Depuis quelques années, les tricycles ont fait leur apparition dans le paysage routier burkinabé. Mais, ceux qui les conduisent font l’objet de récriminations aussi bien de la part des populations qui les accusent de gêner la circulation que des chauffeurs de taxis qui les accusent de leur faire de la concurrence déloyale. Pour les intéressés, ces reproches ne sont pas toujours fondées.
Lorsque l’on la contemple de l’extérieur, la gare de l’Est de Ouagadougou a comme quelque peu perdu de sa superbe. Et pour cause, la construction d’une infrastructure routière a ralenti l’affluence de la foule qu’on trouvait aussi bien autour de la gare qu’à l’intérieur. Mais lorsqu’on y accède, le constat est implacable : l’affluence habituelle est quasi-intacte. Comme dans beaucoup de gares, les voyageurs ont le choix entre deux modes de transport : des taxis et depuis quelques années, des tricycles.
Boureima OUEDRAOGO est de ces derniers. Comme c’est le cas pour de nombreux conducteurs, il loue pour trois mille (3 000) francs CFA par jour le véhicule avec un tiers, alors que ses revenus journaliers oscillent autour de cinq mille(5000) francs.
Madi DIALLO, conducteur de tricycle
La plupart du temps, les conducteurs de tricycles sont vus comme étant les « champions » du non respect du code de la route. Ce que réfute M. OUEDRAOGO. « Nous nous arrangeons pour ne gêner personne dans la circulation. Mais, les engins sont tels qu’on ne peut pas les maîtriser à notre guise », argue-t-il.
Pour lui, il n’y a pas de malentendus avec les taximen : « Ce sont les clients qui nous demandent de les prendre, parce que nous acceptons les transporter à un prix moindre que les taximen. Avec ces derniers, il faut obligatoirement débourser trois cents (300) francs CFA, alors que nous les prenons volontiers avec deux cents (200) francs CFA, voire cent cinquante (150) francs CFA. C’est souvent des familles entières qui, lorsqu’elles veulent se rendre à un mariage par exemple, nous font appel, parce qu’elles n’ont pas les moyens de s’offrir un taxi », explique-t-il.
« C’est le manque de clients qui cause ces malentendus », observe Kamina ZOUNGRANA, chauffeur de taxi depuis vingt-cinq (25) ans qui dit avoir observé la baisse considérable de ses revenus depuis que les tricycles ont fait leur apparition. Pour lui, les tricycles compromettent la rentabilité des taxis.
Les conducteurs de tricycle ne sont en infraction que s’ils prennent plus de deux personnes nous explique-t-on. Et puis « comme y a des endroits dans lesquels les taxis ne vont pas, les tricycles prennent le relais », constate Miloti BAMBIO, taximan, pour qui les chauffeurs de taxis et tricycles sont plutôt complémentaires puisque, « depuis que les tricycles nous prennent les bagages des clients, les amortisseurs de nos véhicules durent plus longtemps », se réjouit-il. Mais que cela ne tienne, il estime que les tricycles ne sont pas un moyen sûr pour le transport des personnes. « Quant aux personnes qui empruntent les tricycles, elles le font à leurs risques et périls », remarque-t-il
Pour Boureima OUEDRAOGO, ce serait regrettable que les autorités en viennent à interdire le transport des personnes aux conducteurs de tricycles, parce que « C’est notre seul moyen de survie », note-t-il. En outre, pour lui, brandir les accidents comme un motif d’interdiction est un faux existaient car, « des accidents, il y en avait bien avant l’avènement des taxi-motos », remarque-t-il. Pour lui, lorsqu’un conducteur de tricycle se trouve impliqué dans un accident, c’est à son corps défendant. « Nous sommes comme tout le monde et nous ne pouvons pas causer des accidents délibérément », explique-t-il.
Les difficultés rencontrées ont emmené les conducteurs de tricycles à s’organiser en syndicat pour défendre leurs intérêts aussi bien à l’égard des chauffeurs de taxi qui ne les reconnaissent pas le droit de prendre des personnes qu’à l’endroit des policiers. « L’idée de la création du syndicat en 2017 est née du fait qu’il arrivait que par mauvaise foi de certains conducteurs, les clients les perdent de vue. Avec tous les problèmes qu’on peut imaginer. La nécessité de s’organiser s’est donc imposée », explique Guédé Madi DIALLO qui indique que tous les conducteurs affiliés au syndicat ont leurs engins immatriculés. Lesquelles immatriculations sont remises aux clients qui, en cas de perte de leurs bagages, peuvent faire une déclaration de perte au syndicat.
Relations compliquées avec les forces de l’ordre.
Si certains chauffeurs de taxi se montrent conciliants, les conducteurs ont aussi souvent maille à partir avec les policiers. « Les policiers exigent que nous ayons des cartes grises, des assurances, des permis de conduire, mais aussi que nous fassions régulièrement des visites techniques », explique Madi DIALLO, qui représente par ailleurs le syndicat au sein de la gare de l’Est. S’il trouve normal que la police exige les autres documents, il en va tout autrement pour le permis de conduire. « Comment nous demander des permis de conduire, alors qu’au Burkina, aucune école ne les délivre ? » s’indigne-t-il, car en plus de ces documents, il faut payer des patentes à six mille (6000) francs CFA l’année.
Soumana Loura