Après un one man show de deux jours du général Gilbert Diendéré, qui sans langue de bois a expliqué le contexte qui a conduit à l’arrestation des autorités de la Transition le 16 septembre 2015 et décliné son agenda du 16 septembre au 1er octobre 2015, date de son arrestation par la gendarmerie, la parole a été donnée à Alioun Zanré et à ses pairs du parquet militaire pour leurs questions et observations à l’accusé. A l’instar des deux premiers jours de son audition, le général insiste sur le fait qu’il n’a fait qu’assumer une situation donnée avec la bénédiction de la hiérarchie militaire. Laquelle hiérarchie militaire selon lui, au regard de cet accompagnement, devrait être dans le box des accusés avec lui et non entendue comme témoin.
Le parquet militaire a, d’entrée de jeu, évoqué l’organigramme de Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Dans cet organigramme, il se trouve qu’il n’y avait pas de place pour le chef d’état-major particulier de la présidence. Le parquet a donc voulu savoir en quelle qualité le général Diendéré, qui d’ailleurs était sans fonction pendant les faits, a informé la hiérarchie militaire de la situation et a demandé de sonner l’alerte. Celui-ci a répondu que tout le monde savait qu’il était sans fonction mais chacun l’appelait chaque fois qu’il y avait des remous pour qu’il aide à trouver des solutions à la crise. Ce à quoi le parquet a rétorqué en lui demandant si ces différentes consultations n’étaient pas liées au fait que c’est le général qui avait la clé de la solution. Le général soutient qu’il n’avait pas la clé de la solution et que même s’il avait quelque chose à dire, il l’a fait avant que la crise éclate. « J’ai rencontré le président Michel Kafando à plusieurs reprises ainsi que d’autres personnalités, à qui j’ai fait des propositions pour éviter justement ce qui est arrivé ». Pour lui, rien n’a été fait et c’est pourquoi ce qui devait arriver arriva.
A la question de savoir s’il s’était rendu accompagné ou seul à la réunion qu’il avait convoquée avec la hiérarchie militaire, le général a répondu qu’il y était allé seul. Ce qui fait dire au parquet, que s’il a été seul sans des éléments de la troupe pour s’adresser à la hiérarchie militaire, cela prouve qu’il est allé parler en leur nom. Le général s’est défendu en répondant qu’il était plutôt allé donner des informations plus précises sur la situation et les raisons qui ont participé à son avènement.
Le général Diendéré bien décidé à ne pas porter tous les péchés d’Israël, a dénoncé le fait que le commandement militaire (le chef d'état-major général des armées, les chefs de l'armée de l'air, de l'armée de terre, l'inspecteur miliaire, etc.) ait été entendu le 25 juin 2016, plus de six mois après les évènements. Pour lui, ils ont eu le temps d'harmoniser leurs points de vue afin de le contredire, car personne ne voulait se retrouver à la MACA. « Ils vont venir en tant que témoins. Mais si la procédure avait été faite correctement, je pense qu'ils avaient leur place dans le box des accusés en lieu et place d'autres personnes qui n'ont pas fait le centième de ce que ces gens ont posé comme actes matériels. J'assume mes responsabilités, mais j'estime que pour une justice équitable, il aurait fallu que ces gens soient dans le box des accusés. Quelle responsabilité a quelqu'un qui n'a reçu que des SMS et des appels ou qui est allé réparer une moto à la place de la nation par rapport à quelqu'un qui m'a donné un hélicoptère en tant que président du CND ou qui m'a accompagné durant les évènements ?», a-t-il déclaré. Il a continué en disant ne pas vouloir condamner quelqu’un, mais pour une justice équitable, les choses devaient se faire autrement. « Moi ce qui m’intéresse, c’est la vérité pour les parents des victimes. Si nous n’avons pas la vérité, à quoi cela servirait de faire un procès ? Les parents des victimes veulent savoir ce qui s’est passé », a-t-il ajouté.
Le parquet est également revenu sur les griefs politiques qui ont été cités en plus des revendications militaires. Pour le général Diendéré, il n’a jamais été question que les militaires soient impliqués en politique et c’est ce qui a toujours prévalu jusqu’en 2014 où pendant l’insurrection populaire, les manifestants sont venus devant l’état-major général des armées demander aux militaires de prendre les rênes du pouvoir.
Il ajoute que le 30 octobre 2014 lorsqu'ils sont venus rencontrer la délégation de la société civile aux environs de l'hôtel Laïco, Hervé Ouattara du CAR lui avait fait la proposition de faire un coup d'état. Il a alors répondu qu'il n'était pas intéressé par la politique et qu'il fallait juste calmer la situation présente. Pour le parquet, en adjoignant les griefs politiques aux revendications, le général a contribué à faciliter l’attentant à la sûreté de l’Etat. Car, dixit le procureur, « le mal de mon point de vue est parti de l’organigramme du RSP. C’est vous qui n’aviez aucune fonction officielle au RSP et c’est vous qui donniez les ordres qui cassaient la chaîne de commandement ». Mais pour le général, c’était plus des conseils de grand frère à petits frères qu’il donnait et non des ordres et c’est dans ce même ordre des choses qu’il a assumé le coup d’État sans en être le commanditaire. Mais pour le parquet, s’il assume les actes posés par les officiers, c’est qu’il en est comptable. Pour le procureur quand on assume, on le fait dans son entièreté, c'est-à-dire et le pouvoir et les actes qui ont été posés pour en arriver là.
Lorsque le parquet a voulu savoir ce qu'il avait fait pour identifier les éléments responsables des débordements constatés en ville, le général Diendéré a répondu : « C’est le 17 septembre que j’ai appris le premier incident. J’ai donc demandé à la gendarmerie nationale de faire un constat qui aurait permis de retrouver les auteurs. Mais cela n'a pas été fait. On aurait pu remonter aux auteurs si les choses avaient été correctement faites. Comment puis-je sanctionner sans connaître les auteurs ? J'ai tout de même demandé que les hommes restent en caserne, pour éviter les débordements en ville. Pour moi, excusez-moi, on a fait du spectacle avec les corps au lieu de faire des autopsies ou des études balistiques qui auraient permis de déterminer la cause des décès. Même le point du matériel qui devait être fait selon la démarche proposée par les chefs de corps et qui a été refusée aurait permis de savoir qui a fait quoi avec son arme et ses munitions ».
Et le général de se demander ce que l’on voulait cacher car, affirme-t-il, il a en sa possession des comptes rendus du comité de résistance avec une liste des noms et numéros des participants. Ce comité s’est réuni les 17, 18,19 et 20 septembre 2015. De ces rencontres, il ressort que dans leurs discussions, les participants disaient qu'il fallait tout faire pour qu'il y ait assez de victimes, surtout des enfants, pour pouvoir mettre cela sur le dos des éléments du RSP. Des morts, des blessés et d’importants dégâts matériels que le général de brigade déplore.
Autre fait marquant de cette journée de questions et observations du parquet, la déclaration du Conseil Patriotique National pour la Démocratie (CPND) retrouvée sur l’ordinateur portable du général Diendéré et qui présente des similitudes avec la déclaration du Conseil National pour la Démocratie (CND). Pour le parquet, le fichier crée le 14 septembre 2015 et modifié le 17 septembre, démontre que le général était au courant de la préparation du coup d’Etat et qu’il aurait même participé à sa planification. Le général ne reconnaît pas ledit document, car selon lui ses effets personnels lui ont été confisqués après son arrestation et le code de son ordinateur demandé. C’est peut-être à l’issue de cela, que le document a pu être copié sur son ordinateur portable. Pour lui, le coup d’État du 16 septembre n’a jamais été planifié.
Il faut noter que cette troisième journée d’interrogatoire du général Diendéré s’est achevée sans que le parquet sache à quel moment il a été question d’un coup d’Etat. Le général a martelé : « C’est à vous de me le dire ».
Candys Solange PILABRE/YARO et Armelle OUEDRAOGO