Débuté hier dans la matinée, l’interrogatoire de l’ancien chef desk politique du quotidien L’Observateur Palga, Adama OUEDRAOGO dit Damiss s’est poursuivi ce mercredi 10 octobre 2018. Après le parquet, c’était au tour des avocats de la partie civile de cuisiner le journaliste qu’ils estiment avoir été plus un acteur politique, qu’un professionnel des médias, lors des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants. Mais Damiss reste campé sur sa stratégie de défense : il n’a posé aucun acte qui porte atteinte à la sûreté de l’Etat. Bien au contraire, il dit avoir suivi son instinct de journaliste en se rendant au camp Naba Koom II, épicentre du coup d’Etat dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015.
En se rendant au camp Naba Koom II dans la nuit du 16 au 17 septembre 2015, Adama OUEDRAOGO dit Damiss assure la main sur le cœur, l’avoir fait dans le cadre de ses activités journalistiques, malgré le fait qu’il jouissait de congés, afin de pouvoir répondre au droit à l’information des Burkinabè. En effet, il dit avoir eu connaissance de la tenue d’une médiation via les réseaux sociaux et il s’y est donc rendu afin de pouvoir avoir les conclusions de cette médiation. Mais lasse d’attendre, il dû retourner à son pied-à terre afin de mieux préparer son voyage pour Bobo-Dioulasso pour cause de décès. Après, il dit avoir fait le point à sa rédaction.
Cette explication du journaliste n’a pas du tout convaincu les avocats de la partie civile qui trouvent que l’attitude du chef desk politique de L’Observateur Palga est incohérent et déraisonnable d’autant plus qu’il n’y a tiré aucun bénéfice professionnel et qu’il n’a pas produit un travail journalistique, et ce, malgré tous les risques qu’il encourait au regard de la situation sécuritaire délétère qu’il était donné de voir dans les rues de la capitale et surtout au camp Naba Koom II, épicentre du coup d’Etat. En effet, pour Me Séraphin SOME, cela est déraisonnable que le chef desk politique ait été au cœur du coup d’Etat dans le cadre de ses activités professionnelles, sans pour autant daigner écrire un article là-dessus d’autant plus qu’il dit avoir entendu des militaires critiquer le premier ministre Yacouba Isac ZIDA. « Beaucoup de journalistes, au nom du droit à l’information devraient être jaloux de la position de monsieur OUEDRAOGO qui était à l’épicentre du coup d’Etat pendant ces évènements », a-t-il martelé. Toute chose qui le fait conclure que le journaliste en se rendant au camp Naba Koom II sans se soucier du danger que cela pouvait avoir ne l’a pas fait dans le cadre de ses activités professionnelles, mais pour ses intérêts politiques. Mais pour l’accusé, tout ce qu’il a pu entendre ou voir là-bas n’était pas un scoop, car les mésententes entre le RSP et ZIDA étaient connues de tous. « On peut envoyer un journaliste sur le terrain sans produire de papiers là-dessus. Le bénéfice professionnel que j’ai tiré de cette immersion au camp Naba Koom II est que je peux dire que j’étais le seul journaliste à y aller ce jour-là. A l’instant, je n’ai pas senti que c’était un coup d’Etat, car certains disaient qu’il fallait écarter ZIDA afin de contraindre Michel KAFANDO à se plier à leurs revendications », a expliqué Damiss pour se défendre. Du reste, il estime que Me SOME voulait qu’il invente des informations écrire afin de faire plaisir aux lecteurs. Mais Me Séraphin SOME est intraitable : « Vous n’étiez pas là-bas en tant que journaliste, mais en tant qu’acteur politique. C’est pour cela que vous n’avez rien écrit sur ce que vous avez vu et entendu. Votre comportement m’édifie sur votre rôle au camp Naba Koom II ». Pour l’accusé, c’est un acharnement contre sa fonction, car il n’avait pas obligation de résultats, d’autant plus que sa rédaction et les organes de régulation ne l’ont blâmé pour son attitude pendant les évènements. « Je ne suis pas à la barre pour être jugé pour ne pas avoir écrit un papier. Ma rédaction ni les organes de régulation ne m’ont jamais reproché mon comportement. Je ne nie pas que j’aie été au camp. Mais qu’est ce que j’y ai fait de condamnable ? C’est là le débat. J’ai posé quel acte pour consolider le coup d’Etat », a demandé le journaliste à celui qui l’assaillait de question et d’observations.
Egalement Me Séraphin SOME estime avoir trouvé la solution aux équations concernant les mobiles de l’arrestation des ministres Réné BAGORO de l’habitant et Augustin LOADA de la fonction publique qui étaient depuis trois ans sans réponse. « Hier, je vous ai trouvé très amer, à la limite fâché. Vous avez passé près d’une dizaine de minutes à flécher la Transition, des leaders d’OSC et le premier ministre ZIDA. Votre discours a fait plaisir à vos camarades et à vos mentors politiques. C’est là son premier mérite. Le deuxième mérite, c’est que nos clients BAGORO et LOADA ont trouvé des réponses, car ils se demandaient pourquoi ils ont été ceux qui ont été choisis pour être arrêtés avec le premier ministre parmi la trentaine de ministres. C’était une énigme, car on n’avait pas de réponse. Mais hier, à travers votre réquisitoire, on a compris pourquoi ils ont été arrêtés. Ils ont été arrêtés, parce qu’ils sont suspectés être proche de ZIDA. Ce que vous aviez dit nous montre à suffisance que vous n’êtes pas étranger à ce qui s’est passé et répond ainsi à l’équation de la séquestration des ministres », a-t-il souligné.
Cette observation de l’avocat de la partie civile a eu la magie de frustrer l’accusé. « Je veux qu’on s’en tienne aux faits, mais Me SOME veut m’obliger à parler. Si on me pousse au bout, je vais faire des déclarations st des gens vont quitter le pays », a-t-il prévenu avant de continuer : « ZIDA pendant la Transition avait avec lui l’argent destiné à la fête de l’armée, mais il a utilisé cet argent pour distribuer et acheter les OSC pour asseoir et consolider son pouvoir. De l’argent a aussi été retiré des comptes de la présidence du Faso. Me Guy Hervé KAM par exemple a pris 100 millions de francs CFA des mains de ZIDA pour l’aider à consolider son pouvoir à travers le balai citoyen. Les gens se sont sentis trahis par les Me KAM, les LOADA et les ZIDA. C’est pour cela on les en voulait. J’ai les preuves… », a déclaré le journaliste.
Pour Me SOME, l’accusé se livre à ce tribunal à un jeu de diffamation, car il sait que ces déclarations sont couvertes par l’immunité. C’est pourquoi, il invite le journaliste qui dit avoir des preuves de certaines forfaitures de les publier dare-dare, d’autant plus qu’il est actuellement le Directeur de publication (DP) d’un journal d’investigation. « Vous êtes journaliste, vous avez des preuves, alors écrivez-le, publiez-le dans votre journal. Cela du reste va donner l’occasion à votre journal d’être bien vendu », lui a suggéré Me SOME. Mais pour l’accusé, l’éthique et la responsabilité sociale du journaliste le force souvent à certaines réserves. « Ce n’est pas tout ce qu’on connait, qu’on publie. Il y a la responsabilité sociale du journaliste qui dicte ses écrits », a-t-il rétorqué. Toute chose qui fait penser à Me SOME que l’accusé veut se présenter comme un ange, alors que les actes qu’il a eu à poser dans le cadre de la consolidation du coup de force perpétré contre les autorités de la Transition ne sont pas angéliques.
Quoi qu’il en soit, le journaliste dit avoir pattes blanches dans cette affaire de coup d’Etat, car il dit n’avoir pas posé d’actes répréhensibles d’autant plus qu’aucune déclaration de ses co-accusés ne l’accable. Mais Me SOME ne l’entend pas de cette oreille. Il estime que c’est le général Gilbert DIENDERE dans ses déclarations contenues dans les procès-verbaux qui le condamnent. En effet, devant le juge d’instruction, dans une première comparution, il affirmé que c’est le journaliste Adama OUEDRAOGO qui a rédigé le brouillon de la déclaration de naissance du Conseil national de la démocratie (CND), organe des putschistes, sur instruction du général qui quelques jours avant les évènements avait donné les grandes lignes. Le journaliste était alors selon le général quatre étoiles, chargé de recenser les griefs politiques de la Transition. Une deuxième comparution du général mitige ces propos. Mais pour l’avocat de la partie civile, si le général a mitigé ses propos lors de la première comparution, il ne les a pour autant pas contrariés. Pour lui donc, l’un ne fait qu’appuyer l’autre. « Cela montre que monsieur OUEDRAOGO était avant, pendant et dans la consommation de ce coup d’Etat. La somme de un million de francs CFA qu’il a reçue du général Djibril BASSOLE n’était que les frais de ses honoraires pour sa participation à la rédaction ; des honoraires, malheureusement pour lesquels, one voit pas trace de TVA », a conclu Me SOME.
Toutes ces analyses et les conséquences de la participation de Damiss dépeintes par Me Séraphin SOME ont été appuyées par ses paires de la partie civile à savoir Me FARAMA, Me YANOGO et Me Awa SAWADOGO. Tous estiment déraisonnable que le journaliste se rendent sur les lieux du coup d’Etat la nuit même où il a été perpétré dans le cadre de ses activités professionnelles sans pour autant que son instinct de journaliste ne le pousse à fouiller, à interviewer, à investiguer pour comprendre la situation, savoir où ont été placées les autorités arrêtées, qui les a arrêtés, pourquoi, comment et sans attendre les conclusion de la médiation qui était en cours, d’autant plus que ce jour là, au regard de la situation qui prévalait , il n’était pas donné ni permis à n’importe qui de se rendre au cœur de l’action à Naba Koom II.
Pour rappel Adama OUEDRAOGO, dit Damiss, journaliste et chef desk politique au quotidien L’Observateur Palga est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre et coups et blessures volontaires. Il est vu comme celui-là qui a aidé les putschistes dans la rédaction de la déclaration qui portait le CND, l’organe des putschistes sur les fonts baptismaux.
Candys Solange PILABRE/ YARO