En dehors de la Guinée, du Ghana, du Liberia et de l’Ethiopie qui ont déjà franchi les 60 années d’existence en tant qu’Etats souverains, la plupart des pays s’apprêtent à entamer 6e décennie d’existence. Une ère nouvelle certes, mais qui ne sera sans doute pas nouvelle en termes de développement tant souhaité ou rêvé, puisqu’il ne reste que quelque deux mois pour relever ce gigantesque défi. Radars Info Burkina est allé à la rencontre de Betho Denis Nébié, professeur de linguistique à l’Université Joseph Ki-Zerbo et adepte des travaux de Cheick Anta Diop. Dans cet entretien, il aborde la question de la renaissance africaine.
Dans 2 mois nous serons en 2020, le début de la troisième décennie de l’an 2000. Les pays africains, qui ont majoritairement accédé à la souveraineté internationale en 1960, auront 60 ans. Mais le berceau de l’humanité reste dominé par la pauvreté. Son économie sans industrie lourde reste dominée par des produits importés, ses matières brutes exportées à vil prix avec un marché qu’elle n’a toujours pas réussi à contrôler ni à exploiter.
Si l’époque des guerres civiles semble révolue sur le continent, celle des famines, des maladies graves (Sida, Ebola), des crimes atroces contre des populations reste d’actualité dans certaines contrées. Il faut ajouter à cela le fait que l’hydre terroriste y a fait son lit, un phénomène qui avait pourtant jusque-là épargné l’Afrique. Au niveau politique, la démocratie demeure un luxe pour plusieurs peuples du continent. Pour tout dire, le contient noir tend toujours la main, le sort de ses masses n’a pas réellement ni fondamentalement changé.
Un constat ahurissant qui alarme les panafricains et partisans d’une renaissance africaine. Renaissance parce qu’il y a déjà eu naissance, nous explique le Pr Betho Denis Nébié. « La création a commencé en Afrique. Quand on le dit ainsi, Beaucoup de gens pensent automatiquement à l’Egypte antique. Or, avant la grande civilisation des pharaons, il y a eu la Nubie qui fut une brillante civilisation plusieurs siècles avant celle de l’Egypte des pharaons d’où tout est parti», a-t-il ajouté.
Selon cet universitaire, le développement de l’Afrique a été détruit et anéanti par son contact douloureux avec le reste du monde. Notre continent a connu 400 ans d’esclavage qui l’ont considérablement vidé de sa ressource humaine. Une tragédie connue sous le nom de « commerce triangulaire », précédé par une autre vente des Noirs qu’on a appelée l’esclavage transsaharien. A cela il faut ajouter la colonisation et le néo-colonialisme et vous comprendrez qu’on ne se remet pas de ces traumatismes du jour au lendemain, nous a-t-il indiqué.
Mais pour le Pr Nébié, l’Afrique a de grands jours qui l’attendent. On nous a menti sur ce que nous sommes et sur ce qu’ont été nos ancêtres. Quand j’ai pris connaissance des travaux de Cheick Anta Diop en 1985, j’ai compris que l’Afrique n’était pas maudite. Depuis lors, je me suis engagé à expliquer aux jeunes ce que nous avons été et les causes de nos malheurs actuels. Au regard tout cela, l’espoir est permis à la masse africaine. Car l’Afrique est l’espoir du monde, affirme-t-il.
Le professeur a également mis en évidence le caractère humain du développement africain « nous n’avons pas le même entendement du développement que les Blancs (Occidentaux). Chez nous, le développement est humain alors que chez eux, c’est le matériel. Nous sommes les seuls qui ont mis l’humain au-dessus du matériel », renchérit-il.
Par ailleurs, l’universitaire exhorte les Africains à aller à la découverte de leur identité culturelle, traditionnelle et à s’inspirer du passé glorieux du continent pour aboutir à sa renaissance. « Quand l’Afrique reprendra les devants du monde comme l’Egypte dans l’Antiquité, l’humanité tout entière fera un bond en avant », lance-t-il avec un air nostalgique. Espérons que son appel sera entendu.
Péma Néya