Dans une récente sortie médiatique, le Conseil d’information et de suivi des actions du gouvernement (CISAG) a clamé l'innocence du ministre des Mines Oumarou Idani dans le scandale de l'affaire dite de « charbon fin » qui défraie la chronique et appelé à une contre-expertise indépendante pour départager les différentes parties incriminées. Le président du conseil, Issiaka Ouédraogo (IO), dans une interview accordée à Radars Info Burkina (RIB), revient sur les rencontres initiées par sa structure auprès des différents protagonistes et qui leur permettent aujourd’hui d’affirmer que le ministre Idani est « clean ».
RIB : pourquoi cette sortie médiatique sur l’affaire dite de « charbon fin » ?
IO : la sortie d’hier répondait à une suite logique de celle que nous avions précédemment tenue. Nous avions promis à l’opinion de revenir avec de plus amples informations dès que nous en aurions à notre disposition. A notre première sortie, lorsque nous avions appris qu’il y avait plus de 300 milliards de francs CFA de valeur d’or qui était en train d’être transférés vers le Canada sous forme de charbon fin et de charbon actif, nous avons jugé nécessaire de demander une commission indépendante, impartiale afin de mieux situer les responsabilités dans cette affaire. Nous savions à l’époque qu’une expertise avait été faite par le BUMIGEB qui est d’ailleurs la structure la mieux outillée pour faire ce genre de contrôle, mais aussi qu’une autre expertise commanditée par le procureur qui avait donné instruction de faire saisir la cargaison de charbon fin. Nous avons aussi critiqué la gouvernance minière, en demandant que les Burkinabè soient plus employés et mieux traités sur les sites miniers.
Et suite à cela, nous avons rencontré tous les protagonistes dans l’affaire dite de charbon fin : le ministre des mines, celui de la justice, le groupe Bolloré, le journaliste à l’origine du scandale Ladji Bama, Essakane ainsi que le directeur général des douanes. Cela dans le but d’avoir la version de chaque partie afin d’être mieux fixé sur les différentes accusations. Lors des échanges avec les protagonistes, nous avons demandé à un des ministres, pour quelle raison ils n’avaient pas pensé à régler le problème, pour éviter que l’affaire se retrouve sur la place publique. C’est là qu’il m’a fait savoir que l’on avait proposé une transaction c'est-à-dire un règlement à l’amiable et le ministre Oumarou Idani ainsi que la société Essakane l’ont refusé. Et le ministre des mines lui-même a affirmé qu’il ne pouvait accepter la transaction, dans la mesure où les quantités d’or n’ont pas été signifiées. C’est la valeur de l’or qui a été estimée, mais nous n’avons aucune idée sur sa quantité exacte. De plus, il affirme qu’il ne peut accepter cet accord que sur la base des quantités lues et approuvées par ses services techniques donc sur la valeur réelle qu’ils ont tous constaté et dont il est responsable. Mais s’il accepte un accord sur les supposés 300 milliards en valeur d’or que l’on aurait dissimulés dans le charbon fin, il perd sa crédibilité politique. Et nous pensons que l’on ne peut pas lui refuser ce droit. Le ministre n’a rien à se reprocher dans cette affaire, il est prêt à s’expliquer et que la justice suive son cours. Et il n’y a selon nous pas plus honnête que cela ».
La société minière Essakane a aussi refusé la transaction, parce qu’elle n’a rien à se reprocher et est sûre de ce qu’elle a posé comme acte. Car même lorsque la BENAF a été envoyée à Bobo-Dioulasso pour des contrôles sur la cargaison saisie, elle n’a pas retrouvé de corps étrangers tels les lingots d’or que l’on disait dissimulés dans le charbon fin ou encore du charbon actif et enrichi. Le problème qui se posait était au niveau du poids déclaré et signé par les différentes parties, et ceux trouvés à Bobo Dioulasso. Et l’estimation de cette différence tournait autour de 59 Kg. Essakane réfute aussi la manière dont le contrôle a été fait. Dans les normes, il faut prélever 5 pincées de chaque côté du sac contenant le charbon, car si le prélèvement n’est fait que d’un seul côté et que c’est là que se trouve la plus grande teneur en or, lorsque l’on multiplie ce résultat par le poids total cela donne de faux résultats. Aussi, la société estime que l’expert désigné par la justice n’a pas les qualifications nécessaires pour faire le contrôle, et son nom n’a pas été retrouvé sur la liste des experts agréés par la cour d’appel à laquelle il dit appartenir. C’est dans cette logique que Essakane sollicite une contre-expertise pour départager les différentes parties. De plus elle reconnaît qu’il peut y avoir une différence des poids, sûrement causée par des erreurs humaines ou par des balances défectueuses.
Ce qu’il faut ajouter dans cette affaire, c’est qu’après le traitement du charbon fin, ce que l’on retire comme or, argent, est sujet d’un rapport qui précise la quantité d’or trouvée. Et ce rapport est remis à la mine et à l’Etat Burkinabè et le reliquat est payé par la mine. Et tous ces éléments nous poussent à croire qu’il n'y a pas eu de volonté manifeste de frauder dans cette affaire.
RIB : plusieurs personnes estiment que votre sortie n’avait que pour but de défendre le ministre des mines Oumarou Idani, que répondez-vous à cela ?
IO : Pour ceux qui pensent que nous sommes sortis pour défendre le ministre des mines, je dirai qu’il faut savoir lire entre les lignes. Notre rôle n’est pas de mentir sur des gens pour des faits dont ils ne sont pas responsables. Et si nous avions seulement rencontré une partie, on aurait pu affirmer que nous avions été corrompus par celle-là. Le pays a plus de problèmes sérieux à résoudre que de tergiverser sur un tel dossier. Essakane produit 14 tonnes d’or par an, qu’est-ce qu’une société de ce genre a à voler 59 kg d’or, chose qui n’est même pas prouvée ?
RIB : qui en veut donc au ministre des Mines, selon vous ?
IO : nous ne connaissons pas ceux qui sont contre le ministre mais nous pensons qu’à travers notre sortie ; il pourra se faire une idée de ces personnes. Nous ne rentrons pas dans ces débats. Ce que nous affirmons juste c’est qu’à l’heure actuelle le ministre n’y est pour rien. Nous nous fondons sur la présomption d’innocence, la justesse de la justice et sur la bonne foi des hommes qui l’animent.
RIB : que proposez-vous pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire ?
IO : il faut une contre-expertise indépendante, neutre, et dont les résultats seront imposés à toutes les parties. Elle permettra de blanchir qui de droit. La justice ne peut trancher que sur des faits réels.
Propos recueillis par Armelle Ouédraogo