Après le sergent-chef Roger Koussoubé, dit le Touareg, c’est le caporal Sami Da qui était face au juge Seidou Ouédraogo et ses pairs pour son interrogatoire complémentaire. Tout comme son prédécesseur, le caporal a maintenu les propos qu'il avait tenus lors de son premier passage à la barre le 03 juillet 2018. Mais avant cette confirmation des déclarations, le tribunal a eu droit à un véritable clash entre le sergent-chef Roger Koussoubé, ses avocats et le conseil de l’adjudant Jean Florent Nion, chaque partie tirant la couverture à elle.
L'interrogatoire complémentaire du sergent-chef Roger Koussoubé, dit Le Touareg, s’est poursuivi, ce mercredi 23 janvier 2019 au tribunal militaire de Ouagadougou. Malgré les flèches des autres avocats de la défense, notamment celles de Me Nion, avocat de l'adjudant Jean Florent Nion, l’accusé a campé sur ses positions en maintenant ses déclarations de sa première comparution. C’est la main sur le cœur qu’il martèle n’avoir jamais été le messager du général Gilbert Diendéré auprès des adjudants Jean Florent Nion et Eloi Badiel pour l’opérationnalisation de l’arrestation des autorités de la Transition le 16 septembre 2015. « De 1998 jusqu’à la dissolution du corps, je n’ai jamais eu le numéro du général. Je n’ai jamais communiqué avec lui. Jusqu’à la dissolution du RSP, je ne pouvais pas m’approcher de lui. C’est ici à la MACA que j’ai pu m’approcher du général. Contrairement à d’autres, je n’ai pas eu cette chance de travailler avec lui, sinon j’allais en être fier », a-t-il déclaré. Pour ses conseils, ce n’est pas possible que le général ait instruit leur client d’informer les sous-officiers d’actionner l’arrestation du président Michel Kafando et de ses ministres, car une telle action ne peut se penser sans un plan B en cas d’échec. « Cette histoire de messager imputée à Koussoubé n’est que de la science-fiction », martèle Me Alexandre Sandwidi. Egalement, pour Me Michel Traoré, il n’y a aucune preuve versée dans le dossier qui atteste que le général a donné des instructions à son client à l’endroit des adjudants pour mettre un terme à la Transition. « Il aurait fallu asseoir les preuves qui attestent de l’ordre donné par le général à Koussoubé de dire à Badiel et Nion d’opérer le coup d’Etat. C’est Badiel et Nion qui ont articulé l’arrestation et opéré l’organisation. Koussoubé lui-même a été articulé. Il n’a rien commandité. Du point de vue de l’exécution, ce sont eux les principaux acteurs », a-t-il insisté.
Le scénario du Touareg et de ses conseils passe mal du côté de la défense de l’adjudant Jean Florent Nion, qui estime que c’est le Touareg qui a été le maître d’orchestre de l’arrestation des autorités de la Transition avec la complicité du général de brigade Gilbert Diendéré. Elle est confortée dans sa conviction par le silence que lui oppose le sergent-chef face à ses questions. « Ce monsieur-là (Koussoubé) n’est pas crédible. Il est la pierre angulaire, le maillon essentiel de cette affaire. Nous, on a choisi de faire face à nos responsabilités. Si les uns et les autres ont choisi de se débiner, c’est leur droit. Persister dans l’erreur est diabolique », a affirmé Me Nion avant d’ajouter que le sergent-chef Koussoubé « est en train de monnayer son témoignage en faveur du général Diendéré ». Une remarque qui a eu la magie de faire sortir de ses gonds le Touareg qui, durant près de cinq minutes, s’est lancé dans un monologue défensif dans le but d’accabler l’adjudant Nion. « Nion et Diallo étaient dans l’organisation de la campagne de Yac. Ils aiment tellement l’argent qu’ils captent partout… L’adjudant Nion a pillé les effets de l’ancien président Blaise Compaoré la nuit de sa fuite… Nion dit avoir plus de 300 millions dans son compte… L’adjudant Nion peut tuer quelqu’un pour l’argent. C’est leur affaire d’argent qui nous a amenés ici… », sont autant de déclarations faites par le Touareg pour accabler l’adjudant Nion.
L’interrogatoire complémentaire du sergent-chef s’est achevé alors que le doute subsiste sur le degré de responsabilité du Touareg et des adjudants Nion et Badiel. Qui des trois sous-officiers dit la vérité ? Le sergent-chef Koussoubé s’est-il vraiment fait piéger par les deux adjudants ? Toujours mystère et boule de gomme à cette phase du procès. Pourtant, il faudrait bien que dans ce méli-mélo, le tribunal arrive à trier l’ivraie du bon grain. Toute chose qui fait dire à Me Alexandre Sandwidi que ce procès risque de se terminer comme celui de l’ex-président ivoirien à La Haye, sans qu’on sache réellement qui a fait quoi et avec à la clé une liberté pour tous les accusés.
Après le sergent-chef Koussoubé, c’est le caporal Sami Da qui est revenu à la barre pour son interrogatoire complémentaire. Tout comme son prédécesseur, il a maintenu ses premières déclarations. Selon lui, c’est l’adjudant-chef major Eloi Badiel, l’adjudant Jean Florent Nion et l’adjudant-chef Moussa Nébié, dit Rambo, qui ont procédé à l’arrestation des autorités de la Transition. Selon lui, ces sous-officiers ont fabriqué l’argument selon lequel c’est le général Diendéré qui a donné l’ordre pour les amener à accepter le coup d'État. Pour lui, il devrait les couvrir en assumant la paternité du putsch.
Quant aux six millions de francs CFA qu’il a reçus en deux tranches, il dit que cela ne venait pas du sergent-chef Koussoubé, mais du capitaine Flavien Kaboré. Si le capitaine ne lui a jamais donné les raisons de son don, il estime que c’est parce qu’il lui transmettait des informations importantes pour la bonne marche de la Transition.
Candys Solange Pilabré/ Yaro