Après le lieutenant Honoré GORGO, un autre officier était ce mercredi 12 septembre 2018 à la barre du juge Seydou OUEDRAOGO. Il s’agit du lieutenant Abdoul Kadré DIANDA. A l’instar de certains de ses co-accusés, cet officier de l’ex régiment de sécurité présidentiel (RSP), ne reconnait pas les faits qui lui sont reprochés dans le cadre de ce procès sur le putsch de septembre 2015. Bien au contraire, il dit avoir été embarqué dans une aventure inconnue sans pour autant savoir ni comment les choses ont commencé pour en arriver à l’arrestation des autorités de la Transition, ni connaître ses commanditaires ainsi que son issu.
« Monsieur le président, je ne reconnais pas les faits qui me sont rapprochés », a répondu le lieutenant Abdoul Kadré DIANDA au juge Seydou OUEDRAOGO, après la lecture des charges qui pèsent sur lui. Au total, ce sont quatre charges qui sont retenues contre lui dans le cadre du procès entamé depuis février dernier sur les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants. Il est notamment poursuivi pour complicité d’atteinte à la sureté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaire, incitation à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline.
Selon le récit de ce jeune officier de l’armée à double médailles (médaille des Nations Unis et médaille commémorative agrafe Soudan), le 16 septembre 2015, il s’est rendu au camp Naba Koom II aux environs de 5h30mn pour sacrifier au traditionnel mercredi de sport au RSP. Mais à cause d’un cross que l’armée de terre organisait le lendemain et auquel le RSP était invité, la séance sportive n’eut pas lieu. C’est ainsi qu’il s’est rendu à son bureau pour évacuer le service courant. Aux environs de 13h, il se serait rendu en ville pour des courses personnelles. C’est au retour donc qu’il dit avoir reçu un appel du lieutenant GORGO qui l’informait qu’il avait eu vent de mouvements au palais présidentiel et que les éléments du RSP étaient appelés à converger vers Kossyam. Après le lieutenant GORGO, c’est le commandant KORGO qui téléphoniquement lui demandait ce qui se passait à la présidence. N’ayant pas de réponse, il a voulu se renseigner avant de faire le point au commandant. C’est ainsi qu’il dit avoir appelé le major KOUMBIA pour s’enquérir de la situation. Celui-ci lui aurait fait comprendre que le président Michel KAFANDO et le premier ministre Yacouba Isac ZIDA étaient pris en otage au conseil des ministres, mais qu’il n’avait pas de plus amples informations concernant cette situation. Pour en savoir davantage donc, il dit avoir par la suite appelé l’adjudant Florent NION qui lui a signifié que le problème qu’il y avait actuellement au RSP ne pouvait pas se raconter au téléphone. Après l’adjudant, c’est le capitaine NANA, alors de grade lieutenant, qu’il a appelé en vain. L’officier DIANDA raconte que c’est à partir de là qu’il a compris que quelque chose de sérieux se passait au RSP. Il a donc rappelé le commandant KORGO pour lui faire le point de ce qui lui était revenu au téléphone.
Avant de se rendre à la présidence, il se serait rendu au Conseil de l’Entente où il réside avec notamment le lieutenant COMPAORE pour se mettre en tenue. Après avoir été empêché d’entrer au palais par la porte principale de la présidence par des soldats armés, il se serait rendu au PC central, notamment au bureau du chef de corps, où il y avait aussi le général Gilbert DIENDERE, le major KERE, le lieutenant GORGO, le caporal Sami DA armé et vêtu de gilet par balle, et certains jeunes officiers. Selon lui, à cette rencontre, le capitaine DAO brillait par son absence, car il était à Bobo.
Le lieutenant DIANDA confie qu’à cette rencontre, le général quatre étoiles, leur avait donné l’information de l’arrestation des autorités de la Transition et s’était notamment excusé non seulement de l’urgence de la réunion, mais aussi pour n’avoir pas tenu les officiers du RSP informés de ce qui se tramait. Selon lui, le général aurait dit qu’il allait se rendre au ministère de la défense et des anciens combattants et que par la suite il leur fera le point de la situation. Selon cet officier, cette petite réunion s’est tenue dans une atmosphère tendue, de mécontentement, de suspicions et de méfiance.
Après s’être rendu donc dans leur ministère de tutelle avec le major KERE, c’est dans la nuit que le général a passé l’information de la tenue d’une réunion avec le collège des sages. Selon lui, étaient présents à cette rencontre, le chef d’Etat major des armées de l’époque le général Pingrenoma ZAGRE, le colonel-major Alassane MONE, le major KERE, le capitaine DAO, le général DIENDERE, certains jeunes officiers comme lui et le lieutenant GORGO, deux soldats armés qui assuraient la sécurité des lieux, Monseigneur Paul OUEDRAOGO et l’ancien président Jean-Baptiste OUEDRAOGO.
La délégation civile des sages conduite par Monseigneur a cherché à comprendre pourquoi en était-on arrivé à une telle situation au RSP, mais les éléments présents étaient unanimes : « les hommes disent qu’ils n’ont plus confiance aux autorités de la Transition. D’ailleurs, ils n’étaient plus prêts pour une quelconque médiation, car leurs préoccupations depuis le début des différentes crises n’ont jamais été prises en compte ». Selon l’accusé, face à ce blocage, le monseigneur et sa délégation ont dit que le contexte était inopportun pour une crise et qu’ils étaient venus pour résoudre le problème qui a valu l’arrestation des autorités, mais si les éléments du RSP n’étaient pas du tout disposés à négocier, leur médiation était impossible. Selon le lieutenant DIANDA, c’est sur cet échec que les deux parties se sont séparées.
Selon son récit, c’est à la télévision le 17 septembre aux environs de 8h qu’il aurait appris la naissance du Conseil national de la Démocratie porté par le général quatre étoile que le médecin colonel annonçait à travers une déclaration. C’est à ce moment donc qu’il a compris que c’était un coup d’Etat consommé. Ce jour là au carré d’armes, on a annoncé que le quartier était consigné et le maintient des hommes en caserne. C’était selon lui le capitaine ZOUMBRI qui était chargé de la bonne exécution de ces consignes. Alors, en tant que commandant de compagnie, il amis en place deux unités avec ses hommes qu’il avait sous la main.
Toutefois, au PC central le chef de corps leur a fait comprendre que le général DIENDERE dans ce coup de force disait avoir le soutien de toute l’armée, même si cela n’était pas encore officiel.
Dans la journée du 18 septembre, il était chargé de la mission aéroport avec ses éléments pour l’arrivée des chefs d’Etat de la CEDEAO. A l’aéroport, il affirme qu’en plus du général DIENDERE et du capitaine DAO, il y avait toute la hiérarchie de l’armée, de la police et de la gendarmerie nationale.
Egalement, selon son récit, le 19 septembre, le président du CND a tenu une réunion où il donnait des conseils aux éléments et les exhortait à éviter les bavures.
Selon lui après avoir fait un tour à l’hôtel Laïco sur instruction du chef de corps, il n’a plus quitté le camp jusqu’au 28 septembre. Pendant son cantonnement à la caserne, il dit avoir participé à trois opérations de désarmement. Lesquelles opérations ont rencontré des difficultés, car des eléments comme le sergent-chef Roger KOUSSOUBE, le sergent-chef Ali SANOU, Boureima ZOURE, le sergent Djerma, Abdoul Nafion NEBIE s’y sont âprement opposés.
Tout comme le lieutenant GORGO qui a vidé son sac avant lui, le lieutenant DIANDA affirme que pendant ces évènements, il y avait des éléments incontrôlés au RSP qui n’agissaient plus sous les ordres de leur hiérarchie directe. Il en veut pour preuve le sergent-chef Laoko Mohamed ZERBO qui relevait de sa compagnie et était en ville avec d’autres éléments à son insu.
A en croire le lieutenant, sa présence au camp jusqu’au 28 septembre, malgré l’appel du chef d’Etat major des armées s’expliquerait par le fait qu’il avait le devoir de rester pour faire entendre raison à ses hommes, notamment en ce qui concerne le désarmement.
Face à ce grand déballage, le parquet a estimé que le lieutenant DIANDA revenait à demi-mots sur ses déclarations lors de l’instruction et qui sont contenues dans le procès-verbal. Mais face aux multiples questions du parquet pour lever le voile sur les zones d’ombre, le lieutenant DIANDA à l’image du lieutenant GORGO est resté constant et fidèle à ses déclarations consignées dans le procès-verbal qu’il reconnait et assume pleinement.
Le 18 septembre prochain, celui qui aura 32 ans était au moment des faits commandant de compagnie au groupement des unités spéciales commandé par le capitaine DAO. Cumulativement, il commandait le Groupement d’intervention anti-terroriste (GIAT). En mai 2015, il a aussi été nommé officier de sécurité au RSP et était par conséquent responsable de la cellule information au PC où il recevait les informations, les renseignements et les ordres directement du chef de corps.
Candys Solange PILABRE/ YARO