dimanche 24 novembre 2024

2e jour d’interrogatoire du général Diendéré : « Vraiment, je ne peux pas vous dire qui a commandité et ordonné l'arrestation des autorités de la Transition », général Diendéré

procès 27 uneCe mardi 27 novembre 2018, l’interrogatoire du général Gilbert Diendéré continuait au tribunal militaire de Ouagadougou, délocalisé, à la faveur du procès du putsch de septembre 2015, à la salle des banquets de Ouaga 2000. Si le général affirme avoir assumé l’action militaire du 16 septembre 2015 sur recommandation des médiateurs internes et avec le soutien de la hiérarchie militaire qui avait à sa tête le général Pingrenoma Zagré, il dit tout de même ignorer ceux qui ont commandité et ordonné l’arrestation des autorités de la Transition le 16 septembre 2015. Pour lui, cette hiérarchie est aussi fautive que lui dans ce qui s’est passé, car non seulement elle n’a rien fait pour dissuader les éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), mais aussi elle n’a pas opposé de résistance à ce qu’il prenne les rênes après la vacance du pouvoir constatée.

C’est sans langue de bois que le général Gilbert Diendéré, présumé cerveau du coup d’Etat de septembre 2015, a expliqué et décrit les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants tels qu’il les a vécus et ressentis. Le général est resté droit dans ses bottes. Il dit avoir assumé l’action sur recommandation des médiateurs internes et avec le soutien de la hiérarchie militaire. Toutefois, il dit en ignorer les responsables. « Vraiment, je ne peux pas vous dire qui a commandité et ordonné l'arrestation des autorités de la Transition. Je n'ai pas eu les détails de ce qui s'est passé. Les adjudants Moussa Nébié dit Rambo et Nion m'ont appelé pour donner l’information de l’arrestation des autorités de la Transition. Je n'ai pas cherché à en savoir davantage, car pour moi, c’était une réaction eu égard à des agissements du Premier ministre. Il y a certaines informations que j'apprends ici avec vous », a-t-il déclaré.

Selon son récit sur son calendrier au moment des évènements, le 16 septembre 2015, aux environs de 12h, l’adjudant Nion serait venu chez lui pour lui faire part de ses inquiétudes concernant la situation du corps, notamment les menaces de mort sur certains éléments du RSP et sur leur famille, les détournements, la corruption et la volonté du Premier ministre Yacouba Isaac Zida de dissoudre le corps. Une situation qui, selon lui, avait rendu difficile le contrôle des hommes. Le général dit l’avoir rassuré d’autant plus qu’il avait informé la hiérarchie militaire et le Président Michel Kafando de cette situation, qui avaient promis d'y trouver des solutions. Après le départ de celui-ci, il dit avoir lu sur les réseaux sociaux que le corps allait être dissous. Toute chose qui l’a inquiété. Il a alors appelé en vain le chef d’état-major particulier de la Présidence du Faso, le colonel-major Kiéré, puis le chef de corps du RSP, le commandant Abdoul Aziz Korogo, pour lui demander de venir à son domicile afin qu’il lui fasse état de ses inquiétudes. Mais avant que ce dernier n’arrive chez lui, il dit avoir reçu un appel de l’adjudant Nion qui lui annonçait l’arrestation du président Michel Kafando, de son Premier ministre Yacouba Isaac Zida et de deux autres ministres et l’informait qu’une délégation était en route pour venir l’emmener au camp.

Après avoir reçu ces informations, il dit avoir appelé le colonel-major Kiéré et le chef d’état-major général des armées, le général Pingrenoma Zagré, pour leur faire le point de ce qu’il venait d’entendre. Il dit avoir par ailleurs proposé une réunion entre officiers pour discuter de la question. Cette réunion fut programmée à 17h au ministère de la Défense et des Anciens Combattants.

procès 27 deuxToutefois avant cette réunion des éléments, notamment Rambo, Nion, Koussobé, sont venus le chercher pour le palais de Kosyam où il a pu discuter avec une bonne partie des officiers du corps et leur conseiller de garder les hommes en caserne pour éviter tout débordement. A la question de savoir pourquoi ce fut le général et pas quelqu'un d'autre que les éléments du RSP sont venus chercher après avoir procédé à l'arrestation des autorités de la transition et pourquoi il a accepté de les suivre, Diendéré répond spontanément : « De mon point de vue, s'ils sont venus chez moi, c'est parce qu'à plusieurs reprises, lorsqu'il y avait des crises, ils m'ont fait appel pour résoudre les problèmes. Idem pour le Président Michel Kafando, le Mogho Naaba, l'ambassadeur des Etats-Unis, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida qui m'ont fait appel à plusieurs reprises. Je ne suis donc pas étonné que le 16 septembre 2015, les hommes soient venus me chercher. Je ne pouvais pas refuser eu égard à la situation, quitte à ce que je ne réussisse pas, mais il fallait que je tente ».

Au cours de la réunion avec la hiérarchie militaire, les médiateurs Monseigneur Paul Ouédraogo et l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo et certains officiers du corps, le général dit avoir fait le point de la situation des hommes du RSP et du contexte qui a conduit à cette crispation. Il affirme que les militaires présents étaient d’accord avec les problèmes qu’il a évoqués et étaient unanimes que le véritable problème était le Premier ministre Yacouba Isaac Zida. La réunion a alors décidé d’aller rencontrer les hommes. Et selon le général, lors des réunions avec la hiérarchie militaire, les médiateurs, les officiers et les représentants des éléments du RSP, il n'a jamais été question de coup d'Etat. Selon ses dires, c'est Monseigneur Paul Ouédraogo qui a été le premier à prononcer ce mot. Il avait posé comme préalable de la médiation, la libération du Président Michel Kafando et des deux autres ministres. Selon lui, la libération du Premier ministre Zida ne faisait pas partie des préoccupations, car tous savaient que c'était lui le seul responsable de la situation. Le général précise que les hommes n'ont pas refusé ce préalable, mais voulaient des engagements forts de la part des médiateurs. Ils ne croyaient plus en la capacité de ces derniers à régler définitivement les problèmes du RSP; beaucoup de promesses n'ayant pas été tenues, ils se sentaient donc trahis.

Tout enTout en insistant sur la vacance du pouvoir, l'intransigeance des hommes et l'échec de la médiation, les médiateurs ont voulu que l'armée prenne ses responsabilités. Le général Pingrenoma Zagré aurait refusé d'assumer les fonctions de chef de l'Etat, car il dit n'avoir pas le contrôle dles hommes du RSP. L'actuel chef d'état-major général des armées, le général Oumarou Sadou, alors inspecteur des armées, a alors proposé que le RSP qui a commencé l'action soit au devant. Le général Diendéré dit alors s'être porté volontaire. Toute chose qui selon lui n'a pas été refusée par la hiérarchie qui lui a apporté ses bénédictions et lui a promis son soutien.

Mais que c'est après que toute l'assistance l'a accepté comme nouveau chef de l'Etat que Monseigneur Paul Ouédraogo lui a demandé d'aller faire sa déclaration. Laquelle déclaration selon ses dires a été lue au préalable devant la hiérarchie militaire et les médiateurs avant sa lecture officielle à la télévision. Il affirme qu'après lecture, l'ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo a notifié qu’il s’agissait d’une proclamation et non d’une déclaration. Cela au regard de son contenu. Il a mentionné qu’il fallait préciser que les Secrétaires généraux des ministères assureraient l'intérim; une mention ajoutée par la suite. Il soutient avoir écrit ses différents communiqués sans une main extérieure comme le prétendait le parquet qui avait estimé que le journaliste Adama Ouédraogo, dit Damiss, et l’ancien bâtonnier Mamadou Traoré avaient aidé le général à écrire et à corriger ses communiqués.

En tant que nouveau chef d’Etat accepté par ses collaborateurs, ce serait avec tous les honneurs et en compagnie des différents chefs d’état-major qu’il se serait rendu à l’aéroport pour l’accueil des chefs d’Etat de la CEDEAO le 18 septembre 2015. Deux jours plus tard, soit le 20 septembre 2015, il aurait eu une rencontre avec les médiateurs internationaux pour la présentation de la mouture du pré-accord qui avait été trouvé entre les différentes parties prenantes. Il dit n’avoir pas rejeté ce pré-accord, mais sa seule inquiétude était la sécurité des hommes du RSP.

A la barre, le général Gilbert Diendéré a déclaré que le Premier ministre Yacouba Isaac Zida a refusé d’être libéré le 18 septembre 2015, lorsque les ministres René Bagoro et Augustin Loada étaient permis de retourner auprès de leurs familles, car il a insisté à rester auprès de la troupe au camp Naaba Koom II. Pour ce faire, il a été transféré au PC au niveau du camp. Selon ses dires, ce serait dans la nuit du 21 au 22 septembre 2015, aux environs de 3h du matin que le Premier ministre a rejoint sa famille. « Quand je suis allé le voir au moment de sa libération, il a commencé à pleurer à chaudes larmes après les conseils que j’ai eu à lui prodiguer afin qu’il réussisse sa mission de Premier ministre et arrive à consolider l’armée et le RSP qu’il s’acharnait à diviser. J’ai eu pitié. Je suis sorti le laisser pleurer, le temps qu’il se calme. Je l’ai fait raccompagner à son domicile. Il a envoyé un message collectif à tous les officiers pour les remercier », a confié le général.

Il a aussi confié au tribunal ce mardi 27 novembre  que le Premier ministre Yacouba Isaac Zida, au moment de sa libération dans la nuit du 21 au 22 septembre 2015, lui aurait confié avoir instruit François Yaméogo, juge d’instruction dans l’affaire de l’assassinat du président Thomas Sankara, de ne pas le (NDLR : le général Diendéré) convoquer pour l’entendre dans cette affaire. Il affirme aussi que le Premier ministre Zida lui aurait confié qu’il y avait une convocation pour l’adjudant Hyacinthe Kafando. Laquelle convocation, Zida aurait dit à l’intéressé de ne pas y répondre et de tout faire pour quitter le pays. Cela a été fait par l’intermédiaire du caporal Pafadnam qui informait l’adjudant Kafando (son oncle) et qui, par les bons soins du Premier ministre, a pu quitter le pays pour ne pas faire face à la justice.

Le général affirme que durant les évènements, il s’est attelé à rassurer les hommes qui avaient compris sa position de remettre le pouvoir, qui a été effectif le 23 septembre 2015. Il affirme de ce fait que le bombardement du camp le 29 septembre 2015 n’avait plus sa raison d’être, puisque le pouvoir était rendu aux autorités de la Transition, que le désarmement avait commencé et que les hommes ne se sont nullement organisés pour opposer une résistance. « II fallait faire du bruit, parce que si on ne fait pas du bruit, on ne saura pas quoi dire aux civils, car le camp était vide et les hommes n’étaient pas en position de résistance. C’est notre camarade et compagnon d’armes (général Zida) qui a insisté pour que le bombardement se fasse, car il croyait que je m’y trouvais et il voulait m’éliminer, mais je suis un commando », a-t-il expliqué au tribunal. Ce qui lui a valu des applaudissements d’une partie du public. De ces bombardements, le général craint fort qu’il n’y ait des carnages, même si le bilan officiel ne dénombre aucun mort, d’autant plus que des familles résidaient au camp et que les hommes après avoir eu leurs notes d’affectation le 28 septembre 2015, n’ont eu qu’une journée pour faire évacuer leur famille.

procès 27 troisLe général, en ce deuxième jour de comparution, affirme ne s’être pas enfui pour se retrancher à la Nonciature, comme on le faisait croire, mais dit s’y être rendu, parce que l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au Burkina, Tulinabo Mushingui, le lui a demandé et que le Président Kafando ainsi que le Nonce apostolique étaient informés qu’il devait s’y rendre. Ce fut le 30 septembre 2015, que la gendarmerie, au vu du cardinal Philippe Ouédraogo, de l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo, l’ancien ambassadeur des Etats-Unis, Tulinabo Mushingui et du Nonce apostolique est venue l’arrêter et il dit n’avoir opposé aucune résistance, même s’il déplore et dénonce la façon dont cela fut fait.

Avant son arrestation, il dit avoir reçu une délégation envoyée par le président Michel Kafando, composée du cardinal Philippe Ouédraogo, de l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo et de l’ancien ambassadeur des Etats-Unis, Tulinabo Mushingui. Ces émissaires selon ses dires, sont venus lui faire part du fait que le président Kafando était favorable à ce qu’il quitte le pays. Une proposition qu’il dit avoir refusée. Toutefois, il a souhaité que sa famille puisse quitter le pays ne serait-ce que quelques jours. Toute chose qui a été acceptée par le président Michel Kafando, mais refusée par le Premier ministre Yacouba Isaac Zida pour qui son épouse, Fatou Diendéré, serait aussi impliquée dans les évènements du 16 septembre et jours suivants, donc ne devait pas quitter le pays.

Quoi qu’il en soit, face à ce qui s’est passé le 16 septembre et jours suivants, le général Gilbert Diendéré estime que la hiérarchie militaire a posé plus que des actes matériels. « Elle n'a pas refusé de m'accompagner. Si elle l’avait fait, j'allais reculer, je n'allais jamais me porter au-devant des choses, car je n'avais pas de commandement. En son temps, je n'avais procès 27 quatrerien. Je ne commandais que ma femme et mes enfants, même si j'étais respecté par les hommes et je le suis toujours. La hiérarchie militaire avait toute la possibilité et les moyens de dire non. Dès le 16 septembre 2015, il lui suffisait d'envoyer ne serait-ce que deux patates pour dissuader les hommes du RSP. Cela n'a pas été fait car elle a accompagné ce qui se passait », a dénoncé le général, qui s'indigne aussi que pour des appels téléphoniques, certains soient à la barre, alors que le commandement, qui n'a rien fait au moment des faits pour arrêter les choses, n'est pas inquiété.

Candys Solange PILABRE/YARO et Armelle OUEDRAOGO

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