Ce vendredi 28 septembre 2018, se poursuivait au tribunal militaire de Ouagadougou, l’interrogatoire du lieutenant-colonel, Mamadou BAMBA, poursuivi dans le cadre du coup d’Etat manqué de septembre 2015. Si ce lecteur des communiqués et de la déclaration de naissance du Conseil national de la Démocratie (CND) reconnait sa part de responsabilités dans les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants et est prêt à en assumer toutes les conséquences juridiques que cela impose, il affirme néanmoins l’avoir fait à son corps défendant, dans le seul but de ne pas subir les représailles du l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qu’il craignait du reste.
En ce deuxième jour de son interrogatoire devant le tribunal militaire présidé par le juge Seydou OUEDRAOGO, le lieutenant-colonel BAMBA est resté sur sa même ligne de défense : avoir accepté marcher avec les putschistes par peur pour sa vie. « J’ai lu les communiqués, si c’est pénalement puni, j’assume », a-t-il martelé. Par ailleurs, il affirme que cette décision d’accepter être le lecteur des putschistes a été l’un des choix difficiles qu’il a eu à opérer dans sa vie. « Je ne souhaite même pas à mon ennemi d’avoir à faire un tel choix. Il y a des moments dans la vie où il faut faire des choix difficiles, et pour moi, ce difficile choix était le petit matin du 17 septembre 2015 », a-t-il regretté. Et d’ajouter « S’il faut mourir pour mourir, vaut mieux mourir le plus tard possible. Des fois, on soigne des gens, même si l’on sait qu’ils vont mourir ».
Mais pour les avocats de la partie civile, son statut de militaire était tout à son avantage, car il connait tous les rouages du corps et par conséquent, il aurait pu trouver des stratagèmes pour ne pas se salir ses mains. Ce que n’accepte pas le médecin-colonel. « J’avais peur pour ma vie. Il y a militaire et militaire, donc il ne faut pas me dire, vous-même vous êtes militaire. Moi, je sais que je peux soigner des gens », a-t-il répondu à cette observation. Ce qui a provoqué des éclats de rires du public qui a vite été calmé par le président Seydou OUEDRAOGO qui a la police de l’audience.
Le fait que les déclarations du lieutenant-colonel soient aux antipodes de celles du capitaine DAO a beaucoup dérangé Me Oumarou OUEDRAOGO de la partie civile qui a souhaité que le médecin disent clairement qui de lui ou du commandant du groupement d’intervention et de sécurité dit la vérité quant aux circonstances qui ont amené ce spécialiste de médecine de guerre à lire les déclarations des putschistes. Mais ne pouvant attester les preuves matérielles de sa vérité, le lieutenant-colonel dit avoir été la mascotte des putschistes et s’en remet aux analyses du tribunal. « Nous sommes dans une situation où il n’est pas possible comme c’était le cas dans le passé de boire une potion qui avait la magie de dire qui dit la vérité et qui ment. Je n’ai pas autre chose pour montrer ma bonne foi, si ce n’est la décision du tribunal », a expliqué l’accusé. Mais pour ce conseil de la partie civile, ce volte-face des deux accusés emmène le tribunal dans les fables de la Fontaine où le loup attrape ce qui ressemble l’agneau, mais il y a aussi l’histoire de l’hyène et de la chèvre.
Quoi qu’il en soit Me Awa de la partie civile estime que les déclarations et la participation du lieutenant-colonel BAMBA font découvrir petit à petit les contours de ce coup d’Etat dont la déclaration était la preuve matérielle. « Les déclarations du lieutenant-colonel nous conforte que sa participation est constante et que sa complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat est établie pour lui et pour le capitaine DAO, car c’est à ses bons soins que la déclaration a été lue. Le fait de désigner le médecin-colonel, de lui donner des instructions, établit sa complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat », a-t-elle expliqué.
Me SOMBIE, avocat de l’accusé, tout en saluant le ton respectueux des avocats de la partie civile et du parquet envers son client en ce deuxième jour du procès, regrette que Me FARAMA, lors du premier jour de l’interrogatoire du lieutenant-colonel n’a pas eu le même égard. « Je voudrais que Me FARAMA cesse de faire allusion à des procédures pendantes pendant que les accusés sont à la barre. C’est l’attentat à la sûreté de l’Etat avec des infractions connexes qui nous amènent ici, pas autre chose. Il faut qu’il arrête aussi de tout le temps remuer le couteau dans la plaie en appuyant sur l’accélérateur. Le lieutenant-colonel n’est pas là pour des faits estudiantins », a-t-il martelé et prié au tribunal et surtout à son confrère qui était du reste absent à l’audience de vendredi matin.
Toutefois, le fait que le nom du capitaine DAO était à chaque fois entendu lors de cet interrogatoire du lieutenant-colonel BAMBA a fait conclure aux conseils du capitaine que l’interrogatoire de leur client se poursuivait à travers celui du médecin-colonel. « A travers l’interrogatoire du lieutenant-colonel, c’est celui du capitaine DAO qui se poursuit », a conclu Me Dieudonné BONKOUNGOU. Mais le colonel-médecin est constant et stoïque, car il dit relater les évènements du 16 septembre et jours suivants comme il les a vécus, sans l’intention de charger ou de protéger qui que ce soit. « Je n’essaie pas de dire que je sui un saint et le capitaine DAO un diable. C’est mon ressenti et ce que j’ai vécu que je raconte. Je ne veux rien cacher. Quelque soit ce que cela va me coûter, car je veux être libre et en paix avec moi-même, mais cela n’empêche que chacun ait son avis et son interprétation », a-t-il souligné même s’il dit n’avoir pas conscience en son temps-là des conséquences que cela pouvait entrainer.
En outre, pour Me DABO, avocat de la défense, les suppositions et les hypothèses du médecin-colonel prêtent la confusion et sont de nature à charger certains accusés pour rien. « Nous avons peur des suppositions du lieutenant-colonel BAMBA. Avec des si, on ne sait pas où on ira », a-t-il souligné.
Mais pour le parquet, du moment où le lieutenant-colonel avait conscience des conséquences sur sa propre personne, il pouvait aussi les prévoir sur autrui, notamment sur la population. « Les conséquences prévisibles n’étaient pas seulement la peur sur votre propre personne. Vous devriez aussi les prévoir sur la population », a-t-il observé. A cela, l’accusé note qu’au moment des évènements, c’est seulement son instinct de survie qui l’a guidé dans toutes les décisions, les choix et les actions qu’il a opérés. « Quand un caillou tombe, chacun attrape sa tête. Je ne peux pas laisser ma tête et attraper celle de quelqu’un d’autre. Lorsque tu bois l’eau dans le canari de ta mère, c’est elle que tu remercie. Tu ne cherches pas à savoir qui a mis l’eau dans le canari », a imagé le lieutenant-colonel BAMBA pour expliquer ce qui l’a poussé à aller dans le camp des putschistes.
Toute chose qui conforte son conseil sur le fait qu’il ait été mêlé au coup d’Etat à son corps défendant d’autant plus qu’il a des documents qui attestent qu’au moment des faits son client était loin de l’armée et surtout du RSP pour avoir été le médecin personnel de Roch Marc Christian KABORE et de Soungalo OUATTARA, alors qu’ils étaient président de l’Assemblée nationale.
Cet interrogatoire a aussi été marqué par le sempiternel débat sur le travail de l’expert qui était chargé d’investiguer sur les matériels et supports numériques des accusés afin d’apporter des preuves à charge ou à décharge. En effet, même si l’accusé à la barre et son conseil n’ont pas trouvé à redire sur le travail de l’expert, Me BONKOUNGOU et Me BARRY, avocats du capitaine DAO, ont tenu à relever ses insuffisances, car les messages téléphoniques qui accablent leurs clients, censé être le récepteur ne se trouvent pas chez le lieutenant-colonel BAMBA, établi comme l’émetteur.
S’appuyant sur les déclarations de BAMBA qui affirme avoir entendu du juge d’instruction que l’expert n’a pas consigné dans son rapport tous les messages contenus dans les téléphones, mais seulement ceux qu’il avait considéré être en lien avec le coup d’Etat, Me BONKOUNGOU a souligné que l’expert s’est revêtu de bottes et de vêtements qui le dépassaient, à savoir celui du juge d’instruction. « Les rapports de l’expert sont des morceaux choisis par celui-ci. L’expert a outrepassé sa mission. Il ne peut pas s’autoriser à retenir ou à ne pas retenir des messages. Nous ne savons plus si c’est une expertise ou un acte entre copains. Si l’on prend son histoire, on ne sait plus comment le qualifier. C’est un instrument de discrimination dans la poursuite des client », a-t-il noté. C’est pourquoi, il demande au tribunal de ne pas tenir compte de ce rapport que l’expert a produit. Mais pour le parquet, cela ne saurait être possible, car c’est une ordonnance du juge qui en s’appuyant sur l’article 156 du code de justice militaire a commandé ce travail de l’expert qui était entre autres de décrire, d’investiguer et de retranscrire les données en lien avec les évènements du coup d’Etat et susceptible de contribuer en la manifestation de la vérité issus du matériel et support numérique des accusés.
Il faut noter qu’à l’issu de cet interrogatoire du lieutenant-colonel BAMBA, lecteur des putschistes, la partie civile a salué le sens de responsabilité de cet officier de l’armée qui a reconnu sa part de responsabilité et veut en assumer les conséquences, malgré le fait que les conseils du capitaine DAO l’ont assailli de questions dans le but selon elle qu’il abonde dans leur sens. « Les conseils de capitaine croyaient que vous alliez aller dans leur sens, mais vous êtes restés droit dans vos bottes. Lieutenant-colonel BAMBA, vous avez fait preuve de responsabilité à cette barre », a applaudi Me SOME. Des éloges qui font dire à Me BARRY que certains avocats de la partie civile sont devenus partie-conseil du lieutenant-colonel BAMBA.
En outre, les procès-verbaux ont montré que durant les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants, le lieutenant-colonel BAMBA est resté permanemment en contact avec l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au Burkina Faso, Tulinabo MUSHINGUI à qui il a notamment demandé dans un message téléphonique d’épargner la vie du général DIENDERE dans les négociations de sortie de crise et aussi de l’aider à quitter le pays.
Après le lieutenant-colonel Mamadou BAMBA, c’était au tour de Mme Minata GUELWARE, première femme et civile à passer à la barre dans le cadre de ce procès du coup d’Etat de septembre 2015. Mais l’absence de son avocat, Me Paul KERE et la constitution d’un nouveau avocat à ses côtés, à savoir Me KIEMTAREMBOUMBOU, n’ont pas permis à cette femme de vider son sac ce vendredi 28 septembre 2018. Sur demande de son nouveau conseil, son passage a été reporté.
Ainsi, un autre civile, Paul SAWADOGO, particulier de son état a été appelé à la barre pour dire ce qu’il savait des évènements du 16 septembre et jours suivants. Mais constatant que que l’ordonnance de renvoi qui le renvoyait vers lui ne comportait pas d’infractions, le président du tribunal Seydou OUEDRAOGO a décidé de ne pas l’entendre. Toute chose qui a été saluée par son avocat Me SOMBIE. Après donc Léonce SOW, Paul SAWADOGO est le deuxième accusé à être renvoyé devant le juge Seydou OUEDRAOGO sur une erreur matérielle.
Candys Solange PILABRE/ YARO