Après son bon score en juin 2018, le président du Faso est aujourd’hui confronté à une baisse rapide de la satisfaction des Burkinabè quant à la gestion globale du pouvoir d’Etat. C’est du moins ce qui ressort du dernier sondage d’opinion sur l’an III du président Roch Marc Christian Kaboré réalisé par le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD). Ledit sondage attribue la note de 4,91/10 au président du Faso. 58% des sondés sont favorables au retour du président déchu Blaise Compaoré, exilé en terre ivoirienne au lendemain de l'insurrection populaire d'octobre 2014. Parmi ces personnes favorables, 30,8% pensent que l'ex-président doit revenir faire face à la justice de son pays. 40% jugent que ce retour va aider à restaurer la paix. 29%, quant à eux, estiment que cela va favoriser la réconciliation nationale. Interrogés, la plupart des Ouagalais ont un avis conforme aux résultats de ce sondage.
Maxime Ilboudo, journaliste : « Pour ma part, au regard de son expérience en matière de gestion du pays aux côtés de l’ancien régime et des relations diplomatiques qu’il a tissées depuis des années, le président Roch Marc Christian Kaboré pouvait mieux faire. Ce qui est déplorable, c’est sa gestion des crises sociales, qui laisse à désirer, et surtout son non-respect des protocoles d’accord signés avec certains syndicats. L’incivisme au Burkina Faso tant décrié a ses racines au niveau des autorités. Personnellement, moi je lui aurais même donné la note de 3/10, car rien ne va pas. Toutefois, je ne suis pas du même avis que ceux qui pensent que le retour de l’ancien président Blaise Compaoré va restaurer la paix. Le penser, c’est croire que celui-ci est à l’origine du mal actuel des Burkinabè qui est le terrorisme. Le vrai problème du pays réside dans ses autorités actuelles qui, au lieu de trouver des solutions pérennes aux problèmes, passent leur temps à en imputer la responsabilité au régime Compaoré. Dans ce pays, au lieu de résoudre les difficultés, on passe le temps à les déplacer ; en témoigne la grogne des enseignants qui perdure. Les autorités ne doivent pas oublier qu’elles ont contribué à l’avènement de la Transition et à créer l’instabilité qui caractérise notre pays. Le président Roch Marc Christian Kaboré dit qu’il est la solution ? Eh bien, qu’il le prouve maintenant ! »
Moktar Traoré, architecte : « Je donne la note de 2,5/10 au président Kaboré et à son gouvernement, car depuis sa prise de pouvoir, il n’a pas pu apporter un plus au quotidien des Burkinabè. Tenez : l’insécurité est ambiante, le pouvoir d’achat piétine et la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est l’augmentation du prix du carburant. En dehors du « ré surfaçage » des voies à Ouagadougou, il n’a rien apporté de plus à la vie des Burkinabè. »
Ali Tapsoba, fonctionnaire : « Pour moi, le président Rock Marc Christian Kaboré vaut mieux que le président Blaise Compaoré, parce que mes bulletins de salaire sous l’ère Kaboré ont connu une amélioration. Je le préfère en tout cas au président Compaoré. Je lui attribue donc la note de 8/10. Concernant le retour de Blaise Compaoré, je pense qu’il peut revenir quand il veut d’autant plus que c’est chez lui. On l’a chassé du pouvoir, pas du Burkina. Il faut noter que nous n'avons pas de djihadistes au Burkina Faso. Ce sont des terroristes politiques ; donc si Blaise revient, cela pourrait changer un peu la donne sécuritaire. »
Serge Magloire Dabira, journaliste indépendant : « Je ne remets pas en cause le sondage d'opinion, mais toujours est-il que la nature ou le critère de l'échantillonnage peut parfois nuancer le résultat obtenu. Affirmer que plus de 50% des Burkinabè sont favorables au retour de Blaise Compaoré est largement discutable au regard de la mobilisation générale observée les 30 et 31 octobre 2014 et de la résistance aux fervents défenseurs (RSP) qui voulaient perpétrer un putsch en 2015. Bref, à l'analyse des résultats du sondage, on peut facilement en déduire, à mon avis, deux choses essentielles : d'abord la soif de justice des Burkinabè envers l'ex-président Blaise Compaoré pour son rôle présumé dans l'assassinat de son prédécesseur Thomas Sankara (le père de la révolution Burkinabè à qui la plupart des jeunes s’identifient) ; ensuite sa probable responsabilité dans l'insécurité qui règne dans ce pays depuis son départ forcé du pouvoir en 2014. D'aucuns pensent que son retour pourrait favoriser une réconciliation nationale comme si le pays était déchiré alors qu’il n'en est rien. La note de 4,91/10 attribuée au président Roch Marc Christian Kaboré est en dessous de la moyenne, mais elle est bien au regard de la morosité économique et de la fronde sociale que son gouvernement n'arrive pas à maîtriser. »
Goomtinga Dakouré, technicien en électromécanique : « Si ça ne tenait qu’à moi, le président Roch Marc Christian Kaboré n’allait même pas avoir la note de 3/10. En toute honnêteté, à part la continuité de la construction des infrastructures routières dont tout le monde parle, je ne vois vraiment pas où il y a un changement remarquable. Côté sécurité, c’est 0/10 ; pourtant, on sait que la sécurité est le préalable à tout développement, car sans elle on ne peut entreprendre de projet de développement durable. Cela d’autant plus que nul n’ignore que le Burkina Faso est un pays enclavé qui a aussi besoin de la visite des expatriés pour souffler un tant soit peu économiquement. Or avec l’hydre terroriste, ce pays est devenu une zone rouge et à éviter pour beaucoup de touristes. S’agissant de l’éventuel retour de l’ancien président Blaise Compaoré, je pense que le sondage devait donner la note de 7 ou 8 sur 10. Du temps du natif de Ziniaré, on ne voyait pas tous ces problèmes que l’on vit aujourd’hui. Et le regret se lit actuellement sur tous les visages. L’espoir de tout être humain, c’est d’évoluer ou, à défaut, de stagner ; pas de reculer. Pourtant, aujourd’hui nous sommes en train de nous enfoncer dans l’abîme et cela, chaque jour que le soleil se lève. »
Abdoulaye Maïga, communicateur : « Je m’inscris en droite ligne avec les résultats de ce sondage, car personnellement, j’aurais donné la note de 4/10 au président Roch Marc Christian Kaboré. Ma note est motivée par l’insuffisance des réponses apportées aux problèmes, à la flambée du prix du carburant, à l’augmentation des impôts, à l’insatisfaction des plateformes revendicatives des syndicats, à l’iniquité du traitement salarial des fonctionnaires. Tout cela est couronné par un terrorisme ancré dans les habitudes des Burkinabè. Le Sahel, l'Est et une grande partie de la frontière avec le Mali sont occupés par les terroristes et la réduction du train de vie de l'Etat s’avère aujourd’hui être une utopie. En ce qui concerne la réconciliation nationale, je pense que pour y parvenir, il faudra organiser une conférence, à l'image de celle faite par l'Afrique du Sud au sortir de l'apartheid. A mon avis, la justice pour la justice ne fera qu'engendrer la vengeance.
Propos recueillis par Candys Solange Pilabré/Yaro