’est autour de l’exclusion et de la destruction des biens qu’il a convoqué la réunion du 17. Monsieur Sourwema, dans un de ses P-V, reconnaît avoir envoyé des messages aux militants et dès qu’on a parlé de l’incendie du domicile de Salifou Diallo, il nie avoir organisé la mobilisation des camarades. Dans la pièce i557, il reconnaît avoir reçu un message du bureau politique national et l’avoir transféré aux sous-sections pour la mobilisation du 20. Pourtant à la barre ce matin, il nie cela. Lorsqu’il dit que la réunion du soir du 16 était destinée à régler la question des listes, c’est archifaux, car cela avait déjà été réglé dans la matinée. A cette rencontre informelle, il a été essentiellement question de la protection des domiciles des cadres du parti eu égard à ce qui s’était passé pendant l’insurrection populaire. Dix millions de francs CFA ont alors été remis à Noël Sourwema pour régler cette question à l’échelle provinciale. Il y a des contre-vérités qui cachent probablement une fuite de responsabilité ».
Toutefois, ce témoin appelé à la barre par le parquet ne reconnaît pas avoir pris une telle somme à une telle fin. Il explique n’avoir été confronté qu’à deux enveloppes depuis les évènements. « A la MACO, j’ai reçu la visite des députés du CDP. Outre l’enveloppe que ces derniers nous (l’ensemble des détenus CDP) ont laissée, Salifou Sawadogo m’a glissé une enveloppe de 500 000 francs CFA pour l’ensemble des détenus. Nous étions dix, donc après le partage, chacun a bénéficié de 50 000 francs CFA. Après ma libération, il est venu chez moi et il m’a remis 200 000 francs CFA, car le lendemain, les camarades du parti voulaient venir me saluer pour ma libération. Après il est venu me voir pour savoir ce que j’avais eu à dire lors de mes dépositions afin qu’il puisse s’aligner, au besoin, sur mes dires pour ne pas faire couler le parti. Il voulait aussi savoir si au cours de mes auditions, on a fait mention de circulation d’argent », a-t-il affirmé la main sur le cœur.
A la question du parquet de savoir si ces dons d’argent pouvaient être une façon pour le député d’acheter son silence, Noël Sourwema a répondu que cela était possible et était donc une hypothèse à ne pas exclure. Toute chose qui a indigné le « bon samaritain » qui estime alors avoir été victime et piégé par sa générosité et son esprit de solidarité et d’entre-aide. « Concernant les 500 000 francs CFA, c’est à titre personnel que je les ai remis au camarade Sourwema sans en parler à la délégation par modestie, car j’étais le seul député Kadiogo en son temps. J’ai estimé que beaucoup de cadres du parti étaient en prison, alors qu’ils ont beaucoup travaillé pour le parti ; travail dont j’ai aussi bénéficié, donc j’ai remis cette somme par devoir de solidarité. Idem pour les 200 000 francs CFA. Je les ai fait sortir de ma poche pour aider le camarade Sourwema à offrir l’eau aux camarades qui devaient venir le saluer. Pour moi, quelqu’un qui est sorti de prison n’a rien, pourtant moi je suis en poste, donc je peux aider. Comme c’est ainsi, j’espère qu’un jour, il aura l’occasion de me les remettre, car je suis sidéré par ce que j’entends. Il ose dire que c’est possible que je lui aie remis cette somme pour acheter son silence ! Je suis sidéré », répète-t-il indigné avant d’ajouter : « Je note une façon de plonger un camarade. J’étais le coordonnateur pour les élections et non le coordonnateur pour un coup d’Etat. Je suis content que Sourwema s’en soit tiré, mais qu’il dise la vérité ».
C’est donc une véritable bataille d’éléphants qu’il a été donné de voir ce mardi au tribunal militaire de Ouagadougou. Deux caciques du même parti politique, deux amis politiques qui se déchirent devant tous. Ne dit-on pas que lorsqu’une pierre tombe du ciel chacun se protège la tête ? Quoi qu’il en soit, de toutes ces déclarations contradictoires, c’est au tribunal de savoir distinguer le bon grain de l’ivraie afin que la vérité soit connue et la loi appliquée dans toute sa rigueur.
Candys Solange Pilabré/Yaro