jeudi 21 novembre 2024

Formation du nouveau gouvernement : « Ce gouvernement doit éviter les nominations de complaisance, par copinage et calculs politiques, et ce dans l’intérêt du peuple burkinabè », Serge Bambara, alias Smockey

int smokLe lundi 21 janvier 2019, la page Paul Kaba Thiéba était définitivement tournée, avec la nomination de Christophe Joseph Marie Dabiré comme Premier ministre du Burkina Faso. Trois jours après la désignation de ce dernier, le peuple burkinabè est toujours dans l’attente de la formation de la prochaine équipe gouvernementale, qui devra faire face à une fronde sociale sans précédent, notamment dans le secteur de l’éducation, et à une situation sécuritaire marquée par la recrudescence des attaques terroristes. Des ingrédients qui pour Serge Bambara, alias Smockey, rappeur, acteur et militant politique burkinabè, vont donner du fil à retordre au nouveau chef de la primature. Au micro de Radars info Burkina, l’activiste n’a pas manqué d’exprimer ses doutes sur la capacité du nouveau PM à faire face à cette pression sociale. Pour lui, l’attente des Burkinabè devra donc être récompensée par des choix justes et stratégiques dans la formation du gouvernement.

Radars info Burkina : Comment appréciez-vous la nomination de Christophe Joseph Marie Dabiré au poste de Premier ministre du Burkina Faso après la démission de Paul Kaba Thiéba ?

Serge Bambara : Déjà, je lui adresse mes félicitations. Je parle en mon nom propre, donc ce que je dis peut plaire ou pas. Je dis et je répète qu’au regard des deux postes ministériels que M. Dabiré a occupés sous l’ancien régime, à savoir ceux de la Santé et l’Education, et au vu de son bilan pas forcément glorieux au même titre que tous ceux qui sont comptables de la gestion du pays avant l’insurrection, je ne vois pas ce qu’il pourra apporter de nouveau dans ce gouvernement. Cela, je n’ai jamais cessé de le dire, contrairement à certains de mes détracteurs qui disent que c’est un revirement de ma part. Je me souviens que lors de sa gestion de l’éducation et de l’enseignement, il avait dû concéder une année blanche sous la pression sociale. Or, s’il y a un gouvernement qui a besoin de résister à la pression plus que tout autre, d’un point de vue historique, c’est bien le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré. Résistera-t-il à toutes ces pressions, lui qui n’a pas su le faire précédemment ? Permettez-moi d’en douter, car comme le disait quelqu’un, la pensée naît du doute et qui sait le plus doute le plus. Au demeurant, comme c’est à l’œuvre qu’on juge le travailleur, j’ose simplement espérer que M. Dabiré me fera mentir dans l’intérêt du pays.

int smok2RIB : Au regard du climat actuel, il est clair qu’il hérite de beaucoup de patates chaudes, notamment dans le secteur de l’éducation et, vous l’avez rappelé, la tache noire de son passage au ministère de l’Education est sans conteste l’année blanche dans les années 2 000. Eu égard aux remous actuels dans le monde de l’éducation au Burkina Faso, faut-il encore craindre une année blanche vu que celui qui avait eu à invalider une année autrefois est de retour aux affaires ?

SB : Aujourd’hui, je pense que tout est possible car il y a un mélange de plusieurs crises. Toutefois, j’ai ouï dire dans les bruits de couloirs (même si je ne sais pas si vrai) qu’il aurait été nommé pour justement contenir la fronde sociale en ébullition. S’il arrive à le faire, tant mieux. Mais, il ne faudrait pas ignorer que ce n’est pas le seul problème de ce gouvernement : il y a aussi les questions de justice, de sécurité qui sont en suspens. Il y a tellement de choses à faire que je pense que le Premier ministre va devoir se retrousser les manches.

RIB : « Le pouvoir du MPP est obligé d'aller chercher son Premier ministre parmi les cadres de l'ancien régime qu'il vilipende » par manque de cadres en son sein. C’est ce que pense l’opposition politique, notamment l’ancien parti au pouvoir (le CDP) après cette nomination de Christophe Joseph Marie Dabiré au poste de Premier ministre. Êtes-vous du même avis ?

SB : Je pense que ce pays a maintenant besoin qu’on rafraîchisse l’offre politique. Tout comme je pense que les gens du MPP n’ont pas de leçons à donner aux anciens avec lesquels ils ont collaboré, ceux du CDP non plus ne peuvent pas leur donner de leçons, car ils ont eu 27 ans pour gérer ce pays. Aujourd’hui, si l’on est dans une situation de crise, pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre que cela est aussi le résultant de la gestion chaotique de ces 27 ans. Les questions d’insécurité sont bien liées aux alliances nébuleuses et sombres de Blaise Compaoré avec les djihadistes et autres. Je pense en tout cas que d’un point de vue historique, ces deux formations politiques ont eu à faire payer suffisamment le peuple burkinabè. Je pense qu’il n’est pas trop tard pour que le régime actuel se reprenne en main et travaille dans le sens de l’intérêt des masses populaires. Mais encore faut-il que cela soit une volonté affichée et qu’il y ait un courage politique de le faire.

RIB : Trois jours après la nomination du Premier ministre, le peuple burkinabè est toujours dans l’attente de la formation du gouvernement. Quelle lecture faites-vous de ce temps mis pour former l’équipe gouvernementale d’autant plus qu’on sait qu’il y a beaucoup de dossiers brûlants ?

SB : En ce qui concerne la mise en place du gouvernement à venir, j’imagine que la tâche n’est pas facile. Mais en même temps, il faut rappeler que notre pays regorge de capacités et de ressources intellectuelles suffisantes pour en tout cas un exécutif sincère dans sa démarche. Pour moi, ce gouvernement doit éviter les nominations de complaisance, par copinage et calculs politiques, et ce dans l’intérêt du peuple burkinabè. Quoi qu’on dise, malgré la légitimité du régime, issue des urnes, cette situation de crises à répétition, surtout dans un contexte post-insurrection marqué par de fortes attentes des citoyens, pourtant déçus, ne nous honore pas. Il faut donc procéder à des choix pragmatiques, stratégiques et rafraîchir encore l’offre politique. Ainsi, je m’intéresse plus à la qualité et à la justesse de ceux qui vont composer ce gouvernement qu’au temps que cela prendra. Prendre le temps de faire de bons choix n’a d’intérêt que si ces choix le sont en définitive. L’attente des Burkinabè devra donc être récompensée par des choix justes et stratégiques dans la formation du prochain gouvernement.

dabsonRIB : Concrètement, qu’attendez-vous donc du  gouvernement à venir ?

SB : Comme on l’a toujours dit, il faut mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Il faut mettre des gens capables de mener la barque pour faire en sorte que nous arrivions à destination. Et il y a des gens compétents dans ce pays. Il ne faut pas qu’on nous fasse croire qu’il n’y a qu’une trentaine de personnes qui peuvent gouverner ce pays et apporter des solutions pragmatiques : il faut sortir du clanisme politique. J’attends aussi que ce gouvernement donne des gages d’objectivité. Même si c’est le MPP qui a été élu pour servir le peuple, on doit savoir faire fi des chapelles et des querelles politiciennes pour faire des choix stratégiques dans l’intérêt du pays.

Propos recueillis par Candys Solange Pilabré/Yaro

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