« Quand un peuple a conscience de la gabegie qui règne dans la gestion de son patrimoine, il éprouve de la réticence à concéder une partie, si infime soit-elle, de son labeur pour l’achat d’armement adéquat à la riposte… Dès leur déclaration de biens, la probité de nombreux acteurs politiques burkinabè est entachée.»
Un remaniement ministériel ? Plutôt un réajustement technique, quand on prend en compte le mouvement des ministres sortants et entrants. En dépit de sa « détermination », le départ du désormais ex-Premier ministre Thiéba n’était plus qu’un secret de Polichinelle dans les arcanes du pouvoir. Le Burkina Faso post-insurrection a fini par s’agacer des mesures promises par l’apôtre Paul Kaba. Le président Roch Marc Christian Kaboré a donc fait appel à une vieille connaissance dont on ne dit, pour l’instant, que du bien. Si les noms déterminent la destinée des peuples, avec Christophe Marie Joseph Dabiré, le pays des hommes intègres sera un eldorado. Comme Moïse, le général Minougou conduira alors son armée et le peuple vers la terre promise. Malheureusement, en dépit des prières et des différentes incantations de toutes les religions, de pauvres âmes innocentes continuent d’être les victimes des balles assassines de criminels agissant sous le couvert d’un prétendu djihad.
« Aide-toi, le ciel t’aidera », dit-on. Chériff Sy, journaliste de profession, après avoir occupé le perchoir sous la transition politique et s’être vu propulser au poste de haut représentant du président du Faso, est aujourd’hui le tout-puissant ministre d’Etat de la Défense. Une décision surprenante ? Pas vraiment. S’il est vrai qu’il est le fils du général Baba Sy, dont un camp militaire de Ouagadougou porte aujourd’hui le nom, sa désignation ne saurait toutefois être réduite à des considérations consanguines. En rappel, lors du putsch perpétré par Gilbert Diendéré, aucun élément du Régiment de sécurité présidentielle n’a pu mettre la main sur Chériff. Pourtant, cette unité, disait-on, était experte dans le renseignement. Mieux, il a appelé le peuple à la résistance à travers une radio fantôme. Comme s’il possédait le don d’ubiquité, il semblait être partout à la fois. Radical dans certaines prises de décision, il va lui falloir toutefois plus qu’une tenue blanche pour faire régner l’ordre et la paix au Burkina Faso. Son prédécesseur était transparent dans les actions contre le terrorisme et scandaleusement scintillant dans l’immobilier.
Le principal challenge du « nouveau ancien » gouvernement burkinabè sera de gouverner par l’exemple. En somme, on ne peut pas exiger des populations qu’elles serrent la ceinture tandis que les autorités, bénéficiaires d’une kyrielle de prérogatives, continuent de flotter dans des Faso danfani richement brodés. La réduction du train de vie de l’Etat est donc impérative. Comment exiger le paiement des impôts si l’effort du contribuable est dilapidé dans des dépenses de prestige ? Les Burkinabè sont conscients qu’il leur faut plus qu’un supplément d’âme pour lutter contre la nébuleuse terroriste. Pour mieux équiper l’armée, le budget de l’Etat reste dérisoire. Les grandes batailles ont été remportées grâce à l’effort de guerre consenti par les populations. Quand un peuple a conscience de la gabegie qui règne dans la gestion de son patrimoine, il éprouve de la réticence à concéder une partie, si infime soit-elle, de son labeur pour l’achat d’armement adéquat à la riposte. Il en est de même pour tout ce qui touche au civisme. Le comportement des citoyens est, le plus souvent, proportionnel à la perception qu’ils ont de leurs dirigeants. Et le fait est que dès leur déclaration de biens, la probité de nombreux acteurs politiques burkinabè est entachée. Pour rétablir l’autorité de l’Etat, il convient que les gouvernants soient crédibles et dignes. Le terrorisme adore le désordre. Il recrute ses adeptes à la source des élucubrations et des tergiversations dans la gouvernance.
Boubié Richard Tiéné