Etre propriétaire d’un logement au Burkina Faso est devenu presqu’un luxe. Conscient que la question du logement préoccupe plus d’un, le gouvernement à travers le ministère de l’habitat et de l’urbanisme a mis en place le Programme national de construction (PNCL) de 40. 000 logements. Il est un vaste et ambitieux programme qui ambitionne combler le déficit de logements en offrant aux Burkinabè des habitations décentes à prix social. Une année après son lancement, quel est son état de mis en œuvre ? Dans cette interview accordée à Radars info Burkina, monsieur Yacouba DIE, coordonnateur du PNCL fait l’état des lieux de l’opérationnalisation du programme.
Radars info Burkina : Dans quelle logique s’inscrit le Programme national de construction des 40 000 logements ?
Yacouba DIE : Le président du Faso, Rock Marc Christian KABORE, lors de sa campagne avait émis l’idée de réaliser 40 000 logements durant son mandat s’il était élu. Une fois élu, il se devait de mettre en œuvre ce programme ; d’où la naissance du programme 40 000 logements qui s’inscrit également dans le document stratégique du développement de notre pays qui est désormais le Plan national de développement économique et social (PNDES). Ce programme part de l’expérience de tout ce qui s’est passé : on s’est inspiré de toutes les difficultés du passé et aujourd’hui on a un programme assez robuste qui tient la route et qui tient également compte des réalités du pays.
RIB : Un an après sa mise en œuvre, quel bilan peut-on faire de l’opérationnalisation de ce programme ?
YD : Au jour d’aujourd’hui, le programme est en marche, vous avez suivi récemment qu’on a attribué 1 262 logements. On peut noter qu’à Gaoua lors de la fête nationale, plus de 400 logements ont été construits, à Manga avec la fête nationale, on est en train de construire 300 logements, à Ouagadougou 900 sont en cours, idem pour Bobo-Dioulasso. Il y a des maisons qui sont terminées et qui sont en train d’être livrées et aussi, on est en train de lancer des constructions de logements dans toutes les villes du pays, car le programme concerne l’ensemble du territoire national. Vous convenez avec moi que les problèmes ne sont pas posés de la même manière dans les villes. Nous travaillons sur les communes urbaines, les communes rurales et les chefs-lieux de régions. C’est un programme qui vise réellement à régler le problème de l’accès au logement au Burkina Faso. On veut donner une solution définitive à la question du logement. En réalité au delà du nombre de logements que les gens voient, nous travaillons à mettre en place un mécanisme-terrain durable d’accès au logement. Cela est très important, mais les gens ne voient pas cela. Ils voient seulement le nombre de bâtiments construits, et nous travaillons à ce qu’il y ait un mécanisme pour faire en sorte que celui qui veut un logement, sache comment s’y prendre pour accéder à ce logement décent et comment financer la construction de manière générale. Vous voyez, au Burkina, les gens n’ont pas d’épargne logement et ils veulent être propriétaires. On ne peut pas se lever du jour au lendemain dire qu’on veut un logement et immédiatement pouvoir l’acquérir. On travaille sur un mécanisme qui consistera à dire : voilà le parcours pour accéder à un logement durable au Burkina ; Voila comment il est fiancé, aussi bien par l’individu qui va acquérir la maison, que par le constructeur qui finance la construction. Les gens peuvent être prêts, ils veulent des logements et ce n’est pas construit. C’est toute une politique qui prend en compte le financement de l’acquisition, qui développe même l’utilisation des matériaux locaux et celle des nouvelles technologies de construction etc. C’est vraiment un programme intégrant que nous voulons bâtir. Aussi, faut-il le noter, au Burkina, il y a lieu de densifier les constructions, c’est-à-dire commencer à construire en hauteur. Nous avons dans le programme un plan de construction de 5 000 appartements dans la ville. Il y a un premier bâtiment qui sera fait à la zone du bois, un deuxième au quartier 1200 logements. Nous avons aussi un projet indien qui est en cours au centre ville et à Bassinko. Tout cela rentre dans la philosophie de l’habitat au Burkina Faso.
RIB : C’est un secret de Polichinelle, la construction de logements sociaux n’est pas nouvelle au Burkina Faso et l’expérience a laissé un goût amer chez certains. Alors, le PNCL dans sa démarche a-t-il pris en compte les difficultés que les souscripteurs des logements sociaux antérieurs ont rencontrées?
YD : Justement, c’est le principe. On travaille sur tout cela. On ne peut pas regrouper des populations quelque part sans un minimum d’équipements comme les écoles, les CSPS, etc. Toutefois, on y va avec le rythme de l’Etat, compte tenu des difficultés de financement. Mais on fait l’effort pour que le programme soit accompagné au mieux avec les équipements sociaux.
RIB : Que répondez-vous à ceux qui estiment que ce programme n’est que de la poudre aux yeux, car le prix de ces logements sociaux n’est pas à la portée du Burkinabè moyen ?
YD : Par exemple, si l’on veut construire actuellement un logement dans la zone de Bassinko, le coût moyen de la parcelle est de quatre millions (4 000 000) de francs CFA. Pour une parcelle de 204 m² par exemple, imaginez les calculs, y compris l’enregistrement aux services fiscaux, c’est au tour de 85 millions pour 300 logements. Partager cela au nombre de logements et vous aurez une idée. Pour le tout quand vous calculez, le logement fait près de quatorze millions (14 000 000) de francs CFA. Le gouvernement prend donc en charge toute une partie des dépenses, et les logements sont attribués à sept millions cinq cent mille (7 500 000) francs CFA. C’est un logement aidé. Si l’on veut qu’on le donne gratuitement c’est un problème. Vous pouvez faire le tour dans la sous-région, pour voir le coût des logements sociaux. D’ailleurs les prix des logements sociaux au Burkina Faso sont fixés depuis 2008. De 2008 à 2018, le coût du ciment a augmenté, idem pour le fer, et tous les autres agrégats. Le gouvernement a voulu maintenir les prix en faisant le sacrifice de prendre en charge la majeure partie des coûts. Ici, c’est la question du parcours d’accès au logement qui est posée. Quand vous commencez à travailler quelle est la disposition que vous avez pris pour pouvoir avoir votre logement et pendant combien de temps. Supposons que je suis un fonctionnaire et je viens de commencer à travailler. Ce n’est pas possible que cette même année, j’aie un logement. Je m’engage à travers un plan épargne-logement sur une période donnée et à l’instant voulu, j’y ai accès avec l’accompagnement d’une banque. Là, je me suis préparé. Mais, on est dans une situation où la question du logement-épargne n’est pas posé, personne ne s’y préoccupe. Tout le monde pense qu’on peut avoir un logement du jour au lendemain.
RIB : Certains Burkinabè doutent de la transparence de l’opération d’attribution des logements. Que répondez-vous à cela ?.
YD : Depuis qu’on a commencé, on a une base de données. On a environ deux cent huit milles (208 000) souscripteurs. Lorsqu’on est prêt à commercialiser les villas, on appelle les personnes qui sont déjà dans la base, pour qu’elles puissent monter un dossier de souscription. Elles payent 10% pour les logements sociaux et 30% pour les logements économiques. Si vous n’avez pas par exemple un épargne-logement, vous ne pouvez pas réaliser cela. Egalement, il faut l’accompagnement d’une banque avec un certificat. C’est parmi ces dossiers donc que l’on fait un tirage au sort certifié par un huissier de justice et les listes sont publiées. On fait tout pour qu’il y ait la transparence.
Propos recueillis par Edwige SANOU