Comme annoncé hier par le président du tribunal, Seydou OUEDRAOGO, ce 5e jour du procès du putsch de septembre 2015, a vu l’examen, non seulement de la liste des témoins cités par le parquet, mais aussi, celui des différentes listes des témoins que les accusés souhaitent entendre lors de ce procès. A l’appel du greffier en chef, la plupart des témoins cités par certains accusés étaient absents, car n’ayant pas reçu de notification.
C’est à 9h25mn que le président du tribunal Seydou OUEDRAOGO, a annoncé la reprise du procès, initialement prévu se tenir à 9h. Il a voulu commencer immédiatement avec l’examen de la liste des témoins cités par le parquet et par les accusés, mais Me YELKOUNI de la défense, a tenu a attiré l’attention du tribunal par rapport au comportement du directeur de la justice militaire, Sita SANGARE qu’il considère intolérable. « Nous ne pouvons pas tolérer que le directeur de la justice militaire épie les faits et gestes d’un accusé et lui fasse des remontrances. C’est vous et vous seul qui êtes la police dans ce procès », a déclaré Me YELKOUNI au président du tribunal. Ainsi interpellé, Seydou OPUEDRAOGO a promis de prendre toutes les dispositions nécessaires afin que ce genre de situation ne se produise plus, et ce, pour une bonne tenue du procès.
Cet incident clos, le président et les juges accesseurs ont procédé à l’examen de la liste des témoins du parquet militaire et des accusés. Des quarante-trois (43) témoins (dont un expert) que le parquet a convoqués, douze (12) étaient absents. De ces douze absences, six étaient injustifiées dont celles d’Eddie KOMBOIGO et d’Achille Marie Joseph TAPSOBA du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).
Aussi, de ces quarante-trois témoins, cinq (5) sont des ex inculpés. Il s’agit de Mohamed Rachid ILBOUDO, de Noël SOURWEMBA, d’Ali SAWADOGO, d’André Moïse NIGNAN et de Bénédicte Jean. Ce qui a soulevé des inquiétudes du côté de Me SALEMBERE de la défense. « Est-ce que des ex inculpés peuvent comparaître comme témoins », a-t-il questionné. La réponse du Bâtonnier, de la partie civile et du ministère public ne s’est pas fait attendre : « il n’y a aucun élément juridique qui puisse les empêcher de comparaître ».
Après le parquet, ce fut au tour des accusés de voir la liste de leurs témoins examinée. Et ce fut celle du Général Gilbert DIENDERE qui fut le premier à être examinée. Des vingt-cinq (25) témoins qu’il a mentionnés sur sa liste, seulement trois étaient comparants, même si elles n’ont pas été notifiées. Celles-ci disent avoir eu vent de leur qualité de témoins par voie de presse. Ce fut le cas pour les témoins des accusés Jacques LIMON, Ardjouma KAMBOU, Rélwendé COMPAORE, Boué séni MEDA, Abdoulaye DAO, Djibrill BASSDOLE, Léonce KONE, hermann YAMEOGO, et Abdoul Aziz PORGO. Pour les conseils de ces accusés, cette situation est imputable au parquet militaire qui n’aurait pas fait son travail comme le veut la lecture croisée des articles 105 et 106 du code de justice militaire qui stipule que la notification aux témoins doit être faite par la gendarmerie ou tous autres forces publiques, et ce, sous la diligence du parquet militaire. Une thèse battue du revers de la main par le parquet militaire et la partie civile. « Il n y a pas de base légale qui oblige le parquet à citer les témoins qu’un accusé souhaite entendre. Un accusé qui veut entendre un témoin prend toutes les diligences nécessaires en la matière », a noté le ministère public. Pour lui, la défense ne fait qu’un raisonnement par déduction des articles qui s’accommode très mal avec le raisonnement juridique. « Qui d’autre que les accusés doivent s’occuper de leurs intérêts », s’est demandé la partie civile, qui au nom de l’article 50 du code de justice militaire et des articles 435 et 550 du code de procédure pénale, estiment que les témoins sont cités par les accusés eux-mêmes par voie d’huissier.
Mais jusqu’à la suspension du procès à 17h00, le conseil des accusés est resté campé sur sa position. « C’est le parquet qui mouvemente la police et la gendarmerie. Ce tribunal est une juridiction d’exception, donc ce sont les articles 105 et 106 du code de justice militaire qui doit prendre le dessus sur le code de procédure », a insisté Me SOMBIE. Et eu égard des débats houleux qui se menaient sur cette question, la Bâtonnier, Me TIAM, en est arrivé à se demandé si l’on était dans un procès ou dans un tractât. Cet entêtement de la défense a fini par faire croire à Me NEA de la partie civile que la défense ne veut pas réellement qu’on entende ses témoins.
L’autre grief évoqué à cet appel des témoins des accusés, c’est le fait qu’un accusé puisse être à la fois témoin. Mais pour Me DAKOURE du barreau de Côte d’Ivoire, ce débat est sans objet, car « l’accusé est le premier témoin d’un procès ». Le ministère public, lui, ne l’entend point de cette oreille, car selon lui, l’article 118 du code de procédure pénale est clair : « un accusé ne peut pas être témoin. On ne peut pas porter deux chapeaux ».
Aussi, une liste de témoin déposées ce matin même au près du tribunal, a fait l’objet de débats. Il s’agit en effet de la liste des accusés HermannYAMEOGO, Djibrill BASSOLE et Léonce KONE, qui souhaitent désormais que le président qui siège à ce tribunal, Seydou OUEDRAOGO, soit lui aussi entendu comme témoin. Ce qui pour le ministère public manque de sérieux. Pour Me FARAMA de la défense, en vertu de l’article 26 du code de justice militaire, le juge qui siège ne peut pas avoir cette double qualité ; celle de témoin et de juge pour la même affaire et Me SOME de la partie civile d’ajouter :« ceci est tout simplement un abus du droit » Me Guy Hervé KAM, lui est allé plus loin en affirmant : « on est arrivé maintenant à l’étape ultime du manque de respect que peut avoir des avocats envers un tribunal ».
L’audience de ce mardi matin a pris fin avec l’examen du mémoire déposé par Me BONKOUGOU qui demande au tribunal d’aller mieux se pourvoir et de déclarer les citations nulles et nul effet, car l’arrêt de renvoi du 29 décembre, ne désigne aucune juridiction devant laquelle les accusés doivent comparaître. Par conséquent, le parquet a outrepassé ses pouvoirs en désignant le tribunal militaire de Ouagadougou, comme étant la juridiction désignée par l’arrêt à connaître de cette affaire. Mais pour le ministère public, Me BONKOUGOU renvoi le tribunal en arrière, car ce débat avait été épuisé lors des audiences passées et requiert cette demande irrecevable, car étant mal fondé.
C’est avec ces débats sur la nature de la juridiction compétente à connaître de cette affaire que le président a suspendu l’audience. Elle reprend ce vendredi 30 mars 2018 à 9h00mn heure GMT.
Candys Solange PILABRE/YARO